Mais qu'est-ce à dire, quelles sont-ce vos motivations et pourquoi donc est-ce que vous vous exhibez comme ça devant des voyeurs que vous ne connaissez pas sur internet ? Ce sont des questions qu'elles sont subtiles et je vous en voudrai toute ma vie de les avoir posées.

David a poussé un cri sur le sujet qui a désarçonné et traumatisé tout le monde, enfin une partie du petit monde de la beau-gosse-faire. Pascal a embrayé aussi sec sur le même sujet en nous racontant que sa mère ne reconnaissait plus son fissou chéri à elle. Je dois reconnaître que dans mon entourage, la plus grande circonspection est de mise quant à ma relation à Blogborygmes. Mes meilleurs amis boycottent le blog sans faille aucune. Ma famille n'y pose jamais un pied, encore moins un œil, et je dois dire que j'apprécie la liberté de parole que ça me permet.

David, qui avance à visage découvert, doit toujours être en train de se demander si sa belle doche ou son patron vont lui servir une soupe à la grimace à leur prochaine rencontre. Enfin j'imagine. Et j'admire son attitude ouverte.

Dès le début, nous avons été d'accord avec Tant-Bourrin sur l'anonymat nécessaire, qui limite l'auto-censure. Lui et moi ne voulions pas que n'importe qui, un voisin, un collègue, un faux-frère, tape nos vrais noms dans un moteur de recherche et tombe sur ce blog irrespectueux de tout et de tous, dénué d'infirmiers psychiatriques, et au foie en très mauvais état. Par la suite, mis en confiance par l'attitude correcte de commentateurs, j'ai brisé cette barrière de l'anonymat, surtout avec ceux qui n'étaient pas masqués, pour respecter l'égalité, bien que chacun voie midi à sa porte et que tout le monde doive être libre. Je leur garantis le secret comme ils me le promettent.

Nos motivations ont été à peu près les mêmes. TB avait son site, m'encourageait à en faire un, notre correspondance tournait un peu en rond, il m'a appris l'existence des blogs, m'a donné quelques adresses, j'ai trouvé ça sympa, je traversais une période où j'avais un peu de mal à "produire du texte"... Je crois que nous nous sommes dit en même temps qu'ouvrir notre correspondance privée à un public aurait des avantages certains : avoir un retour critique, évoluer, s'astreindre à peaufiner la forme, à pisser de la copie à jet soutenu, debouts devant le lutrin comme le Grand Victor...

Notre maître-mot est ECRITURE. Nous aimons écrire, mais sans doute pas assez, ou trop, ou plus ou moins c'est selon, pour descendre dans l'arène du système, nager avec les requins du showbizz, jouer des épaules et rouler sa caisse dans la foule des candidats affamés aux dents longues. Nous préférons rester amateurs, au sens noble, que passer professionnels, avec tout le stress, et les refus hypocrites des éditeurs, et les salamalecs incontournables des promotions en tête de gondole. Disons surtout que TB, doté d'un "bon métier", n'en voit pas la nécessité, et que moi, je n'ai ni le courage ni la patience qu'ont Chutney , notre sœur blogborygmique, ou bien Nathalie ...

Les français lisent beaucoup, achètent beaucoup de livres, mais ce sont surtout des tubes, des best-sellers, ou bien alors des livres qui n'ont rien à voir avec la littérature. Si Arielle Dombasle décidait de faire des révélations sur son mari Pierre Dombasle, les éditeurs se battraient au cutter pour la publier et le gagnant lui filerait un chèque en blanc comme à-valoir. Par contre Mariolle le complet inconnu, qui a pourtant un bout de plume sympathique, n'a aucune chance de voir publier les élucubrations de son journal intime. Ha, s'il atterrissait sur l'Elysée en parapente, son manuscrit intéresserait sans doute plus le monde désintéressé de l'Edition. Avant, ceux-ci se contentaient de tirages de quelques milliers. Des tas de talents pondaient leur livre annuel et arrivaient à crouter. Depuis, les dents ont poussé, et les jeunes loups éditoriaux veulent le gros coup ou rien. Ils traquent les plumes dont le bustier est susceptible de crever l'écran, le prédateur scandaleux qui sidaïse la chair fraîche sans capote, ou surfent sur de modestes mouvances genre "Bâtissez votre cathédrale en 10 leçons".

Dégoûté, le peuple a inventé le blog. Pas de grosses maisons à démarcher. Pas de secrétaires au ton méprisant, pas de barrage entre auteurs et décideurs. Un public, un lectorat, un échange égalitaire, une réactivité inouïe, une chaleur (moite sur les billets manouins) dont n'ont pas idée les locataires de tours d'ivoire. D'accord, pas d'argent. Mais qui vit de sa plume aujourd'hui, à part quelques happy fews auto-sponsorisés, qui vivent déjà de leurs rentes, de leurs amitiés politiques, de leurs dommages et intérêts ou de leurs pertes et profits ?

Où est la prise de tête spécifiquement blog ? Il ne faut pas demander aux blogs plus qu'il ne peuvent donner. Les relations entre billetistes et commentateurs sont la plupart du temps pleins de réciprocité, ce qui est plutôt positif et moins virtuel qu'une relation quasi unilatérale auteur/lecteur.

Il n'y a pas de Docteur Jekyll et de Mister Hyde. Saoul Fifre est une composante du péquenal provençal X.W., et lui ressemble étonnamment. Nul ne songerait à reprocher à Louis-Ferdinand Destouches d'avoir pris pour nom de guerre celui de sa mère. Pendant que Céline ratait de peu le Goncourt, Destouches soignait anonymement et gratuitement les indigents. Q.Y. a pris comme pseudo Tant Bourrin, ce qui n'enlève rien à son talent. Et Manou booste nos statistiques de visites avec ses petits doigts prestes sur son clavier de prestidigitateuse. Il faudra qu'elle me donne la recette.

Le blog n'est qu'une revue, une gazette, mais interactive, et donc interaffective. Nous recevons environ 7000 lecteurs-invités par mois. Nous avons la visite de 1200 abonnés fidèles, qui reviennent régulièrement. Evidemment, c'est une goutte d'eau par rapport aux 5000 lecteurs quotidiens qui vont chez Ron l'infirmier (vu à la télé), mais cette goutte d'eau est fascinante. Le blog n'est qu'un outil comme un autre. Il sera ce que nous en ferons. Comme dans une fourche, un crucifix, une gousse d'aux, il n'y a rien de magique ou de diabolique en lui. Et nous ne serons déçus que si nous attendons trop de ce nouveau patron de chez Modes et Bravos.

Ça suffa comme ci, Nathalie ? Tu le rouvres, ton blog q:^) ?