Amie lectrice, ami lecteur,

Je t'ai dispensé, il y a peu, deux belles et puissantes leçons de vie, dont, j'en ai l'intime conviction, tu as sûrement su faire bon usage pour progresser sur le chemin tortueux et caillouteux de la sapience et de la maturité.

Il est temps, bien grand temps, que je revienne alimenter l'ampoule de ta curiosité avec la dynamo de mon vécu. Oui, je te sens impatient, brûlant d'envie, derrière ton écran, de progresser et de gagner en Humanité avec un grand H, en attente du catalyseur de ma parole qui t'aidera à aller plus loin dans l'introspection et la Profondeur avec un gros P.

Je ne vais pas te décevoir, amie lectrice, ami lecteur, tant il est vrai qu'il en va de ma responsabilité de grand ancien, riche des pépites de discernement et de sérénité découvertes dans le ruisseau de l'existence, de déverser sur les plumes de ton impétuosité et de ta fougue juvénile le goudron d'une cognition régénérée, de te prendre par la main pour te faire traverser au feu rouge la grande avenue de l'aventure humaine, de modeler le tas de glaise informe que tu es pour en faire un joli petit bonhomme avec un gros nez en forme de boule (je n'ai jamais été - hélas, nul n'est parfait - très doué en modelage).

Mais si les sujets abordés jusqu'à présent ont été, nonobstant la force insondable du message vital dispensé, légers voire guillerets, force m'est aujourd'hui de traiter d'un sujet bien plus grave, de noircir donc au graphite des tréfonds de l'âme humaine l'ambiance quasi festive de ce blog et de nourrir l'atmosphère avec moult pots de Nutella pour l'alourdir.

Oui, amie lectrice, ami lecteur, il m'en coûte beaucoup d'aborder ce sujet, cela me submerge de dégoût et me donne un terrible sentiment de nausée.

Quoi ? Que dis-tu ? La nausée est-elle vraiment un sentiment ?

Ah, je vois que tu as bien progressé sur le chemin de la connaissance et que tu as bien roulé ta boule d'acquis, petit scarabée bousier. Mais note bien que si tu m'interromps pour d'aussi futiles détails de vocabulaire, on ne va pas s'en sortir. Je te prierai donc, pour la suite de ma leçon de vie, de bien vouloir conserver par-devers toi l'humilité qui sied à un jeune élève qui trimballe dans sa besace son ignorance crasse et qui aurait par conséquent sacrément intérêt à la mettre en veilleuse.

Donc, disais-je avant d'être inconsidérément interrompu, une immense nausée m'envahit à l'heure d'aborder le sujet qui suit. Tout le capital de confiance que j'avais placé dans la banque de l'être humain est au bord du krach. Toute ma foi dans les valeurs les plus essentielles se fait bouffer par les vautours du doute. Mon inébranlable optimisme, qui me faisait croire en des demains qui chantent malgré les vicissitudes du destin, qui me faisait croire en un monde meilleur malgré la haine rampante et le fanatisme, qui me faisait croire en la victoire de l'équipe de France à l'Euro 2004 malgré Jacques Santini, mon inébranlable optimisme, disais-je, vacille sur sa base et menace de ruine.

Je frémis d'horreur devant l'abjection ultime. Ma raison se révulse. La nausée envahit tout mon être et mon espace mental, une nausée inextinguible, aussi profonde que les espoirs que je plaçais en l'humanité étaient élevés, une nausée rageuse et impuissante, une nausée quasi sartrienne, au goût amer de bile, d'acétone et de désespoir.

Mon âme se révulse : comment peut-on faire cela ? Oui, comment un être humain, cette machine dotée, pour tant soit peu qu'elle ne soit pas trop bouseuse, d'une conscience et de sentiments parfois proches du sublime, peut-il faire cela, peut-il s'abaisser à faire cela ?

Oui, amie lectrice, ami lecteur, pose-toi seulement un instant cette question effroyable : comment un être humain normalement constitué peut-il avoir l'idée démentielle d'ajouter un infâme concombre coupé en rondelles dans une bonne salade de tomates ? Et pire que tout : au-delà de l'idée, de passer à l'acte ?

C'est pourtant ce qu'a fait Tant-Bourrine.

Et moi qui ne digère pas le concombre !... Etonnez-vous que j'aie la nausée après ça !