L'été dernier, à Limoges, en fouinant dans le stock d'un bouquiniste de la rue de la boucherie (juste à côté des "petits ventres", un resto extra que je recommande vigoureusement), j'ai dégotté "Les murs ont la parole", une compilation apparemment exhaustive des graffiti de mai 68.

Il est spécifié sur la dernière feuille que "Ce volume a été achevé d'imprimer sur les presses d'Aubin, à Ligugé, le 20 JUIN 1968, pour le compte de Claude Tchou, éditeur à Paris", mais sans mentionner de dépôt légal. C'était vraiment la chienlit ! d:l> . Bientôt 40 ans plus tard, il nous reste bien sûr des formules mythiques, mais ont-elles été prophétiques, nous ont-elles apporté quelque chose, aidé à vivre, à comprendre, à nous battre ?

"Il est interdit d'interdire", "Ne vous emmerdez plus, emmerdez les autres", par exemple, ne sont que des jeux de mots, des sons suivis de leur écho. Ils ne peuvent être les phares dont notre obscurantisme aurait bien besoin.

"Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs" est derechef d'actualité, lui. Avec Sarko à la barre, la grande centralisation de tous les fichiers informatiques nous pend au nez. De toutes façons, les grands fichiers nationaux existent et il suffit de les consulter séparément. Si vous avez été victime d'attentat ou autre, votre nom va sortir lors de la recherche informatique. Votre compte est bon, le temps qu'ils s'aperçoivent que vous étiez la victime...

"Penser ensemble, non. Pousser ensemble, oui". Intéressant. Pas de pensée unique, non, mais si on pousse sans avoir un peu pensé avant, on risque de faire un gros caca ?

"La liberté, c'est le droit au silence". J'aime bien celle-là. Matthieu nous fait remarquer que même pendant les minutes de silence en hommage aux victimes, TF1 nous passe de la musique ! C'est un peu pour ça qu'il vaut mieux lire (graffiti, tracts, journaux, blogs...) qu'écouter ou regarder (films, assemblées générales, discours au petit personnel, débats, chroniques audios...). Quand la phrase écrite est bonne, on peut lever la tête, la retourner dans tous les sens, des heures, si l'on veut : la critique, la re-création est possible... Quand on rabaissera nos yeux, la phrase suivante sera toujours là, attendant sagement la fin de notre réflexion LIBRE. On ne peut pas à la fois écouter un discours, regarder la télé, ET réfléchir. Choisis ton camp, camarade ! Le silence, ou la tchatche...

"Les gens qui ont peur seront avec nous si nous restons forts". Voilà un citoyen, qui, malgré son sans doute jeune âge, avait déjà tout compris sur les rapports de force, piliers de la société pourrie. Il voulait juste être calife à la place du calife. Allez, proposez des noms comme auteur possible de ce beau tag ! Geismar ? July ?

"Attention : les arrivistes et ambitieux peuvent se travestir en prenant un masque << socialard >>". Pas faux d8^D

"Un bon maître nous en aurons un dès que chacun sera le sien". Bravo ! Ça c'est un programme ! Plus de partis, plus de profs, plus de chefs, et on y verra plus clair.

"Camarades, vous enculez les mouches". Mais je reconnais honnêtement que vous ne leur faites aucun mal avec vos toutes petites bites.

"Vive la cité unie vers Cythère !". Et pas de portes aux chambres !

"Espèce de salaud, tu pourrais au moins laver ton mur !". Là on sent bien la conscience politique révolutionnaire constructive du message, mais bon, cet âge est sans piété et songe surtout à la rigolade ?

"Attention ! Pompidou nous double à gauche !" Et "Va l'décrocher" qui nous double sur notre droite ! Halala, ces écolos récupérateurs !

"Un flic dort en chacun de nous : il faut le tuer". Un des meilleurs conseils du bouquin. Et qui ne parait pas difficile à mettre en œuvre : tuer un flic pendant son sommeil ? Hé bien, essayez, pour voir ?!?!

"Bourgeois ! Parvenus qui tirent l'échelle après eux et ne veulent pas laisser monter le peuple !" Ha, une citation de mon chéri Victor Hugo, qui était graphée à la Sorbonne, dans le hall du Grand Amphi. À tout seigneur, tout honneur.

Et puis...

"Sous les pavés, la plage !"

Aphorisme complètement battu en brèche par le concept de Paris-Plage : ce sont les pavés qui sont sous le sable !!!