Écouter "battre le cœur de la colline", selon la belle remarque de Martine

Oui, une bonne partie de ma vie se résume à ça, une sorte d'arrière-plan permanent au film de mes occupations, sa bande-son et son décor, et en odorama, bien sûr.

Là, je viens de mettre la dernière main à ma récolte d'amandes, j'en ai déjà parlé ici mais cette époque est révolue et notre nouvelle machine, au bradassé et à moi, est nettement plus moderne. Elle ressemble à ça, mais l'odeur du bois et des feuilles vertes un peu malmenées est la même qu'avant.

Et le soir, à la fin du chantier, quand le soleil effleure l'horizon, nous entendons, venant du "pucier", un maquis bien épais qui domine l'amanderaie et qui a échappé au feu, les mêmes grognements impatients qu'à chaque récolte.

La machine n'est pas parfaite et, soit qu'elle laisse tomber quelques coques autour du tronc, soit que les vibrations les expédient trop loin, en dehors de la corolle, il reste assez d'amandes sur le sol pour régaler une harde de sangliers. Nous avons travaillé pour eux, maintenant ils sont pressés de venir se goinfrer. Ils veulent faire partie du premier service mais ils savent d'instinct que tant que le proviseur et son adjoint bloquent la porte de la cantine, il serait malséant de forcer le passage.

Alors ils prennent leur mal en patience mais on les entend depuis le champ se disputer entre eux et s'accuser mutuellement de notre retard à partir.

Allez, dis-je à Denis, vingt heures zéro sept, l'heure de l'anisette ! Si on les laisse s'énerver plus longtemps, ils vont se venger sur les arbres !

Quand la camionnette arrive à la cour de la ferme, elle double un faisan mâle effaré. Sans doute un rescapé du lâcher traditionnel "pour les vieux", un lâcher de faisans d'élevage effectué ... le jour de l'ouverture (authentique !) par la société communale.

Le pauvre faisan ne sait vraiment pas ce qui lui arrive. Il était tranquille avec ses pôtes dans une grande volière, on s'est jeté sur lui, on l'a bourré avec plein d'autres dans un carton minuscule et puis le couvercle a fini par s'ouvrir mais il avait à peine commencé à goûter à cette magnifique luzerne en graines qu'un festival d'explosions a commencé tout autour de lui.

Il ne se rappelle plus comment il est arrivé ici mais c'est nettement plus calme.

Juste il se dégotte une poulette et ce sera le paradis.