Mes disques de légende [1] : Catchers - "Mute"
Par Tant-Bourrin, vendredi 8 mars 2013 à 00:11 :: Saint Thèse, priez pour nous :: #1594 :: rss
L'exercice est périlleux, je le sais, qui consiste à faire du prosélytisme musical, à vouloir partager ses coups de coeur. Mes co-blogueurs vont bâiller d'ennui, la plupart des lecteurs zapperont, n'ayant pas plus d'une minute à consacrer à la lecture d'un billet; Mais tant pis, dussé-je bloguer dans le vide, j'ai décidé de présenter, de-ci de-là quelques-uns des albums qui me sont le plus chers, ceux qui brillent au firmament de mon Panthéon personnel, à tout jamais...
1994. La Britpop déverse son écume sur la plage de nos oreilles, avec son lot de perles (les Boo Radleys, PJ Harvey, Martin Newell...) et d'huîtres frelatées (Oasis). De l'autre côté de l'Atlantique, le catterpillar du grunge, qui dévastait tout sur son passage, voit son moteur caler avec la mort au parfum de plomb de Kurt Cobain.
Et puis, soudain, surgis de nulle part, il y eut les Catchers.
Comme beaucoup d'autres en France, ce fut par l'entremise de Bernard Lenoir et de son émission consacrée à "la musique pas comme les autres" sur France Inter que je les découvris.
C'est peu de dire qu'ils détonaient dans le paysage musical de l'époque : quatres ados (ils n'avaient que 19 ans alors) débarquaient de leur Irlande natale avec des chansons fragiles, poétiques, emplies de grâce.
Bernard Lenoir ne s'y était pas trompé : alors qu'ils n'avaient pourtant produits qu'un premier single, "Cotton dress", il les invita en septembre à venir jouer dans une de ses "Black sessions", concerts live d'une heure diffusés en direct.
Je me souviens de ce live, de la timidité de Dale Grundle, d'une Alice Lemon plus extravertie, pieds nus, qui parlait au public, lâchant quelques mots en français, de la batterie dont la pédale se cassa, obligeant Dale et Alice à jouer un sublime "Summer is nearly over" acoustique, en attendant qu'on la remplace... Bref, une heure de pure magie qui les fit aimer de tous ceux qui, ce soir-là, étaient derrière leur poste de radio.
Un premier EP, "Shifting", contenant six titres sortis dans la foulée, dont quelques titres ("Cotton dress", "Shifting") seraient réenregistrées peu après sur leur premier vrai album, "Mute", dont il est question ici. La pure merveille qu'est "Summer is nearly over" ne le sera en revanche pas, à mon grand dam, car cela eut donné, si la chose était possible, une dimension encore plus extraordianire à "Mute" (comme si le single "Strawberry field forever/Penny Lane" des Beatles avait figuré sur "Sergent Pepper's lonely heart club band") .
Mais je m'égare, revenons à "Mute", mon album de légende. Il est paru quelque temps après, toujours dans cette année 1994 bénie des dieux musicaux.
En douze sublimes chansons, les Catchers et la force de leur jeunesse me mirent le cœur à l'envers : des mélodies sublimes et subtiles. Des textes emplis de fulgurances poétiques, que j'encaissais malgré la barrière de la langue (certains n'y verront que de l'hermétisme, mais la vraie poésie n'est-elle pas celle qui laisse le soin au lecteur de faire son propre chemin poétique à partir des graines semées ?). Et puis, par dessous tout, la flamboyante symbiose des voix de Dale Grundle et d'Alice Lemon, tantôt à l'unisson, tantôt en contre-chants...
Choisir quelques-unes des chansons de l'album n'est pas chose aisée, car il n'y a pas de temps faible sur "Mute" (c'est d'ailleurs à cela que l'on reconnait un putain de bon album, quand on ne sait quel morceau faire écouter en priorité à quelqu'un pour le lui faire découvrir). J'en ai finalement retenu cinq, en renonçant à essayer de proposer une traduction des paroles qui ne rendrait qu'imparfaitement grâce à l'original...
