Nous vivons décidément des temps extraordinaires. En témoigne cette brève dépêche de l'AFP, gentiment reprise dans la presse ce week-end.

Voilà, un nouveau pas est franchi dans l'avancée de l'insondable connerie humaine : une femme a vendu son front comme espace publicitaire, sous forme de tatouage, au plus offrant, et ce pour avoir les moyens d'inscrire son fils dans un établissement scolaire privé.

Pris comme ça, à la légère, c'est juste une brève à classer dans la rubrique "insolite", une petite info qui attire l'oeil, fait sourire et alimente les discussions autour de la machine à café le lendemain.

Mais à bien y réfléchir, un léger frisson d'effroi me parcourt l'échine devant ce condensé de la crétinerie rampante.

Trois réflexions me viennent en tête...

Tout d'abord, même si cela peut paraître politiquement incorrect (choeur des vierges : "pauvre femme, réduite à vendre son front pour offrir les meilleures chances à son fils !"), je pense que la mère de famille en question souffre vraisemblablement d'un déficit neuronal dans la zone du cortex cérébral abritant la jugeote, la dignité humaine et l'estime de soi. Eût-elle été réduite aux dernières extrêmités pour nourrir ou loger sa famille, j'aurais pu comprendre (sans l'approuver) la démarche. Mais là... Un front marqué à vie pour payer deux à trois ans d'école privée à son fils, ça me dépasse.

Ensuite, pour qu'une transaction aussi infâme puisse se faire, il faut aussi un acheteur. Cynique. Prêt à tout. Vomitif à souhait. GoldenPalace.com est de cette trempe : quand on se nourrit de l'exploitation de la misère humaine en faisant miroiter des gains rapides par le jeu, on peut tout aussi bien chier sur la tête (ou plus précisément sur le front) des gens. Ce qu'ils ont fait.

Enfin, dernier point : si nos amis de GoldenPalace.com font ça, c'est bien qu'ils espèrent avoir en retour des retombées positives en terme de fréquentation de leur site de merde. Imaginer que quiconque, à l'écoute de cette info ou croisant un être humain tatoué sur le front, puisse être séduit par une telle forme de publicité et avoir envie d'aller jouer du fric en ligne sur RottenPalace me paraît inconcevable. Mais hélas, inconcevable n'est pas moderne...

Alors donc, puisque le futur serait aux panneaux publicitaires humains, allons-y gaiement : que les plus beaux fleurons de l'industrie française se lancent eux aussi dans le créneau !

Et demain peut-être aurez-vous, partageant pour la première fois de tendres moments avec une jeune femme, la surprise de découvrir, tatoué sur son sein : "l'Aréole, parce que je le vaux bien !". Et continuant à parcourir son corps, vous lirez "AirWick, une bonne claque aux mauvaises odeurs" tout au bas de ses reins. Et si c'est avec un monsieur, vous lirez peut-être, lorsqu'il sera en de bonnes dispositions, tatoué sur son membre viril, "quand je fais de la purée Mousseline, je suis sûr que tout le monde en reprend"... Que de bonheur à venir !

Et pourquoi s'arrêter là ? Si la chose devient monnaie courante, les cours du tatouage de pub vont s'effondrer, même l'épicier du coin pourra s'offrir un front. Et peut-être même pire : avec un marché de l'emploi toujours aussi désastreux, pourquoi un employeur n'imposerait-il pas demain à ses employés de prouver leur motivation et leur attachement à l'entreprise en se faisant tatouer le nom de celle-ci sur leur front ?

Je vais certes sûrement un peu vite en besogne, mais qui aurait cru il y a quelques années qu'un jour des mères de famille donneraient, contre rémunération, une marque commerciale comme prénom à leur nouveau-né ? Ou se feraient tatouer ainsi le front ?

Et que se passera-t-il quand, malgré ce sacrifice, l'employé se retrouvera viré comme un malpropre parce que les actionnaires exigent du 10% de rentabilité ?

Une seule chose me console : celui-ci pourra alors toujours se faire tatouer, juste en dessous du nom de son ex-employeur, "...c'est de la merde !"

Ça n'arrangera rien du point de vue esthétique, mais au moins, ça le défoulera !