Je suis certaine qu'un de mes vénérés collègues a déjà pris ce titre pour une de leurs édifiantes chroniques, alors, permettez-moi de plagier dans le titre et le sujet.

Dimanche soir ou, plutôt, débutons par le commencement.

Au commencement était une femme rebelle et traditionnelle qui, s'assumant, eut sept enfants d'un homme qui la divorça pour cause de rondeurs non pertinentes.

Zensuite, la progéniture grandissant, elle (la progéniture) se fit plus aléatoire autour du tablier maternel, que dire, de la table dominicale.

Donc, je décidai (vous aviez compris que je parle de moi, n'est-ce pas ?) de réunir mes enfants au moins une fois par semaine et, pour ce, je leur tendis l'appât d'une fondue chinoise, d'une soupe Won Ton et de sushis. Menu disparate dans l'origine première mais compatible dans leur développement américain secondaire.

Ils acceptèrent de me faire plaisir et de venir prendre un repas gratos, ledit gratos étant relatif étant donné le prix du saumon cru, du riz spécialisé, des crevettes et je passe sous silence outragé le prix des feuilles de nori. Heureusement que la majorité est mineure et pas française, j'ai pas acheté de vin, ni de saké.

Ah ! la fierté maternelle de voir ses enfants tous réunis de bon cœur qui se remémorent leurs souvenirs de l'enfance, période bénie ! Je regardais ma marmaille et me sachant privilégiée, telle la marquise d'autrefois qui présidait un festin de ses fidèles et loyaux sujets pendant qu'un ménestrel chantait l'aventure épique de Godefroy de LaBalustrade.

Le présent me ramenit vite dans mon assiette quand j'entendis les premières réminiscences de ma douce fille de 18 ans. "C'était trop laugh (drôle) quand J-F est monté sur la table tout nu et a fait caca pendant que papa servait le repas."

Entrée en matière scabreuse et fort réussie suivie de la non-moins appréciée anecdote de mon fiston (16 ans) qui relata la fois où, dans la piscine familiale, il sentit un courant suspectement chaud lui couler le long du bras, c'était le plus jeune qui lui pissait dessus du haut de l'échelle.

Hilarité consensuelle (vous vous arrangerez avec l'ortografe, moi, je compose avant d'aller travailler, suis encore en retard).

Je fis donc rapidement le deuil de la conversation édifiante et du débat du siècle sur la joie fraternelle et le litige culturel entre les générations. Parce que c'est fou ce dont je ne me souvenais pas et des fois où qui ont marqué leur jeune imagination.

Je me suis toujours demandé à quoi pensait ma mère lorsque nous étions réunis, les enfants, et nous nous racontions la fois où le plus vieux regardant paisiblement la télévision en compagnie de la famille et que le plus jeune est allé s'assoir publiquement sur sa face ? Ou la fois où le plus vieux a sciemment pété sur la galette à la mélasse de son cadet?

Eh bien, j'imagine qu'elle se disait ce qu'elle me dit quand je regarde, ébahie, les excès d'hilarité et l'exubérance de ma marmaille : bah, pendant ce temps-là, ils ne se chicanent pas.

Que donnez-vous comme prédictions d'un livre qui parle de la privation de l'enfant unique de ces discussions fort prisées entre fratrie de bon aloi ? Serait-ce l'argument qui ferait en sorte que le concept de l'enfant unique disparaisse ou fasse la norme ?

Pour le moment, je m'en vais récurer mon chaudron et je me dis que nous n'avons pas encore atteint le stade où ils se racontent leurs exploits sexuels.

En tout cas, pas devant les plus jeunes ni devant la mère.