BEAUTY No. 3
La chanson d'ouverture de l'album. Un bijou ciselé avec finesse et délicatesse. Qui est cette beauté n°3 ? Mystère... Une allégorie de la Terre, troisième planète du système solaire ? Peu importe, c'est la beauté no.1 de l'album, celle qui donne le ton et met à genoux dès la première plage...
In her sleeping years deeply slung within a hammock made of skin
She opened her caverns to the hunger of the lost and their kin
They fed on her vanity and soon they both became content
Men cut holes in her body but she was so confident
With your eyes and sorcery come beauty number 3
Can't you see the tragedy as your dream begins to leave
While a traveller began to gore upon her she looked deep into the ground
And momentary floods of thought unstyled and mystified rained down
On to her pretty head and she began to feel afraid
And when she woke she found her beauty had decayed
And no one goes close to her den they wait for the moment when
She is dreaming of her men in case she accuses them
She mourns the existence of time
Though she's empty all she feels is tense
And so she passes her time
Dreaming for the strength of children
With your beauty you deceived come simple no. 3
Can't you see the tragedy as you lose your only dream
I loved you for yourself I never needed anything else
Oh beauty no. 3
She could be anything you wanted her to be (x3)
Beautiful blank, beauty no. 3
COTTON DRESS
La vie, la jeunesse, l'amour, la mort. Tout y est dans cette tuerie pop, la chanson la plus immédiatement accrocheuse de l'album. "Toi dans ta robe de coton, toi dans ton innocence. La vie crie sa fureur dans tes yeux..." avant de tendre vers le noir : "La mort est au bout du couloir. Quand je la croise, je l'entends me demander : dans combien de pièces es-tu entré, combien de pièces as-tu évitées ?" Un classique instantané !
Sprawled out over the windfall
Of this the bloated, browning month
Apple bruises on my thighs
And the flush from your yawning smile
Fasten your teeth on my soul
And we shall roll and flow for evermore
You in your cotton dress
You in your innocence
Life screams its fury from your eyes
All jaded and alive
Fasten your teeth on my soul
And we shall roll and flow for evermore
My feet are in the water
Waiting for the tide to come
The whisper in the corner
Does its best to make me numb
My ear in your cage
Your pulse in my hand
Eyeing up the child
Fingering the dead
Swallowing your flow
Your teeth on my neck
Coil me full of hate
And bend me out of shape
Death is just down the hallway
When I fall I hear him ask
How many rooms have you entered?
How many rooms have you passed?
Fasten your teeth on my soul
And we shall roll and flow for evermore
My feet are in the water
Waiting for the tide to come
The whisper in the corner
Does its best to make me numb
My ear in your cage
Your pulse in my hand
Eyeing up the child
Fingering the dead
Swallowing your flow
Your teeth on my neck
Coil me full of hate
And bend me out of shape
How much darker does it get?
SONG FOR AUTUMN
Une simple ballade mais également un classique instantané. Un accompagnement musical réduit au plus simple, mais toujours cette grâce inégalée, ces deux voix qui s'entremêlent à ne plus pouvoir jamais les séparer. "Ma précieuse cousine, ma jumelle, ma seconde peau, la seule chose pour laquelle je me sois jamais battu..."
This a song from beneath the ground
I only echo October's sound
Belly-kissed into some half-life
Standing naked to be crucified
On tempered plains we speak in flames
Questions ripping against the grain
Children scream at the already-framed
We are too restless to shoulder the blame
I don't mean to tie you down
I just don't know where it's coming from
This emptiness leads to craving
My autumn, no-one alive could touch her wisdom
Her glint was jewelled and fired in heaven's pool
My precious cousin, my twin, my second skin
The only thing I ever fought to win
Don't suffocate what you want to protect
She'll rise for air and then you'll start her descent
Far from the garden you built to impress
She is the angel your friends will undress
My autumn, no-one alive could touch her wisdom
Her glint was jewelled and fired in heaven's pool
My precious cousin, my twin, my second skin
The only thing I ever fought to win
SHIFTED
Des métamorphoses oniriques, voilà ce dont il est question dans les paroles : "Je pourrais être couvert de poils, de plumes, d'une coquille ou de laine, je pourrais être n'importe quel homme ou bête (...) Dans un rêve, je me suis transformé et ai laissé mes os derrière la porte. Chaque jour, je m'éloigne davantage de moi-même..." Et la chanson n'est elle-même que métamorphose, entre couplets élastiques et refrain éclatant.
