Maxime Le Forestier m'excusera, je l'espère, de lui avoir emprunté pour ce billet le titre d'une de ses plus belles chansons (et d'un de ses plus beaux albums par la même occasion), mais je le trouve particulièrement adapté aux vicissitudes tantbourrino-saoulfifresques que je m'en vais vous compter.

Or donc, me voici de retour vers la civilisation (à savoir la Capitale) après deux semaines de folles escapades dans des contrées sauvages (la Province) où j'ai pu me livrer à d'intéressantes observations ethnologiques sur quelques peuplades primitives (les Provinciaux).

Mais reprenons au commencement : avant de partir, il y a donc une bonne quinzaine de jours, j'avais tout naturellement prévenu Saoul-Fifre, mon acolyte alcoolique, de mon départ imminent, en lui signifiant que je partais pour revenir début août, en passant par la Lorraine avec mes sabots par Bordeaux la première semaine pour finir en Aveyron la semaine suivante.

Saoul-Fifre eut alors une idée géniale comme seuls les cervelets supérieurs peuvent en avoir : puisque j'allais quitter l'Aveyron pour rentrer vers la Ville Lumière début août, au moment où lui-même et sa tribu monteraient dans le Limousin comme tous les ans, pourquoi ne ferais-je pas un petit crochet de rien du tout pour venir passer une journée dans sa résidence secondaire ? (oui, car il faut que je vous précise que Saoul-Fifre, comme tout bouseux qui se respecte, roule sur l'or et accumule résidences secondaires, tertiaires, quaternaires et tous les trucs en "aires" suivants que je vous laisse compléter ; quand il joue les Fernand Reynaud à coups de "ça eut payé", ne vous laissez pas abuser : il y a plus d'or caché sous son matelas que dans les coffres de Fort Knox)

Enfin, je formule ça comme ça, mais sous la plume de Saoul-Fifre, ça tenait plus d'une mise en demeure administrative que d'une vague suggestion.

A priori, la perspective de revoir ce vieux soûlaud de Saoul-Fifre n'était pas pour me déplaire. Mais il y a Tant-Bourrine et Tant-Bourriquet, et ça, ça oblige à réfléchir avant d'accepter une invitation. En effet, peut-être ne vous l'ai-je pas jusqu'ici précisé, j'ai la chance d'avoir à mes côtés une compagne et un petit bout de 20 mois.

Petit bout de 20 mois et bientôt toutes ses dents, si tant est qu'il les garde longtemps dans sa bouche, parce qu'il apparaît être du genre téméraire et casse-cou, ce qui oblige à une attention soutenue sur ses conneries agissements.

Or donc, mesurant le souk que cela représente de se trimbaler tout le nécessaire de Tant-Bourriquet (et de Tant-Bourrine qui ne se départit jamais de tout ce qui est nécessaire à son confort !), mesurant que la journée passée dans le Limousin serait de toute façon une journée passée à suivre le Tant-Bourriquet à la trace, mesurant aussi sur la carte que les kilomètres supplémentaires du "petit crochet" proposé par Saoul-Fifre allaient faire exploser le compteur de ma Clio, je suggérai à Saoul-Fifre de remettre peut-être ça à plus tard, à une autre occasion où l'on pourrait se voir plus longuement et dans de bien meilleures conditions.

Las, que n'avais-je pas dit là ? J'avais beau invoquer Mappy ou Maporama, pas question de lui faire admettre que c'était un gros crochet. Sa réponse claqua comme un coup de fouet : "si on vous voit pas, je considèrerai que vous êtes passés SOUS NOS FENÊTRES, sans vous arrêter !"...

Les palabres continuèrent pendant mon absence. En effet, durant la seconde semaine, je retrouvai un accès à internet chez la belle-doche de l'Aveyron (mais l'ordinateur étant localisé dans sa chambre, la bienséance m'interdisait de m'y attarder plus que de raison).

J'en profitai pour expliquer à Saoul-Fifre que non, décidément, ce n'était pas possible : la première semaine (et le début de la seconde) avait été passée à surveiller Tant-Bourriquet en permanence  ; il avait mis 19 mois pour apprendre à marcher mais là, il n'avait mis que 19 secondes pour apprendre à monter un escalier (sans étudier pour autant la problématique de la descente !) ; veiller sur un loustic comme lui dans un environnement hostile (escaliers, marches et décrochés dans tous les coins, ronces et orties dans le jardin, etc.) relevait plus de la galère que du navire de plaisance. Bref, j'étais crevé et n'aspirais qu'à rentrer me reposer au plus tôt.

Et, l'offensive étant la meilleure défense, j'en profitai pour lui suggérer - pourquoi pas ? - de faire un "petit" crochet par Paris entre le Limousin et sa Provence, stratégie qui - mystérieusement - eut le bel effet de calmer la fronde saoulfifresque.

Et puis, je me mis à réfléchir. Nous étions le 28 juillet. Le dernier message de Saoul-Fifre datait du 27 juillet. Il était donc encore chez lui. Or nous remontions sur la Capitale le 29. Un léger doute s'insinua en moi (non, je ne vous dirai pas par quel trou il était entré !). Je fis part de mes doutes par mail à Saoul-Fifre.

Le verdict tomba vite : nous nous prenions la tête alors même qu'il n'y avait aucun recouvrement entre mes pérégrinations vacancières et celles de Saoul-Fifre ! Je suis rentré hier, 29 juillet, alors qu'il ne sera que dimanche dans le Limousin. Mon méat (urinaire) coule pas : vu que je partais à la mi-juillet pour 15 jours, j'ai parlé d'un retour "début août" à Saoul-Fifre, sans regarder précisément le calendrier. Mais 15 juillet + deux semaines = 29 juillet !

Voilà donc pourquoi j'invoquais tantôt Maxime le Forestier et ses "rendez-vous manqués".

Mais j'ai la désagréable impression que j'aurais tout aussi bien pu invoquer à mon endroit le grand Brassens et son "temps ne fait rien à l'affaire" : "Quand on est con, on est con !"