Les clopes
Par Andiamo, jeudi 15 novembre 2007 à 00:04 :: La vraie vie :: #861 :: rss
J’avais une dizaine d’années et parfois, le jeudi, avec quelques copains, on allait jouer au stade « des Italiens ». Ce stade était situé à la limite de Drancy et de Bobigny, des champs partout, la cambrousse, ça a bien changé, méconnaissable !
Ce stade, c’était pratiquement une ruine, il avait subi la guerre, la deuxième (j’chu pas un dinosaure quand même), et, pendant cette foutue occupation, il n’y avait rien à bouffer, alors les voisins avaient tout simplement « cultivé » le terrain. Poireaux et choux en milieu de terrain, topinambours et rutabagas dans la surface de réparation, persil et fines herbes dans les cages.
Enfin du foot utile ! (j’vais pô m’faire que des potes, c’est pour rire !)
Il n’y avait que les tribunes qui tenaient encore debout. Quel beau terrain de jeux ! On y apportait nos pauvres « armes » : lance-pierres, épées de bois, colts fabriqués à coups de morceaux de bois et de tringles à rideaux coupées pour faire le canon, deux demi-bouchons coupés dans le sens de la longueur et collés de part et d’autre remplaçaient avantageusement le barillet.
Ça peut faire rire mais, après la guerre, il n’y avait que dalle ! Pareil pour les fringues, aujourd’hui faut des marques ! Moi, j’ai porté des fringues de marque, c’étaient des « DE MON FRERE ». Ex : les frocs de mon frère, les pulls de mon frère, les pompes de mon frère et, plus tard, le vélo de mon frère. J’ai jamais eu hélas les gonzesses de mon frère ! Mais bon, on s’en foutait, tous logés à la même enseigne.
Et puis, un de ces beaux jeudis, un pote nous dit : « les mecs, j’ai des cibiches », un mot d’argot tombé en désuétude, et il sort de sa poche deux ou trois gauldos, tirées à son père au cours de la semaine, une par une pour ne pas que ça se remarque ! Courageux mais pas téméraire !
Il porte la clope à sa bouche et frotte une allumette sur le ciment, des allumettes soufrées, elles n’existent plus : trop dangereuses, il suffisait d’un support sec et un peu rugueux pour qu’en les frottant elles s’enflamment et puis le soufre !! Fallait surtout pas allumer la clope avant que tout ce putain de soufre soit consumé, sinon c’était l’asphyxie, la suffoc, la chiale, l’horreur... L’ypérite à côté, senteur d’été !
Claude, puisque c’est de lui dont il s’agit (parti trop tôt après avoir chopé une belle saloperie), allume la clope et tire une bouffée, en prenant l’air du mec qui sait, qu’a l’habitude, pas une tite quinte, pas une larmichette, il souffle la fumée par le pif ! Ah putain, la démo ! D’autres copains tirent sur la clope sans moufter, puis vient mon tour.
Tu penses, des éponges grosses comme des poings de nouveaux-nés, musclé comme un corbeau de course, roulé comme un pétard à deux ronds, je tire là-dessus comme un malade, fallait pas s’déballonner, plutôt crever ! Tout à coup, les éponges qui s’bloquent, elles me gueulent STOP ! Pas d’ça, recrache Eustache ! J’en peux plus, je suffoque, je tousse, je crache, j’éternue, bave d’escargot grande largeur, y’en a partout, les potes se marrent, se foutent de ma gueule, ah la honte !
Il faut dire qu’après la guerre, les cigarettes ne faisaient pas dans la dentelle, c’étaient plutôt des clopes d’hommes, comme aurait dit Michel Audiard : pas de filtres, du brut ! Y’avait même des bûches dans le tabac, pas question pour la Régie de perdre un gramme de perlot ! Plus tard, on se cotisait pour acheter des « ICHE-LIFE » : on ne parlait pas le patois, alors « HIGH-LIFE », on ne savait pas dire. Je les revois encore ces paquets, rouges avec high life écrit en lettres dorées. C’était du foin genre cigarettes Anglaises, un tabac tellement léger qu’en laissant tomber le paquet, pas sûr qu’il ait touché le sol !
Après, il fallait rentrer, en prenant bien soin de se rincer la bouche (pas de chewings-gums), alors la flotte à outrance, pas question de sentir le tabac, sinon c’était la trempe, pas méchante, une maman ça ne cogne pas bien fort.
J’ai arrêté de fumer il y a 27 ans et je peux vous assurer qu’un fumeur ça se sent de loin, et je me dis qu’elle a dû sentir plus d’une fois que j’avais fumé, mais elle n’a pas moufté. Qu’est-ce qu’elle était gentille cette maman-là !
Commentaires
1. Le jeudi 15 novembre 2007 à 02:07, par Cassandre
2. Le jeudi 15 novembre 2007 à 05:43, par Tant-Bourrin
3. Le jeudi 15 novembre 2007 à 07:26, par antenor
4. Le jeudi 15 novembre 2007 à 08:10, par Saoulfifre
5. Le jeudi 15 novembre 2007 à 08:35, par Freefounette
6. Le jeudi 15 novembre 2007 à 08:38, par manou
7. Le jeudi 15 novembre 2007 à 08:58, par mamascha
8. Le jeudi 15 novembre 2007 à 09:06, par La Trollette
9. Le jeudi 15 novembre 2007 à 09:12, par nathalie
10. Le jeudi 15 novembre 2007 à 09:52, par mamascha
11. Le jeudi 15 novembre 2007 à 10:25, par Saoulfifre
12. Le jeudi 15 novembre 2007 à 11:22, par Frenchmat
13. Le jeudi 15 novembre 2007 à 11:27, par mamascha
14. Le jeudi 15 novembre 2007 à 11:39, par Gi
15. Le jeudi 15 novembre 2007 à 16:15, par Andiamo
16. Le jeudi 15 novembre 2007 à 17:09, par droufn
17. Le jeudi 15 novembre 2007 à 17:39, par lorent
18. Le jeudi 15 novembre 2007 à 17:46, par Saoulfifre
19. Le jeudi 15 novembre 2007 à 23:33, par Anne
20. Le jeudi 15 novembre 2007 à 23:36, par Anne
21. Le vendredi 16 novembre 2007 à 09:38, par Gi
22. Le dimanche 18 novembre 2007 à 07:36, par Martine
23. Le mardi 20 novembre 2007 à 22:18, par Oncle Dan
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