I could jump these fields in my seven-league boots
Walk trails with shades and ghosts
Blaze tracks in my devil's shoes
Crawl invisibly across your roof
I could just about fit into every hole
Where I wouldn't be seen
I could melt into the trees
And race their juices right out to their leaves
In a dream I was transformed
Left my bones outside the door
I could be furred or feathered or shelled or fleeced
I could be any man or every beast
Rolling with the breeze
I could be a soothsayer, a spirit-raiser
I could take to the air
I could take to the sea
Without lungs or limbs to hold me here
I'd be a keeper with every key
In a dream I was transformed
Left my bones outside the door
Everyday I'm shifting further from myself
I feel the pull, I start to soar, my skin is shed
Lay me down and I'll spiral through my head
Everyday I feel a little strange
Smoked a hole in my hungs and I've started to bleed
Got boots and gloves made out of meat
And I can hear the water
I can hear the water swill inside me
In a dream I was transformed
Left my bones outside the door
Everyday I'm shifting further from myself
I feel the pull, I start to soar, my skin is shed
Lay me down and I'll spiral through my head
Everyday I feel a little strange
EPITATH
Aucune chanson n'aurait pu mieux clore "Mute" que celle-ci, peut-être ma préférée, "l'Epitath" que j'aimerais que l'on joue le jour où l'on me mettra moi aussi en terre. Une chanson qui sonne comme une épitaphe à l'enfance, comme si Dale Grundle avait senti, du haut de ses 19 ans, que la grâce de la jeunesse ne pourrait pas durer éternellement. "Garde-moi en vie, garde-moi en vie..." Un petit chef-d’œuvre...
Meet me in the night, by riverside
Where I'll be juggling with my mind
Wether to choose, wether to lose
Just me and my faithful friend
We'll act on 'till the end
We are learners until we drop
We are learners until we drop
Keep me alive, keep me alive
Plug me into the station
Radio Waves fill my room
With my ear to the ground
I can feel every sound and vibration
We are learners until we drop
We are learners until we drop
Keep me alive, keep me alive
One place gleams within
The seal of younger eyes
In the earth of Cairndow
Is where I shall lie
Take me to your garden
Deep in your eden
Lay me in the hollow
Where I was born
My faithful friend
My only friend
I'll always want you until the end
One place gleams within
The seal of younger eyes
In the earth of Cairndow
Is where I shall lie
Keep me alive, keep me alive
Et après ?
Avec de tels débuts, on aurait pu s'attendre à ce que les Catchers accèdent à une grande renommée. Ce ne fut hélas pas le cas.
Il fallut attendre quetre très longues années pour enfin pouvoir entendre leur second album, "Stooping to fit", en 1998. Un album magnifique là encore, avec une production d'un calibre supérieur mais peut-être un soupçon de magie du premier album en moins... Hélas, Setanta, leur label, ne fit pas trop d'efforts pour sa promotion. Les ventes ne furent pas au rendez-vous et l'aventure des Catchers prit fin en 1999.
Encore de très longues années de sommeil, et Dale Grundle refit parler de lui avec un nouveau projet, "The Sleeping Years" (tiré du premier vers de "Beauty no.3"), avant de produire quelques albums restés hélas plutôt confidentiels (mais cherchez des vidéos sur la toile,vous verrez que le talent de songwriter est toujours là).
Et puis, surprise, à l'été 2011, un petit plaisir : Dale et Alice se sont retrouvés, le temps d'un mini-concert acoustique et d'une interview, dont sont tirées les vidéos suivantes...
Alors oui, c'est certain, la force et la grâce insolente de l'adolescence ne durent qu'un temps, près de vingt ans se sont écoulés depuis la sortie de "Mute", le visage de Dale Grundle est marqué, Alice Lemon s'est un peu épaissie, mais il suffit de voir certains regards, certains sourires quand ils chantent ensemble pour comprendre que la jeunesse se garde au coeur : lorsque leur voix s'entremêlent dans un lacis de douceur, ils ont de nouveau 19 ans.
