Devant l'hécatombe de personnalités en ce début 2016 et les rétrospectives sur la vie de François Mitterrand qui, semble-t-il était anxieux mais curieux de savoir ce qu'il pouvait y avoir "après", j'ai décidé d'en dévoiler quelques secrets. Si "partir, c'est mourir un peu", si "mourir, c'est partir beaucoup", naître et mourir ne semblent pas si éloignés. Je me suis basée sur les échographies qui montrent que le bébé dort pendant l'accouchement, et les récits de NDE (near death expérience) qui parlent tous d'un tunnel et d'une lumière, ainsi que sur les derniers mots de mon père murmurant en vietnamien "maman" à la seconde même de sa mort.

Il commençait à faire très chaud là où elle était. Plus les jours passaient, plus elle se sentait à l'étroit. De plus, le bruit devenait insupportable, ce clapotis permanent autour d'elle, plus un son ininterrompu, pa-doum, pa-doum, pa-doum, qui s’accélérait parfois de façon impromptue lorsque son logis bougeait tellement qu'elle-même en avait le hoquet.

" Bon, se dit-elle, va falloir changer de crèmerie". Mais elle n'arrivait pas à se décider, difficile de quitter un lieu dont on a l'habitude, même s'il comporte des inconvénients.

Mais un jour, sans l'avoir le moins du monde prémédité, elle se sentit aspirée, pressée, poussée hors de son habitacle comme le dentifrice hors du tube, sans espoir d'y entrer à nouveau, on ne chantera jamais assez l'inéluctable destin du dentifrice...

Pressée, tellement pressée qu'elle s'attendait à avoir mal, et pourtant elle ne ressentait rien qu'un bien-être béat, une sorte de torpeur. Elle aperçut au bout du tunnel une lumière blanche, puis s'endormit tandis que les contractions du tube la poussaient à l'extérieur.

Une sensation de froid la réveilla. Elle hurla et sa première vision fut celle, extasiée, d'un homme souriant qui s'exclamait: "Qu'elle est belle, c'est une petite fille! " Elle se sentit soulevée, emportée, posée sur un corps tiède et doux... Elle brailla un peu pour la forme, puis ouvrit les yeux et vit pour la première fois le regard de sa mère.

85 ans plus tard...

Il faisait très chaud dans cette chambre où on l'avait emmenée après sa chute dans l'escalier. Elle s'y sentait à l'étroit, elle qui avait toujours vécu dans une maison à étages, et voyagé à travers le monde. De plus, le bruit était insupportable, le clapotis des tuyauteries- ou de la perfusion, qui sait?- et le pa-doum, pa-doum- padoum incessant des talons des infirmières sur le carrelage. "Pourraient mettre des ballerines!", grommela-t-elle, car elle avait un fichu caractère. Enfin, fichu: tant qu'elle était encore belle, on lui trouvait "du caractère", c’était admirable. A présent, elle avait un fichu caractère... moins cool.

"Bon, se dit-elle, faudrait que je me décide à partir." Elle avait du mal à se décider, difficile de quitter une vie de 85 ans, même si elle devient inconfortable.

Mais un jour, sans l'avoir le moins du monde prémédité, elle se sentit glisser dans un tunnel où loin de souffrir, elle ressentait un bien-être béat, une sorte de torpeur. Elle aperçut une lumière blanche au bout de la pénombre et ferma les yeux pour ne pas en être éblouie. Une sensation de froid, comme un bienheureux engourdissement, l'envahit peu à peu. A la sortie du tunnel, gênée par la lumière, elle cligna des yeux, puis les ouvrit.

Son père et sa mère- morts depuis des décennies- lui souriaient aussi tendrement que lors de sa naissance. Elle tendit les bras "maman, papa!" et ils la serrèrent tendrement contre eux.

'' (Ch'tiot crobard Andiamo)''