Pour les ceusses qui ont loupé les premières strophes, c’est par que ça commence, avec une escale bien méritée ici
Et pour les autres qui pourraient trouver l'article longuet, il peut se lire en plusieurs épisodes.

Note de bas de page dans le préambule :
Cette fois, il faudra repasser pour des photos. Le seul truc marrant que j’ai trouvé est un article de la Tribune de Lausanne, qui est à l’opposé de ce que les pisse-copies de la presse française en avait rapporté.


Troisième époque

Nous en étions restés aux élus et à la représentation proportionnelle.
Oui, je sais, en France ça fait tache. « Proportionnelle » ressemble à un gros mot, un truc machiavélique. D’aucuns disent une autoroute pour les fascistes.
En quoi la « Liberté », « l’Égalité » et la « Fraternité » peuvent-elles autoriser qui que ce soit à museler les 16% de Français qui votent FN…
Le scandale ne serait pas de voir 16% de députés FN. Il est dans le fait que les partis sensément démocratiques ne donnent pas d’espoirs au peuple au point de voir 16% des électeurs séduits par le racisme et la xénophobie.
Ceci dit, je ne vois pas de programme politique ni de fonctionnement foncièrement différent entre le FN et l’UMP. Il en faut du self-contrôle pour ne pas aller zigouiller la Morano lorsqu’elle dit (et venant d’elle, c’est sans humour, même à la con) qu’un député doit obéir aux vœux du président. C’est drôle, mais dans ce cas, je peine à entendre le mot « président ». Ça résonne dans ma tête comme « Duce », « Caudillo » ou « Führer ».
Quant aux socialistes…. Au vu de leurs dernières prouesses faut aimer la beaufitude franchouillarde…. Alors s’il fallait émettre des critères moraux, il y a bien peu d’élus qui le resteraient… Entre Collard et Valls, je ne vois pas plus de différences qu’entre Marine Copé et Jean-François le Pen.

La particularité suisse est que le vrai patron, le seul qui puisse dire « JE VEUX », c’est le peuple. Les élus sont des larbins, et plus tu montes dans les rangs, et plus ce sont des larbins.
J’explique :
Les élus dans les législatifs sont là pour pondre des lois qui correspondent à la volonté du peuple.
Les exécutifs, comme leur nom l’indique, sont là pour exécuter les ordres reçus et non pour les donner.
Dans les communes, ces élus élisent le Maire et son équipe.
Dans les cantons (= départements), ils élisent le Conseil d’état. (C'est parfois un vote au suffrage universel)
Sur le plan national, ils élisent le Conseil fédéral (sept ministres).
Ces élus-là sont les larbins des assemblées législatives dont ils sont issus.
Le Président de la Suisse est un des 7 ministres, il est élu pour une année afin de faire plaisir aux Présidents étrangers qui se croient importants sous la tonne de chaînes et de médailles diverses dont ils se sont affublés.

Le décalage est magistral lorsqu’un Napoléon de pacotille rencontre un ancien président de la confédération.

En lisant les comptes rendus du Point et de la Tribune de Lausanne, j’ai furieusement eu l’impression qu’ils ne parlaient pas du même événement. Le garde-à-vous des folliculaires du Point (et je me suis épargné le Figaro) est impressionnant de fauxcuserie.
Le Malfaisant s’est ramassé une gifle par Adolf Ogi en voulant donner une leçon de démocratie à la Suisse, le con...

Il s’est fait moucher comme un sale gamin.
Ce que les médias français (excepté Médiapart) n’ont pas eu les couilles de relater.

Revenons à nos moutons.

L’année du Président de la Suisse commence en décembre deux ans avant son sacre…
Tout se joue lorsqu’il faut choisir le vice-président. Une fois nommé à ce poste, le prochain mois de décembre qui lui tombe dessus le verra automatiquement élu président. Ce mois sera le plus important, puisqu’il va passer de fêtes en consécrations diverses et variées afin de lui rendre les honneurs qui lui sont du. C’est un peu comme des funérailles, mais avec la possibilité de trinquer avec le mort.
Durant l’année de son règne, il va non seulement devoir faire son boulot de ministre, mais en plus inaugurer des chrysanthèmes jusqu’à plus soif… A chaque visite d’État, c’est lui qui se colle la corvée de G.O. de la politique suisse. Inutile de dire que dès le mois de mars, il ne pense plus qu’à Noël et la joie de refiler la patate chaude au suivant...
Donc, à l’inverse de la France, la Suisse garde ses ministres pour toute la législature et plus si affinités, mais elle change de président comme de chemise.

