Francis a répondu à la petite annonce parue dans le très sérieux journal « les Echos » :

Recrutons homme jeune, célibataire (25-35 ans), trilingue : Anglais, Allemand, Français, très bonne présentation, pour accueillir personnes de haut rang.

Lieu de travail Pacifique sud.

De son côté, Aline a lu une annonce similaire dans ce même journal. Bien entendu, il s’agissait de recruter une jeune femme célibataire, sur les mêmes critères.

Ce matin d’avril, un mardi pour être précis, ils sont une cinquantaine, hommes et femmes, à se présenter à l’adresse indiquée. Une grande pièce nue, sans photos ni quoi que ce soit sur les murs et, bizarrement,… aucun siège !

Ils sont là, qui dansant d’un pied sur l’autre, qui arpentant la pièce en d’interminables aller-retour, ou encore d’autres sont appuyés au mur, ne retenant plus leurs bâillements. Certains ont même engagé la conversation et s’esclaffent bruyamment.

Une bonne heure s’est écoulée quand soudain la porte du fond s’ouvre. Un homme, la cinquantaine, apparaît et, du bout du doigt, désigne cinq filles et cinq garçons :

- Vous, suivez-moi… Les autres vous pouvez partir.

A peine « les autres » ont-ils commencé à élever la voix, un claquement sec : la porte se referme.

Un par un, ils ont été reçus par Monsieur Dangleau, un interrogatoire digne d’un commissariat sous l’occupation !

- On vous écrira, a-t-on dit à chacun.

Huit jours plus tard, Francis et Aline ont reçu une convocation. La lettre à en-tête portait le nom suivant : PACIFIC GUN CLUB.

Prière de vous présenter le 17 avril à neuf heures précises, 16 Boulevard Haussmann, deuxième étage, porte droite.

A huit heures cinquante, Francis se présente au 16 du boulevard du baron Haussmann. Une volée de noms à droite avec, face à chaque étiquette, un petit bouton. Francis repère celui de la PACIFIC GUN CLUB et sonne.

Un déclic : la porte s’ouvre. Négligeant l’ascenseur, Francis avale les deux étages en un temps record. A droite, la porte est entrebâillée, il entre. Aline est déjà là, elle lui sourit timidement. Il lui rend son sourire, puis s’assied deux sièges plus loin.

Le même Monsieur Dangleau les a fait pénétrer dans son bureau, ils sont là, Francis et Aline, chacun debout, un peu décontenancés.

- Asseyez-vous, a prié Monsieur Dangleau. Autant que vous fassiez connaissance tout de suite, car vous serez appelés à travailler ensemble. Voilà : il s’agit de réceptionner et d’accompagner des « V .I.P ». Le décor ? Une île paradisiaque comme on dit dans les brochures !

Il accompagne cette remarque d’un petit sourire ayant pour effet de détendre l’atmosphère.

- La durée de votre contrat est de un mois. Le salaire : 5000 € pour le mois, tous frais payés. Je pense qu’il est inutile de vous préciser que j’attends de vous le plus grand professionnalisme.

- Bien entendu, ont répondu en chœur Aline et Francis.

Un sourire éclaire la face de nos deux postulants, on serait content à moins quand à vingt-cinq ans on vous propose un job pareil.

Consultant sa montre, Monsieur Dangleau ajoute :

- Nous sommes mercredi. Samedi, vous embarquerez au Bourget, un jet privé vous emmènera. Soyez à l’accueil à 9 heures 30 précises. En attendant, voici une petite avance.

Et il tend à chacun une enveloppe.

Samedi 9 heures, Aline arrive la première, elle est un peu en avance. Dix minutes plus tard, elle aperçoit Francis descendant du bus en provenance de la porte de la Chapelle.

- Bonjour Aline, je peux vous appeler Aline ?

- Bien sûr Francis, on peut même se tutoyer !

- D’accord ! Nous sommes un peu en avance, je vous… Je t’offre un café ?

- Avec plaisir.

Le temps de traverser la route de Flandres, ils sont debout au comptoir savourant un bon café.

- Tu parles d’un coup de pot, décrocher un job pareil, surtout en ce moment !

- Tu as raison, répond Aline, c’est incroyable.

- Dis voir Aline, tu fais du sport sans aucun doute, vue ton allure sportive…

- Oui, course à pied : fond et demi-fond, et toi ?

