Je sais que vous allez avoir envie de rire.

Pour ma part, je suis partagée entre le fou rire et les larmes de désespoir.

Voici mon compte-rendu, mes chummes chéries.

Le prince d'Égypte a continué sa cour avec insistance. Au téléphone, il est très gentil, sauf qu'il a un accent libanais et parle anglais et bégaie parfois ce qui rend la conversation difficile.

Il veut venir me voir. Pas de problèmes, mais je demande à le voir sur la webcam avant.

Bon, j'ai une connexion téléphonique, donc la webcam saute. Il me dit qu'il boite, mais bon, j'ai pas vraiment noté étant donné la pauvre qualité des images que je reçois.

Il a l'air assez bien, un peu grassouillet, mais moi, je lui trouve un air respectable qui ne me déplaît pas.

Donc, on prend rendez-vous.

Ah oui, j'oublie, il me dit qu'il fait cinq pieds cinq.

Il prend l'autobus parce que son auto est en réparation, il est de Montréal.

Pas de problèmes, je vais aller le chercher.

Seigneur, Dieu du Ciel, je le vois descendre de l'autobus.

Il me va au menton, non, soyons généreuse, au nez. il marche comme un vrai canard, la légère boiterie fait que je dois marcher super lentement pour qu'il me suive jusqu'à l'auto. Il sent le patchouli.

il m'a apporté un souvenir qu'il me remet derechef : une porte-carte en simili cuir marqué Montréal avec une feuille d'érable et une feuille d'érable en simili-brass trois couleurs marqué Montréal.

J'en avais les bobettes mouillées... d'avoir envie de rire !!!!

Et comme je lui ai promis qu'il pourrait au moins m'embrasser, il l'a fait en arrivant sur la bouche... yéârk !!!!!!! Une sainte chance que je lui ai jamais promis un french kiss, câlisse, ça m'aurait guéri la libido pour le restant de mes jours...

Bon, je me dis, il a peut-être des qualités cachées... va falloir que je lui en trouve vite, il est onze heures et je suis pognée avec lui jusqu'à huit heures à soir...

Aussitôt embarquée dans l'auto, je sais que je pourrai pas tenir. je me mords les lèvres constamment pour ne pas rire.

Comme toute bonne femme affreuse dans ces situations-là, j'imagine ma gang de chummes sur le siège arrière en train de se bidonner et je suis pas capable, mais pas capable...

Dieu Merci, il doit aller à la pharmacie parce qu'il a oublié ses médicaments, pour le cœur, pour la haute tension, pour le diabète. J'ai pas osé écouter la fin, j'avais peur d'entendre le mot viagra.

Une demie-heure de négoce avec le pharmacien pour qu'il reçoive de la médication...

Je me sentais séduite... par l'idée horrible de le laisser là...

Pendant ce temps, je dis que je dois aller à la toilette.

Là, j'ai fait le bottin complet de toutes mes connaissances de bitches sur mon cellulaire pour trouver une disponible, merci Carole, elle l'était. Je lui dis : tu me rappelles dans une demie-heure, mon père est mourant, pis il faut que j'aille à l'hôpital...

Pis là, je raccroche, soulagée.

De retour avec mon nabot, tout le temps qu'il me parle, je me dis qu'il va falloir que je fasse cet appel-là l'air catastrophée, pis si Carole niaise, je serai juste pas capable de pas pouffer de rire.....

J'ai mal aux joues de me retenir.

Là bon, on va déjeuner. Je trouve une terrasse. Ô horreur, qui vient s'assoir juste à côté de moi ?

La pire langue sale de tout l'hôpital où je travaille !!!!!!!

Heureusement, je le soupçonne de ne pas parler anglais. J'ai juste peur qu'il veuille me prendre la main...

Ce qu'il fait quand nous sortons du restaurant.

On avait l'air de Blanche-neige avec le huitième nain... j'enlève ma main au plus sacrant en lui disant qu'ici, tout le monde me connaît et qu'on pourrait penser qu'il est mon boyfriend.

I am not your boyfriend ?

Stie, ça fait pas une heure qu'on se voit, non !!!!!!

Bon, Carole me téléphone et m'aide en gardant un ton catastrophé (vive les cellulaires, mon Dieu, il m'a sauvé la vie) et là, les filles, je suis assez désespérée que j'ai réussi à pleurer pour de vrai !!!!! De vraies larmes sortaient de mes yeux !!!!!! Je devais aller le reconduire à l'hôpital pour aller au chevet de mon père qui est aux soins intensifs...

Je me serais battue d'être aussi vile, mais je me demande ce qui était mieux, de le laisser partir en lui disant qu'il est une horreur ou que mon père est entre la vie et la mort ?

Bref, j'étais pas capable, j'ai choisi le mensonge.

Alors, là, il me reste une heure à passer avec lui.

Il veut m'acheter plein de trucs la prochaine fois qu'il vient à Ottawa. On s'assoit dans un café, et il fait quoi ?

Non, il a pas regardé les autres femmes, nous étions seuls.

Non, il a pas pris ma main (je la gardais précieusement sur mes cuisses).

Non, il a pas essayé de me pogner les cuisses.

Il a pogné le journal et s'est mis à lire !!!!!!

Je n'en pouvais plus d'être séduite par son besoin d'érudition !!! Cliss, on vient de se voir, et il lit devant ma face le journal d'Ottawa !!!!!!

Enfin, l'heure fut venue de le remettre à l'autobus.

Il m'a demandé si on allait se revoir. J'ai dit non. Qu'un gars qui lit son journal devant moi, chu pas capable. Et que plein d'autres petits détails (dont les petits mensonges qu'il m'a dit sur lui...) font que je ne pense pas que nous ayons une relation.

Il était triste et a dit qu'il n'aurait pas dû venir.

Je lui ai dit qu'il ne pouvait pas savoir que mon père serait à l'hôpital (moi non plus d'ailleurs) et qu'il fallait se voir pour savoir si nous étions compatibles.

Il m'a donné un bec sur la joue en partant.

Les filles, je trouve ça pathétique d'être looser de même. Pas beau, bégayant, boiteux, petit et comptable (scusez pour les CA ET CGA et autres comptabilités...).

Je suis triste et en même temps, j'ai envie de rire à m'en faire mal aux côtes.

Je vais prier pour lui, qu'il rencontre une femme qui va l'aimer, il est généreux à sa façon.

Et je vais prier pour que ça m'arrive pu...

Mam'zelle Keskadie encore en état de choc, toute seule, un dimanche pm, mais contente de l'être !