L'avantage de Hollande, si l'on peut dire, c'est que nous avons là clairement un candidat de second tour. Le PS, qui n'a jamais été aussi frileux dans son histoire que sur ce coup-là, s'est dit :

- "Nous n'avons jamais été plus proche de l'alternance qu'aujourd'hui, même un cochon avec un peu de rouge-à-lèvres remporterait cette élection, à condition de se dire de gauche, mais ON NE SAIT JAMAIS. Choisissons-nous donc un représentant passe-partout, couleur muraille, avec rien qui dépasse, rien ne risquant d'accrocher sur les bords. Il devra avoir une belle langue de bois dont on fait les pipes à tous les membres masculins du corps électoral sans pour autant rechigner devant un léchage approfondi des fesses féminines, à droite, à gauche et même au centre. Les peureux, les inquiets, qui ont fini par comprendre que leur banque est la vraie propriétaire de leur pavillon, devront se dire que ce gars du PS est sérieux et gentil, qu'il va les protéger et les défendre contre les méchants."

2012 l'année où le PS vous rase ou vous épile gratis, avec un bisou en prime.

2012 l'année bisounours

2012 l'année Hollande

Bon Hollande est bien un pur produit de l'ENA, mais il a dû rater quelques cours. Il vient de nous faire pour les primaires de son parti une magnifique campagne d'entre-deux-tours !!

Du coup, nous voici devant un peu de certitude : ne voteront pour Babybel au premier tour que les encartés au Parti, MOINS quelques soutiens de Montebourg qui, dégoûtés par sa lâcheté, sont partis rejoindre Melenchon, PLUS quelques démocrates tellement straights and squares dans leur tête, tellement américanisés que le premier tour ne les intéresse pas et qu'ils votent selon les derniers sondages.

La droite UMP, je n'en parlerai même pas, pour moi, elle est morte, enterrée et décomposée, les sénatoriales perdues, l'affaire Karachi, les lâchages de lest de la dernière heure, tout montre que Sarko perd pied, que ses gesticulations puent la peur et la noyade d'un règne. Juppé en sauveur n'y changerait rien, cela ressemblerait à du replâtrage vite fait mal fait.

Avec ce rétrécissement des votes UMPS de premier tour, un boulevard s'ouvre pour les "petits" partis, pour les seconds couteaux qui pourraient bien accéder au statut de présidentiables.

Bayrou y croit. Il y croit encore, à cette vieille prophétie de Mitterrand qui a vu en rêve la photo de Bayrou, avec l'écharpe tricolore et tout, suspendue dans la salle de la Mairie de Latche.

Les trotkistes sont en recul régulier. Ils n'ont plus le facteur ni l'employée de banque modèle qui leur avaient permis de si bons scores. Ils ne sont plus seuls à lever le poing contre le capitalisme. Avec la crise, tout le monde s'y est mis, même l'UMP, c'est dire si leur message spécifique s'est dilué. Et puis les français ont fini par comprendre qu'ils ne jouaient pas le jeu démocratique. Elus, ils ne votent jamais, même pour des décisions dans le sens de leurs idées, pour ne pas se "salir les mains".

Restent trois candidats qui ont tous trois à mon avis le même cœur de cible électorale et qui se sont retrouvés élus, c'est notable, suite à des primaires : Marine, Eva et Jean-Luc. Vous allez pouvoir hurler dans les commentaires, ne vous inquiétez pas. Démagogie ou sincérité, les trois affirment bien fort vouloir représenter les petits, les sans-grade, les abandonnés, les oubliés du système, les indignés.

Evidemment, les solutions proposées par Marine ne ressemblent pas à celles des deux autres, mais Marine elle-même ne se leurre pas sur quelques ressemblances qui pourraient lui être fatales. Pour elle qui reprend le vieux slogan de son père "Tête haute et mains propres", le risque est grand que certains de ses électeurs aillent préférer l'original à la copie. "Mains propres", c'est vite dit, mais autour des Lepen, on parle beaucoup de captation d'héritage, de remise en question de la Shoah, de pratiques musclées au cours d'interrogatoires...

Eva, elle, incorruptible juge d'instruction, fidèle aux lois de la République et acharnée à leur application sans concessions aux puissants malgré des menaces de mort, peut très bien grignoter un électorat lepéniste sincèrement dégoûté par les malversations financières de politicards ressentis comme pourris. Sur ce créneau, Eva est une concurrente directe de Marine et ceci explique l'incroyable agressivité rehaussée d'inquiétude du père et de la fille à son égard.

Reconnaissons que Mélenchon ne les terrorise pas outre-mesure.

Sinon, les programmes d'Eva et de Jean-Luc se ressemblent, mais quid des personnalités ? A mon âge avancé, j'ai entendu tant de promesses électorales mais si peu suivies de réalisation que j'en suis devenu méfiant. Dorénavant, je me penche sur la biographie des candidats, j'épluche leurs actes avant leurs mots. Le fait que Jean-Luc ait les communistes au cul me questionne un peu sur la sincérité de son programme ou plutôt sur la liberté qu'il aura de l'appliquer. Pour un coco, traditionnellement, tout ce qui est bon pour l'emploi est bon pour la France : les usines d'armement, le nucléaire, les industries bien polluantes, le centralisme énergétique... On peut changer, certes, mais bon ? Le Jean-Luc, sans être vraiment du sérail (ni ENA, ni Sciences Po mais licence de philo) est tombé jeune dans la politique. Entre L'OCI et le GODF, il a eu le temps d'apprendre le culte du secret et la fidélité aux idéologies. Au PS, il a soutenu toutes les politiques dominantes, reçu les investitures du parti, été ministre et n'a finalement craqué qu'en 2008, quand Ségolène (qu'il a soutenue en 2007) commence à parler d'alliance avec le centre. Je trouve son claquage de porte un peu trop récent pour lui accorder les yeux fermés son brevet d'écologiste révolutionnaire.

Ce problème d'hétérogénéité du Front de gauche ne se pose pas chez les Verts, où tout le parti pousse dans le même sens qu'Eva. A part ce con d'Bendit avec sa théorie fumeuse de la non-candidature (en échange du poste de ministre de l'Intérieur pour lui, un vieux rêve depuis Mai 68 ?). Eva a été plébiscitée par les militants de base car ils l'ont sentie déterminée. C'est une bosseuse, elle est inaliénable, ni menaces ni cajoleries ne lui feront dévier son chemin. Son budget prévisionnel est d'une sincérité absolue, elle ne nous bourre pas le mou, elle ne prend personne en traître. C'est Churchill en jupe, avec son blood sweat and tears. Si nous lui donnons suffisamment de nos voix, elle fera ce qu'elle a dit.

Je me répète : la configuration de ce scrutin est exceptionnelle. Nous n'avons jamais connu une telle opportunité pour qu'un parti secondaire puisse passer la barre du premier tour. Et la personnalité d'Eva Joly est tellement passionnante et atypique, jointe à cette horrible catastrophe de Fukushima qui a dessillé de nombreux yeux, qu'il est très possible que ce soit les Verts.

Depuis que je regarde virevolter nos hommes politiques sous les spots des médias, c'est la première fois que j'ai ce sentiment d'être devant un candidat capable de résister aux pressions des lobbies économiques pour vraiment appliquer un programme de progrès au service des humains, basé sur une vision à long terme qui mette l'avenir de nos enfants, de l'espèce humaine et de la Nature au premier plan.

Et cerise sur le chapeau, il s'agit d'une femme.