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samedi 7 novembre 2009

AndiamoMon frère... (suite)

Je vous en ai déjà parlé de mon grand frère, trois ans de plus que moi. Entre nous deux, ma sœur : tir groupé !

Je lui dois sans doute des engueulades et des fessées, mais jamais, au grand jamais, cinq minutes d’ennui !

Trois ou quatre idées fumantes par jeudi : ça allait des parachutes découpés dans les rideaux du salon au tir à l’arc dans le capiton du lit parental !

Pour un Noël, mon frère devait avoir quatorze ans, mes parents lui offre un arc et des flèches ! Quelle inconscience ! Connaissant les phénomènes que nous étions, ils n’auraient jamais dû ! Etaient-ils en état de léthargie ou touchés par une crise d’angélisme au moment de l’achat ? Nul ne le saura jamais vu qu’ils ne sont plus là pour témoigner.

Ce beau matin de Noël, mon frère reçoit la panoplie de Robin Hood, sans le chapeau à la con ni le collant qui moule les coucougnettes (je vous rassure), juste l’arc, les flèches et une cible faite de raphia tressé avec les jolis cercles multicolores et concentriques. J’avais reçu un tir aux pigeons avec une carabine à flèches, les pigeons étaient remplacés par des avions : des Spitfires… Encore et toujours les avions !

Au début, bien sagement, nous avions installé la cible à la cave et chacun notre tour nous nous exercions au tir à l’arc. Mais il faisait bien froid dans cette cave au mois de janvier, aussi, un jeudi, alors que notre chère maman était partie faire des courses, nous installons la cible ni plus ni moins que contre le lit des parents. Nous prenons du recul. La chambre communiquait avec un petit palier permettant l’accès aux deux chambres. La seconde étant celle que je partageais avec mon frère.

Bien campé, mon frère commence ses tirs… CHTONG ! CHTONG ! CHTONG !

Je lui emboîte le pas … CHTONG ! CHTONG ! CHTONG !

Et ceci une bonne dizaine de fois chacun. On était tout de même mieux là qu’à se cailler les meules à la cave ! Sentant le retour maternel proche, nous retirons la cible….

TAIN ! Les flèches avaient traversé la cible en raphia, ben tiens ! Et laissé dans le médaillon central en bois de jolis impacts, et de forts jolis trous bien calibrés dans le capiton de la tête de lit. Le soir, ça a chauffé pour notre postérieur, mon père avait les mains bien calleuses ! Je n’ai jamais pris de gifles, mais des fessées oui !

Décidément, ce lit en a vu de toutes les couleurs : un autre jour, après que nous ayons vu aux "actualités", dans notre cinoche de quartier, le Moulin Rouge, un documentaire sur les trampolines, vraisemblablement les premiers du genre à l’époque, mon frère en rentrant voulut mettre à l’essai les enseignements appris par les sportifs, des Américains sans doute, je ne me souviens plus très bien, tu penses c’était il y a soixante berges à l’aise !

Et voilà qu’il s’élance sur le pieu et commence à sauter comme un furieux. Un bond, deux bonds, trois bonds et… CRAC ! L’un des montants qui cède, le sommier se retrouve par terre et le frangin itou !

Inquiétée par le vacarme, ma mère rapplique dare-dare. Imagine le spectacle : le sommier vautré, les draps, les couvertures, le tout en vrac, le frangin qui se frottait partout biscotte la chute sur le parquet.

Habituée comme elle l’était des conneries mômesques (pas Français, m’en fous), elle flanque une mandale à mon frère et, emportée par l’élan, j’y ai droit aussi, on faisait dans l’équité à la maison !

- Encore une de tes bêtises ! (elle était polie ma mère, son fils aurait dit "conneries" mais pas elle) Si ton père voit ça, qu’est-ce-que tu vas prendre !

Le cœur maternel avait encore parlé. Certes on avait ramassé une mandale, sur le coup faut comprendre, mais davantage elle n’aurait pas supporté…

Alors elle a démonté vite fait, bien fait le montant cassé, elle était sacrément bricoleuse ma mère, puis elle est partie mi-marchant, mi-courant chez un petit menuisier qui bricolait dans un pauvre atelier au milieu d’un jardin près de chez ma grand-mère. Monsieur Lacroix il s’appelait, et je pense qu’il venait plus là pour avoir la paix que pour gagner de l’argent, il était déjà âgé quand je l’ai connu.

Il fabrique donc une plaque en laiton qu’il visse sur le montant afin de réunir les deux parties cassées, ma mère le paie, puis elle rentre bien vite, remet le tout en place. Lorsque mon père est rentré le soir, il n’en a rien vu, ni su. Je crois qu’elle le lui a appris bien plus tard.

