Un extrait de « la joueuse de go ». L’auteur, San Sha, est une chinoise venue s’installer en France en 1990. Elle écrit ce livre en français. Des phrases courtes. Un style particulièrement imagé.

« Au fur et à mesure que je découvre le corps de Min, centimètre par centimètre, il devient une terre infinie. Je l’explore, j’écoute le soupir de sa peau, je lis la carte de ses veines. Nous inventons des jeux subtils. Avec le bout de ma langue, je dessine des caractères sur sa poitrine pour qu’il les devine. J’offre mon ventre à sa bouche, mon sein à son front. Min rampe sur moi en position de prière, à chaque mouvement, il doit réciter un poème. Ses cheveux me chatouillent et me font rire. Pour me punir de ma moquerie, il entre brusquement en moi. C’est le monde qui se déchire. Ma vue se trouble, mes oreilles bourdonnent. J’enfonce mes doigts dans mes cheveux, je mords le coin du drap. Les yeux fermés, j’entrevois dans les ténèbres les couleurs vives d’immenses drapeaux qu’on agite. Des contours se forment et se déforment, des êtres surgissent et s’évanouissent. Je vais mourir. Soudain j’ai l’impression d’être double. Une partie de moi-même me quitte et flotte en l’air. Elle me contemple, m’écoute gémir, râler. Puis en s’élevant, elle disparaît vers une hauteur inconnue, oiseau franchissant le col d’une montagne. Je ne l’aperçois plus. »

Tout le livre n'est pas aussi voluptueux puisqu'en toile de fond est décrite l'invasion de la Mandchourie par le Japon. L'héroïne principale s'échappe de sa famille rigide par le jeu de go. Lors de ces parties en plein air elle rencontrera un espion japonais.