C’était tout de même une époque où l’on savait vivre, et bien vivre !

Le Chabanais ; le Sphinx ; le One two two… Des noms qui n’évoquent sans doute pas grand’chose pour vous : autres temps, autres mœurs !

La first classe, la crème s’y retrouvaient ! Madame veillait sur « ses filles », ne badinait pas avec l’hygiène, ni sur le langage, ah mais non ! Les mal-apprises, les harangères, les rapides du clapoir étaient mises à l’amende…

- Lisette, c’est quoi ce : « casse-toi pauv’con » ?

- Euh…

- Un franc cinquante d’amende !

- Mais Madame ?

- Tu renaudes Lucette ?... Deux francs ! Excusez-la, Monsieur Lucien, les bonnes manières se perdent. L’ invention du cinématographe, cette diablerie pour midinette en mal de Prince charmant, leur perturbe le cerveau, j’l’interdirai, moi, cette invention satanesque.

- Nique, Madame Germaine, nique.

- Oh Monsieur Lucien !

Ça n’étaient pas des vulgaires boxons pour bidasses aux glandes surchargées ou pour prolos venus arroser la paie de la semaine, que nenni.

Pas davantage pour des adjupètes de mes deux, encasernés à Sarreguemines ou à Hénin–Beaumont, ah mais non ! Du lupanar de haute volée, du trois étoiles dans le guide de la lubricité, les Panthéons de la gaudriolle, ils auraient mérités une fresque au sommet de l’Arc de triomphe.

Je la « vois », moi, la fresque : des Hétaïres en tenues vaporeuses, alanguies comme des modèles de ce bon Monsieur Ingres. Allongées sur des méridiennes de velours grenat, nonchalamment éventées par des négrillons en tenue de grand Vizir… Avouez que ça aurait eu une autre gueule que la fresque guerrière, fusse-t-elle de Rude. Bien plus enrichissantes pour les générations futures que ces bas-reliefs glorifiant les tueries passées ou à venir, les batailles d’amour, les seules qui vaillent !

Comme disait Luis de Gongora : « A batallas de amore, campo de plumas » !

Le Chabanais : situé dans la rue du même nom, au 12. Dans le très chic deuxième arrondissement, près du Palais Royal. Tu vois l’endroit ? Ce ne sont pas les puces de Clignancourt ni la rue Blondel !

Ce fabuleux établissement accueillit Edouard VII, qui fit fabriquer une baignoire en cuivre, que l’on remplissait de champagne. Il fit également fabriquer un fauteuil pourvu d’étriers métalliques…. Hue cocotte !

Pierre Louys et Guy de Maupassant ont honoré les lieux.

La chambre Japonaise, la chambre Louis XV, ainsi que la chambre Hindoue, sans omettre le cabinet Mauresque ont vus des ébats dignes du divin Marquis !

Finalement, la baignoire fut acquise en 1972 et offerte à Salvador Dali, puis installée dans sa chambre de l’hôtel Meurice, rue de Rivoli…

Le Sphinx : sans doute le plus luxueux lupanar des années trente, les propriétaires Paul Carbone et François Spirito associés à d’autres. Le haut du pavé de la pègre Parisienne de l’époque, la « femme » de Carbone n’était autre que « Manouche ».

Il était situé au 31 Boulevard Edgar Quinet, près de Montparnasse, dans le XIV ème. Il a compté jusqu’à 65 pensionnaires et pas moins de 5 sous-maîtresses !

Un monde, un reste d’Empire, poussières de grand siècle. .. Tout ce que Paris et ses environs comptaient comme personnalités s’y retrouvaient : Joseph Kessel, Blaise Cendrars, Francis Carco, Et même Marlène Dietrich ainsi que la grande Frehel, qui venait y pousser une goualante.

L’un des plus célèbres, dont le nom est encore sur toutes les lèvres (si j’ose dire) : le One two two.

Situé au 122 rue de Provence (d’où son nom) dans le VIIIème, près du magasin du Printemps et du boulevard Haussmann. Il s’élevait sur sept étages ! Volets blancs, toujours clos, bien sûr…

Il fut ouvert en 1924 par Monseur Jamet et sa femme Fernande, à qui je pense parfois (qui se faisait appeler Doriane), une ancienne prostipute du Chabanais. Ce magnifique établissement fut fermé en 1946 par les soins de Marthe Richard (puisse-t-elle brûler en enfer pour l’éternité).

Dans ce magnifique établissement de haute tenue, on pouvait au gré des passages dans les différentes chambres faire « le tour du monde » : une cabine de paquebot transatlantique, une cabine de l’Orient express reproduite à l’identique, le grenier à foin pour les nostalgiques de la ruralité, La chambre Egyptienne avec Cléopâtre (pas une momie je vous vois venir), la chambre Grecque aux colonnes doriques, et enfin la galerie des glaces avec miroirs pivotants…. Il y a de quoi rêver Messieurs !

Et même, pour les masos : la chambre des supplices avec, s’il vous plaît, mise en scène de la crucifixion !

Oh ! Bien sûr, tous les lupanars n’étaient pas aussi luxueux ! Loin s’en faut, et certains tenaient plus de l’abattage que des frivolités bon chic bon genre. Les pauvres filles qui y « travaillaient » n’avaient guère le choix, ni l’humeur primesautière : esclaves, voilà ce qu’elles étaient.

Savez-vous qu’au 22 de la rue Bayard, siège de R.T.L aujourd’hui, figurait le « Panier fleuri » un boxon ? Ce panier fleuri, ça n’était pas la first classe, je vous le concède.

Aujourd’hui, à Paris, les tapins fleurissent partout, du bois de Boulogne en passant par celui de Vincennes, et sans omettre les boulevards des Maréchaux avec les camping-cars garés à la queue leu leu (expression qui trouve ici toute sa valeur).

Etait-ce mieux, ? Devrais-je dire moins mal ? Je ne sais pas, mais ce qui est certain c’est que je regrette de ne pas les avoir connus…. Voilà c’est dit !



Pour vous et rien que pour vous j’ai inséré un lien.

Il s’agit d’un extrait du film de Gilles Grangier et Georges Lautner, dialogues Michel Audiard (excusez du peu) datant de 1965, intitulé : "un grand seigneur". C’est un film à skeches, que j’avais vu en son temps à Paris bien sûr.

L’extrait proposé est une scène de tribunal, et franchement cet extrait vaut son pesant de cacahuètes. Allez bonne rigolade. (regardez, même si c’est un peu long, ça en vaut VRAIMENT la peine)

http://kroulik.blogspot.com/2008/02/un-grand-seigneur.html