Malgré (ou à cause) de toutes ses différences, la Suisse est un pays qui fonctionne bien (disons bien moins mal que la France…). La TVA est à 8% et le taux de chômage est en recul, à 3 (trois) %.

Donc je résume :
Tout en haut de la pyramide du pouvoir, il y a : Le peuple
En dessous, les assemblées législatives.
En dessous encore : les organes exécutifs (Maires, Conseils d’Etat, Conseil fédéral (ministres))
Le Président de la Suisse étant le porte-parole du Conseil fédéral, on peut estimer qu’il est à son service…

Dans un pays où une ministre est limogée pour avoir osé réclamer du fric pour faire son boulot, j’admets que ça parait complètement surréaliste. Mais il y a pire dans le meilleur….

Si tu imagines qu’en Suisse n’importe quel illuminé peut arriver avec un papier maculé de graffitis en disant aux dépités : « Eh oh les serpillières, il faut voter ça fissa fissa », tu raccroches illico et tu vas commencer en douceur par une première leçon de démocratie chez les ayatollahs. Le politocard qui fait ça en Suisse déclenche une crise générale d’hilarité. Et faire rire un banquier, ce n’est pas gagné d’avance….

Je commence par la fin pour vous expliquer le pourquoi du comment de la procédure.
Toute loi votée en Suisse, qu’elle soit communale, cantonale ou fédérale est soumise au référendum facultatif. Oui, en Suisse, c’est le peuple qui décide d’un référendum, pas Haroun el Poussah, ni Iznogoud qui peut aller faire la Valls ailleurs et à l’envers.

Donc pour tenter d’éviter de se ramasser une pliée électorale à chaque fois (ce n’est pas que le ridicule tue en politique (t’imagines l’hécatombe qu’il y aurait en France….)), on consulte avant. Tiens, là aussi, je sens comme du mou dans les rotules si tu compares aux "consultations" élyséennes...
Je l’ai déjà dit, les Suisses savent compter et la votation d’un référendum coûte plusieurs millions (en francs suisses, donc pratiquement autant d’Euros), alors on évite si c’est possible.

Pour ça, il y a un processus bien rôdé :
S’il apparaît à un ministre qu’il faut une loi sur la couleur des boutons de braguette dans la fonction publique (Eh, rigole pas, j’ai vu en France des lois encore plus con que ça… et je n’ose même pas évoquer celles des USA), la question de son opportunité va être posée aux deux chambres du parlement fédéral, qui peut refuser d’entrer en matière, prétextant qu’il faut tout de même un espace de liberté pour les fonctionnaires. Auquel cas, la loi ne se fera pas.

S’ils décident que ce sera une liberté surveillée, les juristes vont prioritairement regarder si par le plus grand des hasards, il n’y a pas déjà une loi sur ce sujet. Si oui, elle sera mise en regard de ce que voudrait le ministre et s’il accepte de laisser tomber au vu de la différence infime de couleur que ça amènerait. Tout ça en tenant compte des frais engendrés par les cousettes qui seraient réquisitionnées pour le remplacement des boutons.

Imaginons la totale : La loi se fera…… enfin, c'est seulement peut-être parce que là, il faut la préparer.

1° Les juristes vont établir un projet de loi qui sera une base de travail. Ce projet doit inclure toutes les lois qui devraient être modifiées ou abrogées pour que le droit reste cohérent. (Tu parles de coups de balais à faire dans les lois françaises…. Au premier déblaiement, il faudra y aller au tracto-pelle !)

2° Ce projet va être présenté, en procédure de consultations, à toutes les associations qui seraient concernées, les syndicats, les groupes de députés de chaque chambre, les responsables des administrations, les églises et les partis politiques.

3° Chaque groupe va faire des remarques en stipulant ce qui voudrait et ce qu’il ne pourrait pas admettre.

4° Le projet repart au Conseil fédéral et son troupeau de juristes. Ils vont remodeler le projet pour éviter des refus catégoriques.

5° Retour dans la procédure de consultations.
On peut avoir là un problème de veto opposé.
Imagine que le syndicat des fonctionnaires gays exige des boutons roses et que la conférence des Évêques de Suisse s’y oppose fermement. Y a comme un problème... Chaque groupe pouvant lancer un référendum. Alors on va tenter de raisonner chaque partie, expliquer aux Évêques qu’avec le rabat de tissu, on ne voit presque pas les boutons, on va aussi demander aux fonctionnaires gays s’ils ne pourraient pas se contenter d’avoir des slips roses et de garder les boutons de braguette anthracites. Bref, ça va marchander ferme.