- Pareil ! Course à pied, mais plutôt 100 et 200 mètres. Bon, c’est pas le tout, mais quand faut y aller…

- Faut y aller ! termine Aline.

A neuf heures trente précises, Monsieur Dangleau se présente à l’accueil et les prie de monter dans sa Velsatis, puis les conduit après avoir montré son laisser-passer au pied de la passerelle du Falcon 7 X, un tri-réacteur Dassault capable de couvrir de très longues distances sans escales.

Après une escale à Buenos Aires, le Falcon a repris son vol, direction : le paradis !

Aline et Francis, se sont approchés des hublots lorsque l’appareil a amorcé sa descente. Un atoll avec son lagon vert émeraude, une île volcanique, comme dans les films « nanan, et tartine de miel » !

La piste apparaît, elle semble minuscule, le pilote est un « as », il pose l’appareil comme une fleur : « un kiss landing » comme on dit dans le jargon aéronautique.

Un peu fatigués par le long voyage nos deux jeunes gens débarquent, accueillis par un petit bonhomme au sourire jovial qui les conduit aussitôt à l’hôtel caché dans la verdure.

Grand luxe, l’hôtel ! A peine installés dans leur chambre respective et après une douche rapide, ils se sont allongés et… rideau !

Quelques heures plus tard, ils se sont retrouvés dans le grand hall, le directeur les y attendait.

- Bien reposés ?

- Oui, merci, ont répondu les nouveaux arrivants, que devons-nous faire ?

- Le groupe arrivera demain matin, vous serez là pour les accueillir, une dizaine de personnes en tout. Il y aura six hommes et quatre femmes, Anglais et Allemands, je sais que ça ne vous pose aucun problèmes, vous maîtrisez ces deux langues parfaitement. En attendant, promenez vous, imprégnez vous des lieux, vous pouvez même profiter du lagon ou de la piscine, évitez la pleine mer because les requins, et je ne dis pas ça pour vous effrayer, ils sont bien réels !

Aline et Francis sont partis explorer leur nouvel environnement. L’île est largement plus grande qu’ils ne le pensaient, six kilomètres de long environ pour trois de large. Après dix minutes de marche, ils se retrouvent face à un très haut grillage aux mailles très résistantes, en longeant cette clôture ils découvrent une porte fermée par une serrure, dite de sécurité.

De retour à l’hôtel, tous deux interrogent le directeur.

- C’est quoi cette clôture que nous avons aperçue ?

- Ah oui ! C’est une sorte d’enclos, une réserve naturelle, extrêmement protégée. Et justement votre travail consistera à accompagner le groupe, afin qu’il puisse examiner la flore protégée de cette île. Il s’agit de savants venus du monde entier. Dans cette mini réserve vivent également une espèce endémique de lézard extrêmement rare et typique, qui a évolué ici à l’abri de prédateurs, sans compter la flore extrêmement riche et variée, que l’on trouve exclusivement à cet endroit.

Le lendemain, après un copieux petit déjeuner, ils sont allés accueillir les arrivants sur le petit aérodrome. Dix personnes : six hommes, quatre femmes, leurs bagages ont été débarqués avec le plus grand soin dans le 4x4 et convoyés jusqu’à l’hôtel. Pour les passagers le minibus a parfaitement rempli son office.

Une journée pour faire connaissance avec les clients, des citoyens américains, anglais et allemands, repas quatre étoiles et tout le monde au lit !

Le lendemain, Aline et Francis sont à pied d’œuvre. Ils ont revêtu des tenues décontractées, à la demande du directeur : short et polo, mini short pour Aline cela va de soi.

Tout le groupe est dans le hall, chacun des clients porte un sac en bandoulière. En colonne, Francis et Aline ouvrent la marche, arrivé devant la porte de l’enclos, le directeur a sorti une clé, ouvert la porte, tout le monde est entré, puis étant resté à l’extérieur, il a refermé l’icelle.

Alors posément, calmement, les dix « savants » ont posé leur sac à terre, en ont sorti un fusil, armé la culasse, puis le plus âgé s’est adressé aux deux jeunes gens :

– Vous êtes le gibier, nous sommes les chasseurs. Bons princes, nous vous laissons dix minutes avant de vous traquer, nous n’avons qu’une seule cartouche par fusil, et point de lunettes de visée… GOOD LUCK !