J’en vois qui se marrent déjà : l’autre mécréant qui va nous parler de sa communion ! Autrefois, quand t’étais minot, t’avais pas le choix : t’allais au caté, tu faisais ta communion et tu fermais ta gueule ! C’était comme ça pour la plupart d’entre nous ! Élevé dans la religion catholique, apostolique et romaine… Amen.

Ça me faisait carrément tartir, j’avais tout de même un pote ou deux dont les parents badigeonnaient les murs à la barbouille noire « US GO HOMME », c’était à la mode après la guerre, les Ricains étaient venus nous libérer, merci pour tout, mais maintenant : caltez ! Ils étaient comme ça, les cocos, reconnaissants… mais pas trop. Ben oui, y causaient pas patois les vieux de mes potes, alors des fois le « H » y restait dans l’pot, ou bien y’avait un « M » en trop ! Mais le pot, c’est eux qui l’avaient, mes potes, biscotte y z’allaient pas au caté le jeudi.

Putain, cavaler à l’aut’ bout de Drancy pour écouter le cureton me raconter des trucs incroyables ! Le p’tit Jésus qui marchait sur la baille, ou bien il levait les bras au ciel...

- Tu fais quoi seigneur ? demandait Saint Pierre.

- J’amorce, mon bon Pierre… J’amorce.

Et crac ! La pèche miraculeuse, les filets pleins à craquer d’ablettes et de goujons ! Plus que dalle à picter ? Une tite prière et HOP du pinard à la place de la flotte ! Il tombe sur un atigé des gambettes : un p’tit massage sur les rotules et le v’là qui cavale comme une autruche. C’est bien d’être le fiston de Dieu ! Et sa Maman toujours vierge ! Tu sais, moi, à dix ans, j’savais pas bien ce que ça voulait dire « vierge » ! T’as beau avoir fait ton éducation sexuelle dans la rue, à dix balais, on n’était pas encore bien fufute et puis y’avait pô internènette et « minous.com » pour te coller au parfum.

Bien sûr on avait des frangines, alors on n’ était pas tout à fait crétins, on avait bien vu qu’à la place de not’bout d’mastic elles avaient un joli sourire d’avril, en long le sourire, pas en large !

Et puis y’avait aussi le mec qui s’était mis face à la mer rouge ! Moi, j’imaginais une mer de résiné, ça m’foutait les j’tons, alors le curé il nous disait :

- Moïse, il écarta les bras et la mer s’ouvrit, alors les Hébreus traversèrent à pieds secs. Je soupçonnais un peu l’arnaque, ayant déjà pataugé au bord du canal de l’Ourcq où on allait se baquer étant minots, en cachette de Clémenceau bien sûr. Les bords du canal, c’était gadoue, tas d’boue et tout l’toutim ! Alors après avoir écarté la mer rouge, ça devait vachement patauger dans la vase, non mais des fois. J’étais pas costaud en histoire sainte, mais en baignades prohibées, fallait pas m’la faire, je suivais mon frangin qui n’avait peur de rien, alors j’me déballonnais pas, il m’aurait traité de chiasseux !

Donc je me prépare pour la communion, j’avais onze ans, j’avais tout fait ça comme y faut, j’étais le der à y passer, mon frangin, ma frangine y étaient passés avant, fallait pas que j’déconne, on comptait sur moi !

Le jour arrive, en juin comme toutes les communions. En juin à Pantruche, ça ressemble parfois à octobre ou novembre, si tu vois ce que je veux dire, c’est l’automne qui s’attarde ou qu’est en avance, c’est selon !

Il tombait des hallebardes, bien sûr toute la famille était là… Mais NON, y’avait pas Georgio le fils maudit, chez les Ritals la famiglia c’est sacré. Il ne fallait surtout pas bouffer car on communiait pour la première fois ! Va expliquer ça à un gamin de onze ans, je crevais la dalle ! Et dans un réflexe intempestif et blasphématoire, je chope un morceau de sucre et je l’engloutis ! Ma mère catastrophée, à l’époque elle croyait toutes les conneries ecclésiastiques apostoliques et romaines qu’on lui racontait, plus tard son fiston l’a fait changer d’avis.

