Ma mère a eu beau plonger ses recherches généalogiques profondément dans le temps, elle n'a pas réussi à nous exhumer d'origines provençales. Catalanes, oui et aussi minorquines, alsaciennes, franche-comtoises, algériennes, mais la Provence a débarqué dans notre arbre par hasard.

Même du côté de Margotte, née à Marseille mais de lignées débarquant d'Aveyron, du Limousin, d'Italie ou du Béarn. Devant ce fait établi, nous n'avons fait ni une ni deux et sommes partis à la conquête de connaissances locales pour nourrir nos racines transplantées. La langue principalement car il faut des mots pour nommer les choses et comprendre les gens. Et puis la climatologie, très liée à la tradition avec ses proverbes prédictifs bien pratiques, les fêtes votives, ses jeux et ses symboles qui nous mènent tout logiquement à sa gastronomie et à la chimie des liquides. A ce stade du petit coup dans le nez, nous accédons directement à la culture de la joie, aux poètes et aux félibres, sans intermédiaires endimanchés. Les yeux sombrés dans ces constellations que notre ciel clair et pur rend fascinantes, nous comprenons mieux Mirèio. Le jour venu, les étoiles, ne tenant pas en place, s'appuieront sur leurs ailes et sillonneront l'espace en piaillant. L'ornithologie nous apprendra à saluer, de leur nom et d'un coup de casquette ces compagnons de vie, nos locataires du dessus.

Et l'indispensable botanique, bien sûr. Les plantes nous nourrissent, nous dessoiffent, nous meublent, nous condimentent, nous enjolivent et nous soignent. Justement, un des premiers stages de Flore et Vie que nous avons suivi, avec Margotte, était sur les herbes de la Saint-Jean. Car la Saint-Jean est la période de l'année où, sous nos latitudes, le soleil reste visible le plus longtemps et monte le plus haut au dessus de l'horizon. Les plantes "solaires", celles dont la quantité et la force de leurs principes actifs dépendent de l'ensoleillement, abondent et les herboristes savent que c'est le moment de les cueillir, de les préparer pour s'en servir tout au long de "l'an que ven". Il s'agit du caille-lait, de la cataire, de la reprise, de la toute-bonne, de l'armoise, du chrysanthème commun, de la cynoglosse, de l'immortelle jaune, de l'herbe-au-vent, de la mélisse, du bouillon-blanc, de l'épine-du-christ, de la rue...

Mais la plus célèbre, c'est le millepertuis, l'Hypericum Perforatum ou erbo de sant Jan, erbo de millo traou, Trescalan, en langue d'Oc.

On ne peut pas confondre cette plante avec une autre. Déjà ce petit buisson couronné de fleurs jaunes en cette saison attire l'œil de loin. Rapprochez-vous, prenez un bouquet floral et frottez-le entre vos doigts, ils devraient rougir. Allez, si vous voulez être bien sûrs, prenez une de ses petites feuilles et présentez-la au soleil. Ses rayons traversant la feuille par des dizaines de trous microscopiques vous indiqueront le pourquoi de son appellation en français. Nous sommes le 22 Juin, vous avez donc, selon votre lieu de vie, un mois pour préparer votre huile rouge. La plupart des sites internet qui en parlent vous conseilleront de ramasser votre millepertuis au midi solaire (14 h, en été). Permettez-moi de corriger ici cette erreur. Traditionnellement, les provençaux se levaient très tôt le matin du 24 Juin afin de se trouver aux lieux de récolte, au sommet des collines, au lever du soleil. Il faut ramasser les sommités florales encore noyées de rosée, et les tasser au fur et à mesure dans un petit bocal en verre. Quand celui-ci est bien plein, remplir les vides avec une bonne huile d'olives, fermer et abandonner le bocal en plein soleil pendant un mois. Filtrer, conserver votre huile rouge dans un flacon pendant 2 ans maximum. En fait les provençaux se faisaient leur "oli roudgé" tous les ans.

Plusieurs études scientifiques ont paré le millepertuis de qualités. Il serait analgésique, anti-inflammatoire, anti-dépresseur léger, anti-prurigineux, utile pendant la ménopause, en cas de règles douloureuses... Vous avez là surtout un produit cicatrisant à l'efficacité redoutable, tellement qu'il ne faut surtout pas l'utiliser sur plaies profondes : la plaie se referme si vite qu'elle risque d'emprisonner un foyer infectieux. Il est donc idéal pour :

- Brûlures
- Râpures superficielles
- Coups de soleil. En curatif ! En préventif, il a au contraire un effet inverse photosensibilisant. Ce n'est pas une crème solaire !
- Bonne huile de massage en cas de douleurs articulaires, rhumatismes, ulcères...

Perso, nous en avons été ravis pour nos trois enfants en période de couches. On nettoyait bébé à l'eau, on le séchait à la serviette, on l'enduisait d'huile rouge bien dans les plis et on lui remettait une couche propre. Pas un seul érythème fessier, ni boutons, ni démangeaisons... Ah ça ! On s'est pas ruiné en talc Mort-ange !