mercredi 24 mars 2010
Véhicules auto et musculomobiles
Par Saoul-Fifre, mercredi 24 mars 2010 à 00:01 :: Saint Thèse, priez pour nous
Avec mes trois sœurs comme ainées directes, autant dire que j'étais seul au monde, dans notre ferme isolée. Bon, nous faisions des choses ensemble, c'est vrai, j'ai raconté ailleurs comment nous tricotions de concert, faisions du tricotin, et j'ai même appris la sténo avec elles.
Mais ça allait un moment, les filles. Sans parler de nos différences d'âge, nos centres d'intérêts n'étaient pas les mêmes, il faut se remettre dans le contexte de l'époque, les activités étaient très sexuées. Non, Françoise , je n'ai pas dit "sexuelles". Donc je filochais aussi souvent et aussi loin d'elles que je pouvais. À pied d'abord, puis en vélo, quand j'en eus un, ce qui ne tarda pas, car m'en offrir un pour mon anniversaire permit à mes parents de ne plus avoir à me mener à l'école primaire, à 6 kilomètres.
N'empêche que ça devait coûter bonbon, une bicyclette, car je me souviens d'une effervescence inaccoutumée, ce jour là, l'importance était palpable, la passion présente. Je peux aujourd'hui confirmer n'avoir pas déçu les attentes familiales. Le vélo a effectivement eu une importance envahissante dans ma vie. Le premier n'avait qu'une seule vitesse et pourtant, miladiou, que mon Périgo est vallonné !
Toujours est-il que le plaisir que je prenais quotidiennement à appuyer sur mes pédales me fit prendre en grippe les moteurs à explosions, ces machines dangereuses, bruyantes, coûteuses et malodorantes. Un jour mon oncle, qui devait démonter un moteur de tracteur, me proposa de le faire avec moi. À une offre qui aurait dû faire sauter de joie au plafond n'importe quel ado, je répondis "Niet" et je repense encore avec remords à son air triste et déçu, lui qui pensait me voir saisir cette occasion unique.
J'ai pris depuis, bien obligé, des cours de mécanique, mais je n'ai jamais ressenti bruler en moi cette étincelle que je voyais briller dans les yeux de mes camarades garçons quand on parlait voiture. J'ai continué à pédalouiller à mon rythme ou bien à prendre le train , ou bien à faire du stop . Puis j'ai rejoint la cohorte des pauvres mais travailleurs, tenaillé par la faim. J'allais au boulot en vélo, ou bien on faisait du co-voiturage. Quand je suis devenu monteur en téléphone, il fallait bien un véhicule de fonction, mais bon, on travaillait toujours à deux, alors il suffisait que mon collègue ait le permis, et ça roulait comme ça.
Mais un jour, le patron en eut marre. Ce n'était pas pratique. Si le collègue était malade, je bloquais tout, et puis il y avait des chantiers qui ne nécessitaient qu'un ouvrier... Ya pas d'bon dieu, faut qu'tu passes ton permis ou qu'tu prennes la porte !
Et merde. Je me suis inscrit aux cours, ça n'a pas trop mal marché et j'ai eu mon permis tout neuf à l'âge de 22 ans. Pour obéir aux statistiques des assurances (qui se méfient des jeunes conducteurs), j'ai eu mes deux seuls accidents la première année, un à cause de la neige, l'autre à cause du whisky, ou à cause des glaçons, je me souviens plus. Mais je l'jure, dès que j'ai su à peu près le mode d'emploi de ces jerricanes sur roues, j'ai toujours été sage au volant : le pied toujours au plancher, on oublie jusqu'à l'existence des freins et on terrorise tellement la voiture de devant qu'elle ralentit pour vous laisser passer. Y en a même qui s'arrêtent.
Non je déconne. Mais c'est vrai que je me suis un peu laissé embobiner par la voiture. Je suis passé de la position d'adversaire résolu à celle de compagnon de route complice. Par contre, les tendances de l'industrie automobile actuelle me dépassent complètement. Tous les gadgets, les trucs électroniques, ça me bloque. La clef qui refuse de démarrer le moteur car tu as tapé le code une fois de trop, je supporterais pas.
J'ai toujours conduit de vraies voitures. Des voitures mythiques, que l'on reconnait à 500 mètres sans lunettes. Avant, les voitures avaient des formes et chacune sa personnalité. Aujourd'hui, soi-disant pour des raisons d'aérodynamisme et de consommation, elles se ressemblent toutes. L'argument de la consommation est d'une hypocrisie rare puisqu'elles sont trop puissantes au vu des limitations de vitesse, de toute façon. Sans parler des mégalomanes complexés par leur petit zizi, accros aux 4 X 4.
Une des premières voitures que j'ai apprécié, c'était la R 12 break de mon frère. Sympa. Bon petit moteur qui nous a tracté une caravane dans des routes de montagne sans broncher. Élégante, simple, bien équilibrée, rien à dire. Ensuite, j'ai eu une 4 L, c'est solide, carré, volume intérieur optimisé, les PTT roulaient en 4 L, c'est vous dire le sérieux. Et puis j'ai conduit une deux-chevaux. Là c'est le top du fun : à 110 km/h grâce à une légère descente, on prend les virages à la corde, à deux doigts du tonneau. Si vous avez un équipier, enfin, un passager, vous le faites se pencher à l'extérieur en rappel, comme sur un dériveur au près. Waw, on est passé en frôlant la bouée ! Citroën était vraiment le roi des amortisseurs, mécaniques ou hydrauliques, avec les DS, ID, etc... .
Margotte aussi, fait dans les modèles à succès, vendus à beaucoup d'exemplaires. Hé, garantie de qualité ? Quand je l'ai rencontrée, son garagiste lui avait bricolé une Coccinelle bleu, jaune et orange, à partir de 3 carcasses. Ça roulait bien mais ce n'était pas destiné à passer inaperçus. Elle avait aussi une Traction Avant, une belle Onze légère noire de 1957, dans laquelle nous nous sommes mariés, snobs comme nous sommes.
Comme à la campagne, il faut des utilitaires, nous avons opté pour des Fiorinos de chez Fiat. Ouais Andiamo, crie avec moi : "Forza Italia !". Sincèrement, j'ai entendu des critiques, mais je ne les abonde pas : no souçaille, tellement que nous avons repiqué au même modèle quand elle fut trop vieille. Pas une option, tout mécanique, ça nous va impec. Puis le hasard nous a mis en présence d'un magnifique Volvo 240 break. Là aussi, comme avec la Coxx, on a vraiment l'impression d'être à l'abri dans ce genre de voiture. Que c'est celui qui va vous rentrer dedans qui va avoir mal. C'est sécurisant. Quand je vois les pare-chocs en fibre de verre des voitures modernes, je prends peur. Le 240, c'est un propulsion arrière, c'est la voiture préférée des norvégiens ou des suédois pour aller faire du gymkhana et des dérapages contrôlés sur les canaux ou les rivières gelées. Moi je contrôle rien. Sur une autoroute suisse enneigée, je me suis retrouvé coup sur coup à faire deux tête-à-queues avec réception dans les congères, depuis je fais gaffe.
Une chose me parait ici, certaine et évidente, c'est que sur l'échelle de la mort la plus nulle, celle dans un accident de la route tient le haut du pavé.