Michel Polnareff - Ta, ta, ta, ta


Beaucoup ont cru déceler un message caché derrière ce "Femme que j'aime, c'est ta, ta, ta, ta..." Forcément, Polnareff le sulfureux, l'homme aux cheveux longs qui montrait ses fesses sur les affiches, comment ne pas imaginer sous ses paroles une évocation de l'amour à revers, une invitation à prendre l'entrée de l'artiste ? Ben oui : ta, ta, ta, ta, ça évoque une tata, non ? C'est explicite ! Polnareff marche donc à la voile et à la vapeur ! C'est clair !

Sauf que non.

Quand Franck Gérald (le beau-frère de Pierre Delanoë) écrit ses paroles sur une musique de Polnareff en 1967, il n'a aucunement l'intention de livrer quelque secret sur la fesse cachée de l'artiste, il imagine juste une chanson où l'interprète n'ose pas dire franchement à un pseudo-ami que ce qu'il aime chez lui, en fait, c'est sa femme et rien d'autre.

Et, pour camoufler le message, Franck Gérald s'est amusé à faire un emjambement sur la phrase du refrain, en attaquant par le milieu de la phrase normale qui serait : "C'est ta femme que j'aime". Le "ta ta ta ta", qui sonne comme des onomatopées destinées à ne pas prononcer le nom de la dulcinée, n'est en fait que le pronom possessif qui s'applique au "femme" qui suit !

(C'est ta, ta, ta, ta...) femme que j'aime ! C'est ta, ta, ta, ta... femme que j'aime, mais ce n'est pas toi !

Avec ceci en tête, les paroles apparaissent limpides :


Femme que j'aime, c'est ta ta ta ta
Femme que j'aime, mais ce n'est pas toi
Femme que j'aime, c'est ta ta ta ta
Femme que j'aime, mais ce n'est pas toi

Je me dis ton ami
Et pourtant quand tes yeux
Rencontrent les miens
J'ai des remords
Je me sens malheureux
Mais je n'y peux rien

{Refrain}

Je voudrais te parler
Pouvoir t'expliquer
Mais aucun mot ne vient
Je me décide et puis je remets
Toujours à demain

{Refrain}

Et ce que toi tu prends
Pour une chanson
Qui te plaît bien C'est un aveu
Tourné à ma façon
Mais tu n'y comprend rien

Femme que j'aime, c'est ta ta ta ta
Femme que j'aime, mais ce n'est pas toi
Femme que j'aime, c'est ta ta ta ta
Femme que j'aime, mais ce n'est pas toi


A l'instar de l'ami évoqué dans la chanson, certains n'ont visiblement rien compris eux non plus !

Bref, pas de quoi mettre une nonne en émoi... Polnareff en a suffisamment fait pour se bâtir une image ambiguë : comme dirait l'ami Maxwell, ce n'est pas la peine d'en rajouter !



Gilbert O'Sullivan - Clair


Après un premier tube qui lui a débouché les trompettes de la renommée (Alone again en 1972) en n'ayant pourtant rien fait pour (chanson tristoune sur la mort de son père + brushing de la mort qui tue), Gilbert O'Sullivan sort quelques mois après une petite perle qui assiéra définitivement son succès : "Clair", une chanson d'amour à une petite fille (la fille de son producteur George Mills) ainsi prénommée dont il assurait parfois le baby-sitting. Amour ? Petite fille ? Horreur ! Ne me dites pas que... Allez voir les sites hébergeant la vidéo, et parcourez les commentaires (des anglophones, qui comprennent les paroles), rares sont les pages qui échappent à un commentaire sur la pédophilie sous-jacente des paroles...

Sauf que non. Enfin, il me semble !

Essayons d'abord de traduire ces fameuses paroles, histoire d'éclairer nos lecteurs handicapés de la méthode à Mimile... Voilà ce que ça pourrait donner (traduction approximative !), sachant que je me suis permis de franciser "Clair" en "Claire" pour que ce soit plus clair ! :~)


Claire,
Dès l'instant où je t'ai rencontrée, je le jure,
Je me suis senti comme si quelque chose, quelque part,
M'était arrivé, que je ne pouvais pas voir.
Et puis, quand je t'ai vue de nouveau,
J'ai su dans mon cœur que nous étions amis
Il devait en être ainsi et pas autrement.

Je m'évertue à comprendre mais je ne sais pas pourquoi
Tu me touches d'une façon que je ne peux pas décrire.
Les mots ont si peu d'importance quand tu me regardes et souris.
Je me moque de ce que les gens disent, pour moi tu es plus qu'une enfant.
Oh Claire. Claire...

