Quand le soleil se rapproche dangereusement de l'horizon, un ressort déclenché par l'instinct me fait me lever et je lance à la compagnie avec laquelle je suis pourtant en train de partager de conviviales agapes apéritives une phrase du genre : "Je vais m'occuper de mes poules", ou bien : "Mes poules m'attendent", ou encore : "Vous connaissez pas mes poules, vous, elles aiment pas que je leur pose un lapin !".

Je n'ai jamais compris pourquoi, mais ces remarques anodines d'un brave éleveur de volailles allant nourrir et enfermer sa basse-cour pour la nuit a le don de faire s'esclaffer tous les présents.

Bizarre, non ?

Moi ce qui me fait rire aux éclats d'Ubu, c'est par exemple cette chorale .

Quand il s'agit de La poule, avec une majuscule, je n'emploie plus le pluriel : elle est unique.

Il y a déjà un moment, elle m'a envoyé par mail un simple titre : "Sur la route de mes fesses", avec injonction pressante d'écrire une parodie du tube mythique d'Eddy Mitchell . Craignos, bien sûr, de s'attaquer à ce monument, mais ça ne se refuse pas.

Commença un boulot d'écriture sous angoisse, ce sacré Eddy, parolier lui-même, venant lire par dessus mon épaule, la nuit, les insanités que je couchais sur le papier, et un énorme boulot musical surtout, car les fichiers-son de play-back trouvés sur internet, calibrés pour des mâles timbrés comme Sardou, Halliday ou Mitchell ne convenaient pas pour accompagner les gazouillis de femelle pinson de cette perfectionniste de La poule.

Avec Chouchou au bombo, au charango, aux cocos et à la quena, et elle à la guitare sèche, au trombone, aux maracas et au güiero, ils nous ont concocté un blues, ou un azules, plutôt, comment pourrait-on dire, qui balance, qui swingue, qui roule avec autrement dé sensualidad que l'original.

À danser à deux, avec un ou deux ti-ponchs dans le nez de préférence.

Paroles et musique originales de Tom T. Hall

1ère adaptation : Eddy Mitchell
2ième : Saoul-Fifre

La vapeur te sortait du nez
Et puis ton regard zig-zaguait
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Et c'est pas pour me vanter
Mais la perspective m'émoustillait
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Tu viens vers moi
Tu soupèses dans ta main ton manche
L'attente me dure
D'aller me percher sur ta branche

Tu roules des hanches, sans pudeur
Et je sens monter en moi la moiteur
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Jusqu'au sang, je me mords les joues
Pour ne pas t'avouer mes remous
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

Dévale en moi
Tu sais que tu as carte blanche
Suffoque-moi
Déclenche en nous une avalanche

T'as le droit de me boire, de m' fumer
De m'fouiller de la cave au grenier
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses

T'es mon bouc-hémisphères préféré
Oh oui j'aime te sentir passer
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses
Sur la route de mes fesses ...

Pour les ceusses qui veulent s'amuser à s'enregistrer, voici la version instrumentale, jouée avec le souffle et les petits doigts de La poule et de Chouchou. Merci à eux.