Bien après, ce montant a été refait entièrement puis remplacé. J’ai hérité de ce lit, mais je ne fais plus de trempoline. J’vous vois v’nir, on ne commente pas la dernière phrase !

Un autre joli jeudi, un voisin vient avec son "meccano", des belles pièces peintes en bleu avec des filets jaunes, les barres arboraient une jolie teinte dorée… Une merveille, les boulons avec leurs écrous carrés, les jolis axes chromés avec les clips qui servaient de butées pour les roues et autres poulies à gorges.

Nous fabriquons une cabine de téléférique, le chef-d’œuvre achevé, nous montons dans notre chambre située au premier étage, lançons une ficelle. Moi, resté en bas, je tends la dite ficelle et l’enroule autour d’un pieu. Une autre ficelle attachée à la cabine afin de la remonter une fois rendue en bas.

Et tout le monde dans la piaule, laissant descendre le téléférique, puis le remontant chacun notre tour (ou presque), et ce au cœur de l’hiver, ça caillait bien ! Ma mère rentre, elle s’était absentée je ne sais pourquoi.

- Il fait sacrément froid, dit-elle en ouvrant la porte.

Dans la foulée, elle grimpe l’escalier et nous trouve là, fenêtre grande ouverte, deux ou trois gamins "de la rue" dans la piaule !

-Je chauffe pour la rue ! s’exclame-t-elle. PIF PAF, encore une fois !

Les potes faux-derches :

- Bonjour M’Dame ! Bon, eh ben, on s’en va…

Courageux les potes mais pas téméraires.

Les bagarres à coup de boules de neige… En 1946, il en était tombé énormément, 50 centimètres en région parisienne … Exceptionnel, je me souviens que dans ma rue les hommes avaient déblayé les trottoirs afin que l’on circulât plus aisément, et cela faisait une sorte de tranchée un peu tortueuse. Comme j’étais tout minot, la neige de part et d’autre du chemin me semblait bien haute.

En quarante six, afin d’obtenir de la viande, du pain ou encore du lait et autres produits, il fallait fournir des tickets. Ces coupons étaient distribués chaque mois, et la quantité variait selon l’âge : J1 les bébés ; J2 un peu plus âgés ; J3 adolescents ; et les travailleurs de force avaient droit à des rations supplémentaires, tels les mineurs de fond, les terrassiers ou autres….

Bien sûr, pas question de gaspiller les rations compte-gouttes. Alors, ce beau jour de neige, l’un de nos voisins de l’âge du frangin revient de la MAGGI - chaîne de commerçants spécialisés dans le B.O.F. (beurre œufs fromages). Autrefois, on désignait par BOF les commerçants parvenus, en référence aux salopards qui s’étaient enrichis grâce au marché noir, au détriment des pauvres gens qui crevaient la dalle, certains avaient même par obligation placés leurs enfants chez des paysans à la campagne. Mon épouse en a été, elle en garde un excellent souvenir car ces fermiers de la Creuse étaient vraiment des braves gens, qui ont traité l’enfant qu’ils avaient en charge comme leur propre fille. Comme quoi, même dans les heures les plus sombres, on peut faire de belles rencontres.

Donc ce brave Jeannot revient de la Maggi avec, comme la Perrette de la fable, sa petite boîte à lait en aluminium, vachement bien cabossée, tu penses, à la main. Il tombe sur mon frère plus prompt à dégainer que Lucky Luke lui-même, il lui balance une boule bien compactée. L’autre morfle en plein dans les carreaux (il était binoclard comme mécolle). Le v’là qu’il se met à gueuler comme goret que t’égorges, lâche le bidon, et le précieux liquide qui se répand comme celui des producteurs de lait en colère aujourd’hui (en moins forte quantité tout d’même, restons crédible). La mère Poissard, sa vioque, qui s’pointe à la f’nêtre :

- C’t’encore l’aut’ salopiot qui fait des siennes, et tout mon lait qu’est foutu ! Merde de saloperie d’fumier d’lapin…

Mon frère, n’écoutant que son courage, rentre à la maison, non sans avoir promis à l’autre enflure une trempe. La mère Poissard sonne chez nous, ma mère ouvre :

- C’t’encore vot’fils qu’a fait l’con, j’ai perdu tout mon lait !

- Hein ? Quoi ? Qu’est-ce ?

Enfin, après moult discussions, ma mère a dû se séparer de sa ration quotidienne de lait au profit de l’harangère, et mon frère recevoir sa énième engueulade.