6° Après avoir gommé les plus grosses divergences, le projet va au Conseil national (l’Assemblée nationale). Et là, les députés vont remodeler le projet à leur convenance, en tentant de ne pas provoquer de veto. Admettons qu’ils ont admis que le premier bouton peut être rose, mais pas les autres (oui, le compromis helvétique est une institution sacrée, même s’il n’a rien à voir avec des fiançailles).

7° Lorsqu’ils sont parvenus à voter un texte (il faut parfois des années), ce texte passe au Conseil des États (le Sénat, mais, chose bizarre, il est élu par le peuple à raison de deux conseillers par canton).
Si d’aventure ce conseil décide de ne pas autoriser ce bouton rose, le texte repart au Conseil national, et ce jusqu’à ce que les deux Conseils soient d’accords sur le même texte, à la virgule près. Là encore, ça peut prendre des années. Admettons alors qu’ils arrivent à la conclusion que le bouton rose est tolérable, mais après demande écrite motivée.
Le vote de cette loi inclus toute les modifications ou abrogations nécessaires dans la législation en vigueur. Impossible donc, après le vote, de trouver un article qui stipule que les boutons de braguette des fonctionnaires doivent être gris, noir ou bleu.

8° Ce texte, voté par les deux chambres, va entrer dans le délai référendaire de trois mois.
Chaque habitant de la Suisse peut lancer un référendum. Il faut être au bénéfice de ses droits civiques pour le signer.

9° Mettons dans le cas d’espèce que la ligue des droits de l’homme trouve discriminatoire de devoir demander l’autorisation d’avoir un bouton rose à sa braguette. Elle rédige un référendum, dans des termes juridiques qui seront avalisés par le service juridique fédéral. La collecte des signatures peut alors commencer.

10° Si dans ce laps de temps 50 000 Suisses ont signé le référendum, il y aura un vote populaire à la majorité des votes exprimés.

11° Les autorités concernées doivent éditer une brochure explicative avec les textes de lois touchés, le point de vue des autorités et celui des référendaires. (Ce dernier texte est soumis à approbation par les référendaires, il ne peut donc pas être tendancieux).

12° Si le peuple dit non, la loi est enterrée et personne ne va démissionner. Le gouvernement ne sera pas renversé pour autant (je vous rappelle qu’il est élu par le parlement pour une législature complète). Et le Président de la Confédération continuera sereinement à inaugurer des chrysanthèmes…

13° Si le ministre insiste pour avoir son règlement sur les boutons de braguette, il reformera une demande une bonne dizaine d’années plus tard en tenant compte du vote sanction du peuple et en cherchant un autre compromis. Mais comme la durée moyenne de fonction au Conseil Fédéral est de 12 ans, il y a peu de risques de récidive.

En Suisse, il y a des lois qui ont mis 50 ans avant d’être adoptées. Ce fut long, mais ce fut l’expression de la volonté populaire.
Il ne faut pas imaginer que les lobbys restent de marbre, mais si en France il suffit de corrompre quelques personnages influents, en Suisse, il faut tromper plus de la moitié des électeurs. Ils y arrivent parfois bien sûr, et même trop souvent à mon goût… :-).
Exemple avec le refus d’une caisse maladie unique en Suisse.
La lenteur est la principale caractéristique de la politique suisse.
Même si ce sont les ritals qui disent : Chi va piano va sano e chi va sano va lontano…*
(Les mauvaises langues rajoutent : ma non arriva mai** :-D)

* Qui va doucement va sainement et qui va sainement va longtemps. ** Mais n’arrive jamais.

Cette procédure implique de facto que ce sont les citoyens suisses qui votent leurs impôts.
L’impôt sur le revenu, qui est progressif, est la recette fiscale la plus importante.
La TVA est à 8% pour le taux plein. Avec ça, les comptes de la Suisse sont moins pires que ceux de la France. Peut-être est-ce aussi dû au taux de chômage de 3%...
La prospérité de la Suisse et son niveau de vie élevé ne sont pas (quoi que puisse prétendre tous les Sarkopen de la planète) handicapés par le taux de 23,8% de population étrangère en Suisse (selon l’administration fédérale), soit quatre fois plus qu’en France avec ses 5,8% (selon l’INSEE).

Le peuple doit voter très bientôt sur l’abolition des forfaits fiscaux octroyés aux 5600 étrangers qui se sont établis en Suisse pour échapper au fisc. Charles Aznavour tire déjà la gueule (comme une épéclée de sportifs français) et Schumacher le fera dès qu’il retouchera terre, eux qui ont largement abusé de ce système immonde.

Pour la prochaine : l’initiative constitutionnelle, le référendum obligatoire et la façon de voter des Suisses.

Blutch