Cette histoire est authentique, j'aurais préféré qu'il en fût autrement, mais bon...

Veille de Noël, il y a une cinquantaine d'années, la femme est assise dans son fauteuil en compagnie de son fils, ils regardent la télé, en noir et blanc la télé, seulement deux chaînes, eux n'ont que la première chaîne, on va tout de même pas changer un poste pour avoir une seconde chaîne ! Ca coûte bien trop cher.

En fin de journal le présentateur, sans doute Claude Darget, Léon Zitrone ou Georges Decaunes va savoir c'est si loin... Annonce qu'un homme âgé de 32 ans, son épouse 26 ans, et leurs deux fillettes respectivement âgées de 4 ans et 9 mois, ont trouvé la mort dans un accident de la route, sur la nationale 6 à hauteur de Belleville sur Saône, suite à un choc frontal avec un camion, les quatre occupants de la 404 sont morts sur le coup ! Annonce faite en cette veille de Noël, afin d'inciter les automobilistes à plus de prudence.

S'en suit un bref commentaire, le chauffeur de la 404 s'est sans doute endormi au volant, car il s'est déporté brusuement sur la gauche sans raison apparente, le chauffeur du poids lourd n'a rien pu faire.

La femme a bondit de son fauteuil : "ce sont EUX" s'est elle écriée !

La veille au soir sa fille, était passée et lui avait dit au revoir, elle descendait dans le midi, avec son mari et leurs deux fillettes.

- Soyez prudents ! Avait recommandé la Maman.

- T'inquiète avait répondu la jeune femme avec un large sourire.

La journée s'était écoulée tranquille, on ne recevait pas de nouvelles toutes les cinq minutes en ces années soixante, point de téléphone portable, point de téléphone du tout d'ailleurs ! Ou alors chez très peu de gens.

Après l'annonce de la télé, le grand fils est allé chez la voisine, elle avait un téléphone, alors l'annuaire sous les yeux il a composé le numéro du commissariat de la ville où habitait sa sœur, un flic a décroché et quand le jeune homme a demandé s'il s'agissait de Monsieur et Madame Untel, le flic a bredouillé, puis il a dit, pensant que l'homme au bout du fil n'entendait pas :

- ça n'est pas à moi de le lui dire...

Afin de confirmer, le garçon a appelé l'ORTF, et là on lui a donné le nom des victimes... L'horrible doute était confirmé.

Les gendarmes dépéchés sur place à Bellevile sur Saône avait prévenu les parents de l'homme, mais pas ceux la femme, elle ne portait plus son nom de jeune fille, alors...

Cette femme je l'ai connue, pendant plusieurs mois elle a vécu comme un zombie, son fils m'a confié que lorsqu'elle a su que c'étaient eux, elle a hurlé "comme un animal" c'est l'expression que son fils m' a rapporté.

Les obsèques ont eu lieu dans la région Toulousaine, un joli cimetière au sommet d'une colline, dominant toute la vallée...

Cette femme je la connaissais suffisamment bien, elle n'était pas plus croyante que la moyenne, plutôt moins ! Ne croyait ni aux fantômes, OVNIS, diableries, et autres fadaises du même acabit !

Les pieds solidement posés sur la terre, nés en 1914, son père mort des suites de la guerre, un mari ayant fait la guerre de 39-45, l'exode pour elle avec trois têtards accrochés à ses jupes ! Ses fils plus tard, appelés en Algérie, enfin la totale..

Alors les "Bondieuseries", les "Alléluiah" et autes "Pater Noster" c'était pas pour elle, et après ce qui lui était arrivé, encore bien moins !

Chaque fois qu'elle le pouvait elle se rendait dans ce cimetière du Lauragais, ça lui faisait du bien disait elle. Elle pleurait souvent bien sûr, mais sans geindre, toute seule dans son coin "pour elle" comme elle disait, n'étant pas du genre à se répandre !

Un jour qu'elle était entrée dans le cimetière, en approchant de la sépulture, elle "les vit" au bout de l'allée ! Son mari décédé deux ans avant l'accident des enfants, sa fille, son gendre et les deux fillettes, ils souriaient , se tenant par les épaules, comme des gens heureux..

Elle m'a dit : " j'en suis restée comme deux ronds de flan" ! Expression qui lui était familière.

Moi un peu sceptique j'ai répondu : " Tu as cru les voir" ?

- Non vus ! Ecoute je ne sais pas ce que c'était, un mirage, une projection de mon esprit, je ne sais pas, mais ce que je sais, c'est que je les ai vus ! Et ils étaient heureux.

De ce jour m'a t-elle confié, je n'ai plus pleuré, et c'est vrai !

Une fois ou deux nos avions évoqué cet instant, son histoire n'a jamais variée, je crois sincèrement que ce jour là cette Dame avait effectivement vu quelque chose.

Je ne crois : ni aux fantômes, ectoplasmes, et autres zombies, elle non plus n'y croyait pas, il nous arrive parfois de vivre des évènements irrationnels qui nous dépassent, ne cherchons pas à tout expliquer.

(ch'tiot crobard Andiamo)