Fin 1953... J'ai 14 ans, pas bien grand, pas épais non plus, pourtant chaque matin je prends le 151 à 7 heures et quart, afin de me rendre à la Porte de Pantin, tout au bout de la ligne. De là je chope le métro ligne 5, et 6 stations plus loin "Gare de l'Est", je descends, une petite marche d'un quart d'heure et c'est la rue Martel dans le Xème arrondissement, plus exactement "le commercial Martel", deux ans dans cette école de : ^¨§$ & µ%# ! J'aurais eu mieux fait d'aller repiquer des salades tiens !

Chaque jour j'admire les belles affiches placardées dans le métro, des pubs essentiellement, à l'époque nous n'étions pas encore "gavés" de pubs en tous genres, nous "avalions" tout, des frères Ripolin qui à la queue leu leu écrivaient chacun dans le dos de l'autre, un canotier planté sur le sommet de leurs crânes. Egalement le gros paquet de lessive "Saponite" dont le slogan était, je m'en souviens encore : "Halte là qui vive ?... Saponite la bonne lessive".

Entre les stations, dans les longs couloirs obscurs, le sempiternel DUBO... DUBON... DUBONNET ! Pas con Dubonet, le seul à avoir placardé de la pub dans les tunnels ! Et tout le monde s'en souvient.. Pas les bouseux bien sûr, ni les moins de... Gna gna gna !

Et puis un beau matin d'octobre, (vous avez remarqué c'est toujours un "beau matin" dans les histoires, même si c'est un matin de merde, avec des attentats à la une, 20 centimètres de neige dans les rues de Pantruche, ou un vent à décorner les cocus, et là y'a du boulot !) Donc un beau matin que vois je ? Des affiches signées Savignac, mais oui le papa de la pub "Monsavon" tu sais la savonnette sous les pis d'une vache ! Tu veux un dessin ? Et là en l'au cul rance, un petit bonhomme coiffé d'un chapeau haut de forme, porteur d'un genre de loup noir, gants blancs, et fumant un cigare à la "Churchill" .. Va montrer un mec fumant le cigare aujourd'hui ! Un large bandeau en travers portant le mot "GARAP" !

Sympa L'ancien je vous ai dégotté l'affiche (on dit merci qui les filles) ? *

Voici l'affiche, avouez qu'il y avait de quoi intriguer, d'autant que la France s'est couverte de ces images, durant un mois, les radios, et même la vénérable R.T.F (radio télévision Française, non, non, il n'y avait pas le "O" devant, l'ancêtre ne perd pas ses boulons) diffusait ce GARAP, sans aucune explication.

Les commentaires et autres supputations allaient bon train : une nouvelle marque de pinard ? (les vins GRAP existaient déjà d'où l'amalgame) est ce un nouveau parti ?

En classe quand "Bobosse" le prof de Français ou "Néron" le prof de maths, avaient le dos tourné les "GARAP" fusaient, je me suis fait gauler : 500 fois GARAP à copier, signée des parents la péno, œuf corse !

Après un mois d'affichage, de slogans GARAP radio, et télé diffusés, nous avons enfin découvert le pot aux roses, GARAP n'était qu'un coup médiatique, afin de nous démontrer la toute puissance de la publicité !

Tout ce cirque médiatique avait été orchestré, dans le cadre de la semaine mondiale de la publicité. Les gens réclamaient du "GARAP" sans même savoir de quoi il s'agissait ! La preuve était faite, la force de la publicité démontrée, dans le village le plus reculé de France ... Et en 1953 il y en avait des villages reculés, entendez par là complètement ou quasiment ignorés, et bien dans chaque village on connaissait GARAP ! Même en Limousin, sûr Ségur, mon bon Bof !

  • (Image du net, si réclamation, je retire)