Tant-Bourrin naquit à Nagasaki un matin de Février embaumé de ces fleurs d'amandiers dont le blanc juste titillé de rose affole les abeilles au sortir de l'hiver.

Oui non mais là, je regrette, mais les faits renâclaient à se soumettre à l'épreuve de la poésie. L'espèce des abeilles s'était éteinte depuis lurette et les troncs noirs et secs des amandiers se découpaient, minéraux, sur fond de volutes de fumées en niveaux de gris. Un air vicié, huileux, chargé de molécules teigneuses aux effets couvrant le spectre de tous les délires progressistes, et d'une teneur en éléments radioactifs apte à faire flipper grave les os de la mort de sa mère, lui défripa sauvagement les alvéoles pulmonaires et lui arracha un long cri démuni de toute harmonie tandis que son anus égrenait un chapelet de miconium à l'aspect désopilant.

Notre Tant-Bourrin était à pied d'œuvre, déjà tout nanti des atouts qui devaient nous le rendre si attachant, notre attaché-culturel-au-fond-de-la-casserole, en quelque sorte...

Sa mère exhuma un sein bien nourri d'un bon vieux soutif des familles à froufrous, spécialement acheté pour faire baver le personnel médical de la maternité. Elle en présenta la turgescence humide au bébé braillard qui louchait dessus avec un air inquiétant de sérial téteur, mais dès qu'il fit mine d'attaquer la mise en bouche, elle remballa son pack de lait cru en lui disant : "T'es pas ouf ? Mais c'est qu'il me mordrait, ce chiard ! T'auras ton bib de bouillie fayots / topinambour et c'est tout !"

Ce qui nous donne une sérieuse piste explicative sur sa future sexualité exclusivement oro / anale

À l'âge où les porteurs de couches s'adonnent à leurs odieux gazouillis, le petit Tant-Bourrin avait déjà trouvé son concept-maître des "Blogborygmes" à base d'onomatopées baragouinées

Dans les bacs à sable, son charisme inexistant et sa tronche binoclarde de premier de la crêche en fit le souffre-douleur idéal. Ha il en a pris des coups de râteau et des entailles au tesson de bouteille ! Sont-ce ces expériences qui lui ont donné ce style incisif, cette tendance à la taquinerie et cet humour en demi-teinte rouge sombre ?

Ayant mis de longues années à maîtriser son transit intestinal, et n'arrivant d'ailleurs pas à éviter quelques rechutes, et les mictions nocturnes ou impromptues suite à un trop plein émotionnel faisant partie d'un quotidien lourd à assumer, les quolibets de ses camarades tortionnaires ne lui manquèrent pas. Il sublima par la suite ces souvenirs dévalorisants dans un opus sentant fort le vécu

La maturité venant, les miasmes nucléaires ayant entouré sa naissance semblèrent s'être trouvé des petits gênes à faire muter. Tant-Bourrin se transforma en monstre littéraire. Un mutant de la plume. Hosannah, un poète nous est donné ! Enfoncé, Queneau le mesquin, avec ses ridicules cent mille milliards de poèmes

Il nous fit ce cadeau inestimable dont on ne peut se lasser...

Régulièrement, quand le moral est au plus bas, qu'on ne sait plus à quel sein se nouer, quel chemin emprunter, la médication que je conseillerais, au risque de me voir poursuivi pour exercice illégal de l'hilarité, et ce, sans limitation aucune dans la posologie, serait de vous replonger dans ses "Leçons de vie", par exemple celle-ci ?

Car c'est ainsi que Tant-Bourrin est grand