La semaine passée, entre deux déclarations d'amour Tant-Bourrinesques, Saoul-fifre a attiré mon attention sur un évènement majeur de ce 21ème siècle. Un évènement qui pourtant n'avait pas attiré mon attention, honte sur moi, alors que tant de mes aïeux se sont échinés dans le bocage percheron.

Bocage et percheron, déjà ça se précise un peu, du moins pour ceux et celles qui situent l'endroit ;)

Dans le bocage donc, il y a des prés. Dans le pré, y'a de l'herbe et des vaches qui la broutent. Le hasard faisant bien les choses, caché derrière un brin d'herbe, souvent, la vache trouve un taureau. Et là, un phénomême bien connu depuis l'antiquité se produit : la vache et le taureau se mettent à parler de choses et d'autres. Parfois même ils préfèrent les faire qu'en parler. Neuf mois plus tard, de cette causerie naîtra un veau et la vache, dans un élan bien compréhensible d'instinct nourricier, verra son pis se gonfler outrageusement. Sur le sort du veau, on ne s'appesantira pas, à moins que quelqu'un ne soit intéressé par ma recette de rôti de veau grand-mère. On pourrait par contre se pencher sur le phénomène qui voit nos paysans abandonner les anciens patronymes bovinesques de Pâquerette ou Marguerite, pour désormais utiliser Carmen, Pamela ou Emmanuelle. On gardera toutefois le sujet sous le coude pour un prochain exposé sur la vie des seins et de leur aréoles.

Le veau cuit et digéré, que se passe-t-il ? Eh bien la vache continuera à donner du lait quelques mois, sauf quelques récalcitrantes sur le sort desquelles je ne m'appesantirai pas non plus, à moins que quelqu'un ne soit intéressé par un bon pot au feu.

Vous voilà donc à la tête d'un cheptel bovin qui, entre deux œillades langoureuses dues à votre habileté à lui tripoter les nichons, vous gratifie matin et soir d'un torrent lacté de qualité supérieure. Gloire et fortune, vous dites-vous, on va en faire du fromage, et pas n'importe quel fromage, du CA-MEM-BERT ! Que celui qui a pensé du gruyère, même si la rime est acceptable, se dénonce. Bien entendu, lecteur de blogbo diplômé, vous êtes quelqu'un de bien qui, à la facilité des méthodes industrielles, préfèrera soigner son camembert, le bichonner, et SURTOUT, SURTOUT, ne fera pas chauffer le lait servant à sa confection sous le fallacieux prétexte d'en tuer les bactéries, vilaines bactéries qui risqueraient de rendre des gens malades et par là-même de faire bobo au chiffre d'affaires après campagne de presse et dépréciation journalistique. Votre camembert si bien traité peut désormais afficher fièrement son AOC, signe distinctif réservé aux bons élèves qui ont respecté un processus très précis, incluant le terroir, la qualité de la matière première et une méthode de fabrication plus proche de l'artisanat que de la production en chaîne.

Tout va pour le mieux dans le plus vert des prés quand débarque le méchant de l'histoire : Lactalis. Grosse grosse boite Lactalis, succes story d'un petit paysan qui a fondé un groupe devenu aujourd'hui un des leaders mondiaux du fromage, produisant les célèbres "Président" et, en prime, pour la vitrine, repreneuse de quelques AOC prestigieuses : Lanquetot et Lepetit entre autres.

Jusque-là, tout va toujours bien. Sauf que.

Lactalis, l'an passé, dans un soudain souci de santé publique, a décrété qu'il était trop dangereux de continuer à faire du fromage au lait cru et qu'il fallait changer les régles du jeu de l'AOC. Vous, lecteurs de Blogbo et producteurs du meilleur des camemberts, vous avez bien sûr fait front pour dénoncer un diktat industriel prenant prétexte de salubrité pour produire à moindre coût, au détriment du goût. Pour l'instant, vous avez gagné et le géant Lactalis a préféré sortir de l'AOC pour employer non pas la pasteurisation, oh le vilain mot, mais la THER-MI-SA-TION. En gros, tu chauffes un peu, mais juste juste un peu pour tuer les méchantes bactéries, tout en gardant toutes les spécificités du lait cru. Regardez bien sur les boites, vous allez rigoler, en attendant la prochaine offensive, car j'ai idée qu'ils laisseront pas tomber comme ça.

Ici dans le sud, des producteurs de camembert y en a pas, alors je remercie Catherine qui, en dépit de sa propension à la grasse matinée, fabrique un excellent fromage de brebis, pour m'avoir éclairé sur la franche rigolade qu'est la thermisation, sur les effets bénéfiques des bactéries et sur le risque à long terme d'une alimentation aseptisée, empêchant nos défenses immunitaires de s'exercer, nous rendant ainsi de plus en plus vulnérables au moindre petit crobe.

En résumé, plus c'est bon au goût, meilleur c'est pour la santé, choisis ton camp camarade.



Vivent les vaches, vive Catherine et vive le camembert !