Voici la suite promise du billet "Version expurgée"

Où voulez-vous que ça se passe si ce n'est dans cette France toujours à la ramasse, peuplée de volaille volage, de cabris cabriolants, de moutons moutonnants, de volatiles volatiles et de veaux votant pour des chefs qui te la mènent à la faillite en 2 coups de cuillère à pots-de-vin ?

J.C. était le chef de ce poulailler pouilleux et hexagonal, le dernier tenant du titre de Grand Coq parmi les Coqs, perché à demeure sur les ors bruns du tas de fumier républicain, seul habilité à lancer le fier cocorico du rassemblement. C'était un vieux de la vieille, roué, blanchi à tous les coups tordus, docteur ès neurologie, spécialisé dans le trafic de nerf de la guerre; il était arrivé à ce poste en piétinant indifféremment amis et ennemis, en faisant des promesses qu'il tenait rarement, en exigeant de ses vassaux une fidélité à laquelle il ne se sentait nullement tenu. Il achetait ceux qui avaient un prix, il séduisait les autres avec un charisme sans faille, un réel talent d'acteur de proximité et le reste, le choix par le bon peuple, n'était qu'une formalité...

Un chef, pour rester sur les hauteurs de la réflexion, avoir une large vista, doit se former des missi dominici à sa botte, chargés des sales besognes et de la bonne parole qui éclaire les masses. Dans le groupe des lèche-culs qui se tenaient en permanence autour du tas de fumier pour le féliciter et répéter avec admiration la moindre des banalités qu'il sortait, il repéra N.S., un poulbot hyper-actif qui lui parut apte à une bonne carrière de salopiot pouleticard, et qu'il considéra comme son fils.

L'intuition de J.C., sans être erronée, lui fera néanmoins s'en mordre les doigts quelque temps plus tard. La longueur des dents virtuelles de N.S. le gênait pour s'incliner et tendre le croupion comme il convenait à un serviteur zélé. Il apprenait vite au contact de ce pro de la manipulation des âmes, mais ne développait en échange aucune reconnaissance envers son maître de stage d'exception. En s'alliant à un gros chapon dont il espérait se débarrasser aisément par la suite, il fomenta un coup d'état contre son bienfaiteur, qui échoua devant la grande expérience du vieux limier.

Griffé, blessé, mais nullement abattu, N.S. fit le dos rond et changea de tactique. Il fit le tour du poulailler en martelant son seul argument :

- "Il est fini, c'est un vieux con à moitié sourd. J'ai la jeunesse pour moi. Le prochain, c'est moi. Alors vous choisissez maintenant : si j'étais vous, je choisirais le gagnant. Mais ne vous trompez pas : plus un grain de maïs pour ceux qui auront voulu faire les malins !"

Il se débrouilla pour bien faire comprendre aux fermiers, les décideurs, qu'une ère touchait à sa fin, que c'était lui qui s'occupait dorénavant de la reproduction, de la sécurité, de la police du grillage. Que l'autre se contentait de pérorer sur son perchoir, indifférent aux métamorphoses, perclus dans ses nuages.

Et qu'il ne restait plus qu'à officialiser l'ordre nouveau par un geste fort.

Le Dimanche, tout le monde trouva le coq au vin très bon.

Mais dès le lundi, le coq nain N.S. chamboula tous les vieux principes démocratiques.

De manière simple et astucieuse, la devise de la ferme devint : LA FERME !