Elle a tout raconté au curé, ma brave Maman. Ça l’a fait sourire, ce brave curé, il n’était pas trop borné et même plutôt sympa. Et puis il avait dû en voir d’autres le sapeur dans sa vie, quand les autres l’ont lâché il s’est retrouvé bien seulabre pour monter là haut ! Alors mariner un moment les ribouis dans le sucre, ça ne devait pas l’affoler.

Ils l’ont vachement lâché, Pierre, Paul, Jacques et les autres….

- KI Ksè KI CONNAÎT JESUS DE NAZARETH ? qui demandait le centurion en Araméen-Latino-Arabique à la sauce couscous.

- De Nazareth ? qui répond Pierre, faut changer où pour Nazareth ?

- Du Jésus, j’en ai vu à Lyon qui disait Paul, mais il était pas casher !

Et après ça on m’a fait gober que c’étaient des saints…

Enfin on part, on nous avait rassemblés sur la place de la mairie, face à l’église, chacun un cierge à la main. Au bout de trois pas, le mien se casse en deux ! Il pendait lamentablement comme une vieille quèquette… Désolée qu’elle était ma pauvre Maman, moi ça m’faisait marrer !

La flotte avait détrempé mes vêtements, mon premier costard et mon premier futale long, la veste était bleu marine, elle avait déteint sur le brassard… Faites pas des yeux de merlan frit, on portait un brassard blanc en forme de croix, le brassard commençait à se teinter de traînées bleuâtres… Ma-gni-fique !

Et puis c’était bien, tous ces communiants et ces communiantes, nous n’étions pas en aube alors, les mecs en pantalon, les filles en robe, et là tu voyais tout de suite le niveau social. Les riches avec des toilettes somptueuses, les petites ressemblaient toutes à des minis mariées, oui je t’assure. Vu que chez moi, pour passer ente deux feuilles de paye, fallait s’faire vachement mince, ma mère avait tout confectionné, pas maladroite, j’avais fière allure, à part le cierge à la con et la couleur qui dégueulait, mais ça allait bien avec moi qui n’en avait rien à foutre !

C’est ce jour là que ma grand’mère m’a offert ma première montre. Elle portait la boîte comme l’évèque le Saint sacrement, j’aurais préféré de la thune pour aller au cinoche avec mes potes ou acheter des ICHE LIFFE - on ne prononçait pas « High Life » -, des cibiches qui n’existent plus, vendues par paquet de dix clopes.

Et pis y’a eu l’hostie… C’est un peu dégueu au goût, et pis ça colle, ça adhère au palais, DÉFENSE de toucher avec les doigts ! Péché MORTEL, MORTEL le péché ! Alors tu joues des mandibules, tu ressembles à un Ricain en train de bouffer son sème sème gum, ou alors on dirait l’cul d’ta sœur quand elle monte une côte à vélo ! T’as les mandibules qui vont un coup à gauche, un coup à droite. Et puis une fois avalé, ça cale pas, t’as autant la dalle.

Chez nous, ça s’était bien passé, par contre chez la voisine…. Avant la communion, on faisait une retraite pendant deux ou trois jours. On partait de neuf heures à seize heures dans un joli parc où créchaient des frangines, celles avec des cornettes. Alors ce parc de Drancy il a changé de blase au gré des élections, mais oui, c’était un peu Clochemerle, Drancychovski…

D’abord le parc des sœurs, puis il s’est appelé Parc Jacques Duclos, un député Coco des années cinquante, z’avez pas connu, vous êtes trop petits. Et maintenant, c’est le parc « Ladoucette », du nom de la première occupante des lieux, une baronne qui soit dit en passant avait fait beaucoup pour la ville, quand c’est bien il faut le dire aussi.

Oh ! C’était plutôt marrant la retraite, on récitait bien quelques prières, on nous refaisait un peu de caté, le midi on bouffait son panier repas préparé par les Mamans, et l’après-midi on jouait dans ce grand parc.

Mais la voisine, elle avait fait « la bleue ». La retraite ? Lapuche ! Alors quand le matin elle est arrivée en tenue de communiante, le curé a refusé de lui faire faire la dite communion ! Putain le bordel, toute la famille était là ! Ils ont tout de même fait le repas mais sans la communiante qui s’était pris une avoinée de première. Confirmation et communion en même temps : le premier « kit » en somme !

(ch'tiot crobard Andiamo 2012)