Claire.
Si l'on pouvait conserver un moment si unique
Pour le comparer aux autres,
Ce moment, ce serait toi et tout ce que tu fais.
Mais pourquoi, malgré notre différence d'âge, est-ce que je pleure
Chaque fois que je te quitte ? J'ai l'impression d'en mourir.
Rien ne compte plus pour moi que de t'entendre dire :
"Je vais me marier avec toi. Est-ce que tu veux bien, oncle Ray ?"
Oh Claire. Claire...

Claire,
Je t'ai déjà dit : "Ne fais pas ça !
Retourne dans ton lit !
Ne vois-tu pas qu'il est tard ?
Non, tu ne peux pas boire !
Oh bon, d'accord, mais attends une minute..."
Pendant que, épuisé par le baby-sitting, je reprends mon souffle,
Ou du moins ce qu'il en reste...
Tu peux me tuer à cette heure,
Car au matin, le soleil se lèvera sur ma vie enfuie.
Oh Claire, Claire...


Petite précision pour la compréhension : le vrai prénom de Gilbert O'Sullivan est Raymond, et donc "Oncle Ray", c'est bien lui, même s'il n'était pas l'oncle de Clair Mills.

La phrase qui a contribué le plus à alimenter le doute est "pour moi, tu es plus qu'une enfant". Sûrement parce que beaucoup interprètent ça comme "pour moi, tu es une femme". comme si, forcément, un adulte était supérieur à un enfant. Et si quelqu'un écrivait "pour moi, tu es plus qu'une femme", il faudrait l'interpréter comment ? Comme "pour moi, tu es un homme" ? :~) (non, pas taper ! je plaisante !)

Bref, mon sentiment est qu'encore une fois, la rumeur enfle pour pas grand chose : une chanson d'amour pour une gamine qui a charmé Gilbert O'Sullivan, sans plus. Gilbert O'Sullivan n'a pas par la suite fait une "carrière" à la Michael Jackson ou à la Jerry Lee Lewis. Clair Mills (la petite fille de la vidéo) est devenue aujourd'hui une adulte dans la quarantaine et, si vous allez sur la page Youtube de la vidéo, vous pourrez voir qu'elle y laisse un message ("Please read this...") pour y dire à quel point elle est lasse de ces rumeurs infondées de pédophilie et qu'elle garde un souvenir ému de son "Oncle Ray" (on peut même la voir dire en substance la même chose dans cette vidéo)...

Et puis moi, j'adore cette chanson, alors camembert, les mal-y-pensent, hein ! :~)



Serge Gainsbourg - La Javanaise


Une sublime chanson écrite pour la Gréco par le jeune Gainsbourg durant l'été 1962. Une des pierres fines qui brillent au firmament de la chanson française. Mais beaucoup, surtout parmi les jeunes, se demande à quoi peut ressembler cette étrange danse : la javanaise...

La réponse est simple : à rien ! Elle n'existe pas !

Pour qui apprécie l'obsédé textuel qu'était le grand Serge, la réponse ne fait aucun doute : il faut chercher du côté des jeux sur les mots et les sonorités...

Nantis de cet indice, mirez maintenant les paroles :


J'avoue, j'en ai bavé - pas vous ? - mon amour
Avant d'avoir eu vent de vous, mon amour

Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson

A votre avis qu'avons-nous vu de l'amour ?
De vous à moi vous m'avez eu, mon amour !

Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson

Hélas, Avril en vain me voue à l'amour
J'avais envie de voir en vous cet amour

Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson

La vie ne vaut d'être vécue sans amour
Mais c'est vous qui l'avez voulu, mon amour

Ne vous déplaise
En dansant la Javanaise
Nous nous aimions
Le temps d'une chanson


Vous n'avez rien remarqué ?... Non, vraiment ?... Vous ne trouvez pas qu'il y a beaucoup de "v" dans les couplets ? Si on met de côté les "mon amour" finaux, on va taper dans les 3 ou 4 "v" par octosyllabes ! Pas mal, non !

En fait, Gainsbourg a joué à imiter phonétiquement le javanais, ce langage imaginaire consistant à insérer des "av" à l'intérieur de chaque syllabe et que les plus anciens connaissent bien ! Ainsi, Blogborygmes se dit Blavogbavoravygmaves en javanais...

Partant de là, la javanaise du refrain fait à la fois écho à ce langage... et à la java, par un double jeu de mot, la java étant, elle, bien une danse. "En dansant la java... naise !" Limpide, non ? :~)

A noter que Gainsbourg aurait peut-être trouvé l'inspiration du côté d'une chanson de Boris Vian interprétée par Louis Massis en 1957 : la "java javanaise", dans laquelle ça jacte en vrai javanais. Mais toutes les grandes œuvres ne se nourrissent-elles pas toujours un peu du passé ?



Voilà, c'est tout pour aujourd'hui...

Révisez bien : vous aurez une interrogation écrite lors de mon prochain cours... dans six ans ! :~)