Tant-Bourrin :
Ah ! Mais que vois-je donc là enfin ? Mon précieux quoique agreste co-blogueur ! Les ventricules de mon myocarde palpitent de joie de trouver enfin, au milieu des touffes capillaires qui l'enchâssent, une face connue en cette contrée inculte - dans tous les sens du terme ! - et désolée. Je nourris de toute la profondeur de mon âme la paterne espérance de vous savoir en de précellentes conditions physiologiques l


Saoul-Fifre :
Té, v'là l'aut' couillon de parigot !


Tant-Bourrin :
Je vous en prie, cher ami ! Votre lieu de résidence, au-delà de l'imperceptible impression de légère déliquescence et de gueuserie qu'il irradie, est, j'en suis intimement convaincu, le plus douillet et le plus accueillant qu'il soit. Ne serait-ce sa location outre-Périphérique, il pourrait être délectable, pour peu que l'on ne soit pas trop regardant, d'y résider quelques heures en toute équanimité !


Saoul-Fifre :
Reste-z'y donc pas planté comme ça, ducon ! Amène-toi !


Tant-Bourrin :
Le bouillonnement de ma gratitude n'a d'égal que celui des chutes du Niagara, cher bien que rustique ami, je suis éminemment flatté de votre accueil si affectueux ! Mais dites-moi, au risque de vous poser une question immodérément saugrenue, ne flotterait-il point mollement dans l'atmosphère alentours comme une effluence ma foi fort originale de premier abord, quoiqu'un peu méphitique à la longue ?


Saoul-Fifre :
Et Paris, trouduc, ça sent-y la rose ?


Tant-Bourrin :
Je vous concède avec grâce que notre belle Capitale exprime parfois un bouquet à note plutôt pétrolière et bitumineuse, mais, si je puis me permettre sans vous froissez - car telle n'est surtout pas mon intention -, il me semble, si mon odorat ne me fait pas défaut, que la tonalité olfactive est ici assez dissemblable et devient graduellement capiteuse à l'approche de ce tas de matières indéfinissable, là-bas, près de l'entrée de votre coquette demeure. J'avoue demeurer encore dans la plus abyssale des perplexités s'agissant d'identifier l'arôme prééminent, car je n'ose formuler l'idée absurde que susurre ma perception sensorielle à mon cortex : n'y aurait-il pas - je vous prie de bien vouloir m'excusez par avance de l'énormité que je vais proférer et dont je rougis d'avance - comme une infime fragrance de flux alvin ?


Saoul-Fifre :
Alors ferme-z'y donc ta grande gueule, ça sentira moins ! Et rentre-z'y, on va pas rester plantés là comme des cons !


Tant-Bourrin :
Vous êtes fort civil, cher quoique passablement glaiseux ami. Oh, mais que voilà un intérieur atypique décoré avec goût ! Un goût certes vaguement déstabilisant, mais une certaine forme de goût assurément. Ces petites boules noirâtres répandues de façon quasi stochastique à même le parquet, par exemple, titillent l'aisselle de ma curiosité avec la plume de l'originalité. Permettez-moi, cher et néanmoins rural ami, d'en ramasser une pour l'examiner plus avant. Ma foi, les vagues de mon savoir se fracassent sur les digues la méconnaissance de ce type de concrétions sphéroïdales. Auriez-vous l'extrême accortise, à la bougie de la réponse, de chasser les ténèbres de mon trouble ?


Saoul-Fifre :
Des crottes de bique, pardi ! Connaud de parigot !


Tant-Bourrin :
Des résidus fécaux caprins ? En vérité, voilà un ornement autrement plus inaccoutumé, quoique un peu déconcertant du strict point de vue olfactif, que le marbre ou les dorures ! Mais qu'aperçois-je là, alanguie sur le sofa ? Mes sens, pourtant fiables à l'ordinaire, souffriraient subitement d'une forme d'altération fallacieuse ? Rassurez-moi, je vous en prie : ce n'est point un bovidé de la sous-famille des caprinés que je crois visualiser céans ?


Saoul-Fifre :
Bin ouais, mon gars ! Pourquoi les bestiaux i'z'auraient pas le droit de loger ici ? J't'ai bien fait entrer, toi !


Tant-Bourrin :
Calmez vos inquiétudes, je vous en prie, cher et néanmoins terreux ami : je saurai m'accommoder de cet insignifiant détail, même s'il n'en demeure pas moins vrai que ma fréquentation assidue des salons parisiens ne m'a à vrai dire jamais amené à être confronté à une telle situation. Mais, sans vouloir vous apparaître vétilleux, n'est ce point un volatile galliforme que j'aperçois là en train de picorer sur le parquet ?


Saoul-Fifre :
Ta gueule ! Tu vas-y pas nous faire l'inventaire de la basse-cour ! On va passer à l'apéro !


Tant-Bourrin :
C'est avec plaisir et reconnaissance que j'accepte, cher quoique campagnard ami ! Si je puis me permettre de faire montre d'une épouvantable outrecuidance, disposeriez-vous d'un peu de Champomy ? Car, en vérité, il s'agit là de la seule boisson que j'ai pour habitude d'ingérer.


Saoul-Fifre :
Du Champo quoi ? Tu déconnes ? Tiens-y donc, goûtes-y moi plutôt ça, c'est fabriqué maison !


Tant-Bourrin :
Je vous en remercie du plus profond de mon âme, cher et pastoral ami. Mmm, le parfum qui en émane fait vibrer ma muqueuse olfactive de contentement !..... Aaaaaaaarh !... Teuh ! Ttheu !... Pfiuuu !... C'est... heu... légèrement plus puissant de goût que le Champomy ! Je crains que votre breuvage n'ait provoqué quelque inflammation de mon palais sûrement trop délicat.


Saoul-Fifre :
Allez, reprends-y donc un autre verre, le parigot !


Tant-Bourrin :
Heu... Doucement, je vous prie, cher et exubérant ami ! Je suis usuellement d'une grande sobriété et je ne voudrais point abuser ! Mais soit, je ne puis déroger aux règles immuables du savoir-vivre.... Aaaarh !... Cette boisson est décidément d'un abord assez surprenant !... Teuh ! Teuh !... Je... Je vais m'en tenir là. Merci encore, cher quoique bucolique ami, si nous pouvions passer à la suite...


Saoul-Fifre :
Tiens, voilà !


Tant-Bourrin :
Héééé ?... Heu... Bon, je ne voudrais point paraître incorrect, alors... Aaaaaaaaaaarh ! J'ai l'impression d'avoir ingéré un haut-fourneau ! Par pitié, cher ami bouseux, cessons-là !


Saoul-Fifre :
Tiens, voilà !


Tant-Bourrin :
Gné ? Heu... Non, arrêdez, je vous en trie ! Bon, je ne poudrais boint vous fager, mais c'est le pernier, hein ?... Aaaaaaaarh ! J'ai du feu dans la douche !


Saoul-Fifre :
Tiens, voilà !


Tant-Bourrin :
Bitiéééé !!!... beuk ! pfiou ! bwaaaark !


Saoul-Fifre :
Tiens, voilà !


Tant-Bourrin :
Glarwg ! glarwg ! Glarwg !... Beuaaaark ! Ptfffiou ! Beeeuuaaaark !... Aaaaaargh !




C'est à ce moment que je me suis réveillé en sursaut et en nage.

Hem ! Il est vrai qu'un bug est vite arrivé, qui pourrait avoir des conséquences fâcheuses !

Finalement, pour mon expédition chez Saoul-Fifre, je crois que je vais plutôt apprendre la langue des signes, cela me paraît beaucoup plus sûr !