..., je vis en bonne entente
Avec le Père Duval, la calotte chantante...

Un peu comme Brassens, je n'ai jamais eu de mauvais rapports avec la religion. Ma mère a une foi de charbonnier, bien noire et je suis entouré de croyants.

Ils me laissent dire "Merde", je les laisse dire "Amen"...

Ce n'est même pas une question de religion, j'ai une attitude dubitative envers toute foi, toute certitude, en un parti, un chef, un dieu. Il existe aussi un intégrisme athée, scientiste, et bien sûr, des croyants respectueux des doutes d'autrui. Moi, c'est pas mon truc de mettre toutes mes billes dans le même sac, de me restreindre, de me spécialiser.

C'est pas faute pourtant d'avoir essayé. Le digest de mes essais, et l'essence de mon opinion sur la question, je les ai déjà publiés ici mais j'ai eu envie de vous parler de mon curé. Je dis "mon curé", mais j'en ai connu d'autres, et puis des aumôniers au Lycée, et puis un leader charismatique en Fac, qui galvanisait les étudiants en leur faisant vibrer des gospels, et puis notre "chapelain", un prêtre-pêcheur, dans tous les sens du terme, qui nous a mariés et a baptisé les gosses...

Mais mon curé, c'était tout autre chose. C'était un curé de campagne rond de cœur et de corps, vraiment simple "en esprit". S'il y a un fond de vérité dans les Béatitudes, le bonhomme, à sa mort, a dû filer au ciel comme un V2.

En charge de nombreuses petites communes rurales, il avait investi dans un fourgon vitré aux formes rondes qu'il avait appelé "Obélix" et il faisait avec le ramassage pour le cathé. J'aimais bien, le cathé. Il nous expliquait des principes arides, complexes, avec des mots doux, chaleureux. Le mystère de la Sainte Trinité, sorti de ses lèvres, c'était naturel, logique, beau. Le coup de la vierge enceinte sans même un coup de goupillon, on avalait la fumée sans broncher.

J'étais enfant de Chœur et la race était déjà en voie d'extinction. Forcément : nous ne nous reproduisions pas ensemble. Pour nous remercier de ce service rendu au seigneur, mais en tout premier lieu à lui-même, le curé avait décidé que les quêtes des messes d'enterrement nous reviendraient. Je ne sais pas d'où il avait tiré ce trait de génie, mais mon regard envers les morts, et par extension, la Mort, changea du tout au tout. Ce qui était une sombre corvée pour nos jeunes années devint une occupation guillerette. Les décès étaient rares, malheureusement, dans notre mini-paroisse, mais le chrétien est généralement généreux, mis en face du Grand Mystère de la Mort.

Mon premier argent de poche fut en fait de l'argent de linceul. Il avait fallu venir en vélo, de 6 km, se déguiser, se retenir de rire, le plus dur, il fallait ensuite aller au cimetière à pied, marcher dans le crottin, j'ai connu, supporter les larmes des proches... Tout à fait entre nous, s'ils y croyaient vraiment, à cette histoire de vie éternelle et de retrouvailles "là-haut", ils ne devraient pas pleurer si fort.

Mon curé nous l'avait expliquée, l'éternité. Vous imaginez une grosse boule de fer, grosse comme mille fois la Terre. Ça oui, on la voyait bien, la boule. Tous les 1 million d'années, ya un petit oiseau qui vient et qui donne un coup d'aile sur la boule. Ouais l'oiseau aussi, on le voyait.

Et ben quand la boule sera toute usée, l'éternité aura à peine commencé.