19 ans à tout jamais.
Commentaires
1. Le jeudi 7 mars 2013 à 22:00, par Tant-Bourrin
2. Le vendredi 8 mars 2013 à 01:34, par Blutch
3. Le vendredi 8 mars 2013 à 09:13, par Saoul-Fifre
4. Le vendredi 8 mars 2013 à 09:28, par Andiamo
5. Le vendredi 8 mars 2013 à 12:55, par francoise
6. Le vendredi 8 mars 2013 à 20:49, par Célestine en vacances
7. Le vendredi 8 mars 2013 à 22:20, par Epamine
8. Le samedi 9 mars 2013 à 08:12, par Tant-Bourrin
9. Le samedi 9 mars 2013 à 08:54, par Freef
10. Le samedi 9 mars 2013 à 10:48, par Saoul-Fifre
11. Le samedi 9 mars 2013 à 12:18, par Saoul-Fifre
12. Le samedi 9 mars 2013 à 16:11, par Tant-Bourrin
13. Le samedi 9 mars 2013 à 19:25, par Bof.
14. Le samedi 9 mars 2013 à 20:07, par Saoul-Fifre
15. Le samedi 9 mars 2013 à 20:34, par Andiamo
16. Le dimanche 10 mars 2013 à 07:47, par Pascal
17. Le dimanche 10 mars 2013 à 09:37, par Tant-Bourrin
18. Le dimanche 10 mars 2013 à 17:30, par Freef
19. Le mardi 12 mars 2013 à 20:16, par Martine
20. Le mercredi 13 mars 2013 à 07:44, par Tant-Bourrin
21. Le vendredi 15 mars 2013 à 21:05, par Olivier de Vaux
22. Le samedi 16 mars 2013 à 07:17, par Tant-Bourrin
23. Le mardi 19 mars 2013 à 19:31, par François-Marc
24. Le mardi 19 mars 2013 à 20:01, par Tant-Bourrin
25. Le mardi 19 mars 2013 à 21:15, par François-Marc
26. Le mardi 19 mars 2013 à 21:30, par Tant-Bourrin
27. Le mercredi 27 mars 2013 à 02:27, par Sophie
28. Le mercredi 27 mars 2013 à 06:05, par Tant-Bourrin
29. Le vendredi 12 avril 2013 à 08:13, par gdblog
30. Le samedi 13 avril 2013 à 07:27, par Tant-Bourrin
31. Le mardi 25 juin 2013 à 08:53, par ambreneige
32. Le mardi 25 juin 2013 à 20:55, par Tant-Bourrin
33. Le mercredi 26 juin 2013 à 03:02, par ambreneige
34. Le mercredi 26 juin 2013 à 05:12, par Tant-Bourrin
35. Le mercredi 26 juin 2013 à 10:30, par ambreneige
36. Le dimanche 21 septembre 2014 à 17:30, par YaMundele
37. Le lundi 22 septembre 2014 à 05:12, par Tant-Bourrin
38. Le vendredi 20 février 2015 à 00:40, par Teclo
39. Le vendredi 20 février 2015 à 05:24, par Tant-Bourrin
40. Le samedi 21 février 2015 à 00:46, par Teclo
41. Le mercredi 20 mai 2015 à 16:58, par Lolodecolo
42. Le jeudi 21 mai 2015 à 05:36, par Tant-Bourrin
43. Le jeudi 21 mai 2015 à 08:24, par Lolodecolo
44. Le samedi 23 mai 2015 à 07:54, par Tant-Bourrin
45. Le mardi 2 juin 2015 à 09:54, par Lolodecolo
46. Le vendredi 26 février 2016 à 23:49, par Cram
47. Le vendredi 26 février 2016 à 23:56, par Cram
48. Le mardi 21 février 2017 à 22:13, par FrenchDuck
49. Le samedi 23 février 2019 à 20:32, par Fab
50. Le samedi 22 juin 2019 à 21:29, par Saoul-Fifre
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