Oh, bien sûr, il enchaînait les conneries, il était du genre "remuant", mais il avait grand cœur et aurait donné sa chemise… Même à plus riche que lui !

Et puis je veux lui rendre cette justice : dans le quartier, chaque fois qu’il y avait une connerie de faite, c’était le frangin le coupable, même s'il était absent… Comme quoi : on ne prête qu’aux riches !

mercredi 4 novembre 2009

Saoul-FifreGaston Couté

Si vous aimez les poètes maudits, vous allez vous en lécher les oreilles ! Il démarre très fort, puisqu'il est de Meung-sur-loire, où François Villon a fait de la prison. Fils de meunier, il n'a pas vraiment envie de reprendre l'affaire de son père. Il a le regard inquisiteur et critique envers toutes les petitesses et les égoïsmes de notre bas-monde. Précoce, à 17 ans, il a déjà accouché de son "Champ de naviot", un texte époustouflant de maturité. Poussé par un ami, il monte le dire sur les tréteaux d'une compagnie de théatreux itinérants. Le patron le félicite et l'encourage à monter à la capitale. Nous sommes en pleine Belle Époque, les cabarets pullulent, il a 18 ans, un emploi d'apprenti journaliste dans le journal local, mais il ne fait ni une, ni deux, un petit mois plus tard, il marche sur la route de Paris. Son père lui donnera un billet en lui disant : "Tu n'auras rien d'autre, mais notre porte te sera toujours ouverte".

Ses débuts sont difficiles. Il commence par déclamer ses quelques poèmes dans un café, contre un café-crème gratuit, puis se fait des amis, et sa notoriété se répand. Il passe dans plusieurs cabarets par soir, ses chansons sont reprises par d'autres, ses "petits formats" plaisent, et se vendent. Mais les droits d'auteur n'existent pas. Un éditeur peut venir, vous proposer 20 francs de votre chanson comme solde de tout compte, et faire fortune en l'éditant.

Il travaille beaucoup, sa plume précise et émouvante a du succès, son style de poète beauceron plait à ces snobs de parisiens, mais bon, même célèbre, même à cette époque, l'état de poète ne nourrit pas son homme. Couté mange mal, boit beaucoup, dort dehors dans un tuyau quand il n'arrive pas à payer son terme, cette vie dissolue n'arrange pas sa santé. Quand il est au bout du rouleau, il trouve la force de retourner au moulin paternel. Cela donne des chansons fortes comme La lessive . À Paris, il participe à "La guerre sociale", un journal antimilitariste qui ne lui remplira pas les poches, ne le payant jamais. Il y publie Le fondeur de canons , La Marseillaise des requins ou la bien envoyée Pour faire plaisir au colon

Il n'aura pas à aller dans les tranchées puisque son foie, trop fortement sollicité par l'absinthe, ne dépassera pas 1911. Il n'avait que 31 ans.

Dans 2 ans nous fêterons le siècle anniversaire de sa mort. Ça va guincher à Meung-sur-Loire mais Couté n'est jamais mort. Son tube Va danser a été repris par plein de monde : Piaf, Patachou... La version de Jacques Douai m'avait tapé dans le tympan au début des seventies. C'est à cette période également que Gérard Pierron le met en musique avec beaucoup de sensibilité et obtient ainsi un grand prix de l'académie Charles Cros mérité. J'ai le vinyle à la maison et je ne saurais trop vous conseiller d'acquérir "Les mangeux de terre". C'est un bijou à avoir impérativement dans sa discothèque.

Gaston Couté est le chéri des conteurs, de tous les chanteurs intimistes à message . Assez récemment, La Tordue a sorti une magnifique version de son Pressoir .

Ça fait plaisir de voir Couté toujours vivant, n'ayant pas pris une ride.

Vous pouvez aller aussi sur le site qui lui est consacré , très beau, très exhaustif, il y a une très chouette Radiogizz spéciale Gaston Couté et plein d'enregistrements gratuits.

Merci à Line Sionneau pour ce portrait si "coutesque", trouvé dans "Les mangeux de terre", sélection de poèmes publiée chez Christian Pirot.

dimanche 1 novembre 2009

Tant-BourrinUn petit éclat lumineux au milieu des herbes folles

Un petit éclat lumineux au milieu des herbes folles.

Quelques photons réfléchis par le métal avaient soudain attiré l'oeil d'Eustache Lamouillette. Il lâcha la tondeuse qu'il n'osait qualifier de tondeuse "à gazon", vue la végétation improbable à laquelle elle avait à faire face, se dirigea vers la source lumineuse et écarta le rideau végétal qui l'en séparait.

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