Régulièrement, j'entends le moteur à Margotte qui change de régime, elle cherche sans doute à perdre un os, quand elle explique devant moi, doctement, à un aréopage d'amies disons "bien enveloppées" qu'elle a deux-trois kilos à perdre, je sifflote en regardant ailleurs, j'ai honte de son manque de savoir-vivre. Ainsi touiller dans les plaies sanguinolentes de nos appâts rances !

Elle entraine souvent dans son sillage notre fille qui, entre un bol de mayo et un de Nutella se préoccupe soudain de son tour de taille alors qu'à son age on perd ou on gagne 10 kilos juste en fonction de la météo.

Je restai jusque là spectateur souriant de ces obsessions nutritionnistes bien que mon quintal eut eu bien besoin des mêmes attentions, mais le simple mot de régime me renvoyait à des souvenirs de pesage systématiques de denrées, de comptage de calories, en gros de systèmes très contraignants qui vous font passer auprès de vos proches ou de vos hôtes pour un emmerdeur mahoussement psycho-rigide et insupportable à table.

Et je tiens par dessus tout à mon image de bon vivant cool no souçaille.

Je l'ai lu donc, le livre du docteur Dukon, pas difficile : il était aux chiottes (le livre, pas le docteur). C'est un salmigondis de règles très précises, de phases à respecter, de jours spécialisés, enfin quoi, un système très dirigiste rempli de tabous et, au milieu de ces interdictions, des permissions bizarroïdes voire inquiétantes : l'aspartam, l'huile de paraffine (!), le chewing-gum, le son d'avoine, le médiator ...

Le principe de base de son régime a l'air frappé au coin du bon sens, aussi me suis-je lancé dans une imitation, éliminant tous les trucs zarbis, trop compliqués et surtout anti-conviviaux. Il faut avoir entendu un amalgame de dukonneurs échangeant leurs expériences, ça parle de "semaine protéines", de "phase de consolidation", de "chat-coaching", de "rentrée en stabilisation" (et non "en stabulation" comme j'en connais des bouseux qui pourraient confondre), d'"instinct-stockage" etc... Ce genre de lexique spécialisé met vite les boules aux braves personnes venues là pour se déstresser après une &$%WWWW§*£ de journée de labeur merdique en sirotant un ou plusieurs cognac-fizzs et en compensant par poignées de cacahuettes.

J'ai donc fait une criti-relecture de son livre à la sauce Saoul-Fifre, un gonze qui n'aime pas trop les contraintes extérieures. Et ce d'autant plus que le docteur a l'art de susciter les attaques de ses confrères , peut-être de gros jaloux, mais soyons prudents.

Quand il dit que l'ennemi, c'est le gras et le glucose, on ne peut que le suivre, tout ça se fixe autour du cœur, le ralentissant, encrasse les artères, enrobe les intestins, persille tous les muscles, n'en faut plus !

Enfin, je dirais qu'il ne faut pas en rajouter dans les aliments bruts qui en contiennent naturellement, bien sûr.

Pour les protéines, Dukon conseille une période "consommation à volonté" qui évitera le sentiment de manque et pendant lequel le corps sera obligé de "bruler" ses propres graisses, cholestérol et autres triglycérides. Ça parait logique mais ce côté "tout ou rien" me semble dangereux. Je crois d'ailleurs que c'est le danger potentiel de toutes ces protéines d'un seul coup que ses collègues lui reprochent (risque de blocage des reins, toxines...). Cette phase, très agréable pour un viandard (tartare, plateau de fruits de mer, poisson, fromage 0 %, œufs...) a donc été très courte chez moi et j'ai vite introduit des légumes crus ou cuits, des fruits (interdits par Dukon !), en bannissant bien entendu toutes les graisses, huile (même d'olive), beurre, charcuterie, fromages etc... et les sucres, confitures, miel, riz, pâtes, couscous, farine, pain, légumineuses, patates...

Ça nous donne ce genre de menus :

Petit déjeuner : eggs and bacon sur un chapati au son d'avoine, thé sans sucre, pomme.

Déjeuner : tartare de bœuf, salade de légumes crus à base de tomates ou carottes sauce yaourt vinaigre balsamique, fromage 0 % avec une giclée de sirop d'agave (faible indice glycémique)

Diner : soupe de légumes, truite ou saumon fumé, petit bout de fromage, mandarine, 2 carrés de chocolat 99 %...

Vous voyez, c'est sympathique, je n'hésite pas à faire de petits écarts par rapport à l'orthodoxie, je ne me refuse rien de bon mais je reste ferme sur le gras et attentif aux sucres. Ce régime agréable mais sévère par rapport à mon ancienne façon de me nourrir me permet je pense, les jours où nous avons des invités ou ceux où nous serons nous même de sortie, de manger de tout sans pousser des cris d'orfraie ni me mettre à l'abri derrière le sacro-saint régime puis chipoter ensuite avec une mine terrorisée.

C'est ce que Dukon appelle des "repas de gala", alors vous pensez, si j'ai en plus sa permission ?