À la demande expresse de Mamasha d'oc
Par Saoul-Fifre, jeudi 20 juillet 2006 à 00:09 :: General :: #407 :: rss
Bonne journée : j'ai tordu le cou non à des idées préconçues (je ne vous en parlerais même pas), mais à 2 innocents . Niark niark, mais ce n'est pas de leur plumage mal peigné ni de leur insupportable ramage dont je voulais vous entretenir.
Non, c'est de ces 17 extraordinaires petits canards. Oui, dans un com' j'avais dit 18, mais quand je les ai compté, il devait y en avoir un qui en couvait un autre, et je l'ai pas vu. Faut dire qu'ils sont vifs, ils courent dans tous les sens, en zig-zags, après les moustiques, et dès que l'un d'eux donne l'impression de se baffrer quelque chose de chouette en cachette, les autres rappliquent pour en avoir un peu aussi. Ce côté "troupeau" leur permet d'impressionner les plus gros volatiles de la basse-cour. Le vieux mâle canard a bien des velléités d'écarter ces petits avortons de son casse-croûte, mais devant leur nombre et leur air décidé, leur appétit de vivre, il se sent légèrement dépassé par les événements. 2, 3 coups de bec peu convaincus, et il leur abandonne la victoire, le champ de bataille, et s'en va chercher sa pitance un peu plus loin...
Et ces résidus d'œufs de se goinfrer en coincouinant à tue-tête La jeune garde . Nom d'un croûton, ils lisent "Le caneton enchaîné" ? ! La jeunesse ne respecte rien, même plus les vieilles plumes blanchies par le grand âge...
Ils prennent possession de leur monde par arpentage et quadrillage systèmatique. Et toujours en courant. J'en entends qui se moquent : "Comme ils sont patauds", "Ils avancent en canard"... Ouais, ben, sur le 100 m, ils sont impressionnants ! Il est vrai que leur monde d'origine, c'est l'élément eau. C'est dans le courant des ondes pures qu'ils mettent en scène la puissance de leur élégance naturelle. Je suis sidéré des a-priori scellés au béton armé dans l'inconscient collectif : de la même manière que la poule est con, le canard est ridicule... La preuve ? Il est difficile de trouver plus loser que Donald. Et plus frustrée sexuellement que Daisy ?
Dès qu'il voit l'eau, le caneton qui sort de l'œuf pousse des cris de joie. Il la connaît de toute éternité et retrouve et reconnaît de tout son instinct cette vieille amie, cette sœur, cette mer... Il plonge dedans, en confiance, c'est son pays du sucre candi et des 4 jeudis. Et c'est en observant sa nage que l'on comprend ce que son allure maladroite sur la terre ferme recèle de grâce pure, une fois sur l'eau. Il marche comme il nage. Disparus, les genoux cagneux et les pattes en dedans. En équilibre absolu sur l'eau, le menton fièrement à l'horizontale, ses pattes palmées lui servent de quille et de moteur. Il nage une sorte de brasse alternée très fluide, très rapide, à la beauté bouleversante. Il lance sa palme au centre et pousse l'eau vers l'extérieur, tandis que l'autre a déjà attaqué son mouvement identique et symétrique. Le cap est conservé rectiligne, mais les changements de bord sont hyper-réactifs si besoin est.
Le grand architecte qui a mis la palme au point est un génie. Il parait que son nom est "seul le plus adapté survit". Je veux bien. Mais c'est divinement beau quand même. En pleine action, les peaux interdigitales se gonflent comme des spis, un peu sur le principe des éventails, la patte se transforme en rame, et ça pagaye dur, je peux vous le dire. En fin de mouvement vers l'arrière, et aussi lors de la remontée de la patte vers l'avant, pour ne pas freiner le glissement du canard sur son aire, la palme se transforme en une petite chose pliée, fragile. Abandonnées à la traîne du courant, les armatures si fines des doigts n'opposent plus aucune force à l'eau, et le voile de peau si puissant, si propulsif tout à l'heure, dans sa phase active, ressemble maintenant à une diaphane dentelle de Cholet qui frémit et se plisse passivement au gré du souffle des filets d'eau...
Et le cycle de la nage en canard se perpétue : action, relaxation, action...
L'Homme essaye piteusement d'imiter la Nature : après avoir observé le palmipède, tout fier de lui, il a inventé les palmes (et le touriste au Grau du roi, par la même occasion). Mais pour s'en servir, l'Homme est obligé de laisser traîner ses jambes derrière lui et de trouver quelque chose à faire avec ses mains par devant (s'accrocher à sa bouée à tête de canard), sinon il coule ? Le canard, avec sa vraie palme (méfiez-vous des imitations), la ramène à l'avant SANS QUE ÇA FREINE SON MOUVEMENT et ne la rerigidifie que lorsqu'il se propulse en s'appuyant sur l'eau ! Allez faire ça avec des palmes du commerce ? L'Homme a du mal avec les trucs à 2 fins, 2 consistances, surtout très rapprochés dans le temps : ou c'est dur, ou c'est mou ? Mais : c'est dur, puis c'est mou, puis c'est dur, à la suite, sans débander, il ne sait pas fabriquer... En fait on a jamais fabriqué quelque chose qui ressemble à un muscle ?
Et un canard qui décolle de l'eau quasiment à la verticale, à la seule énergie dégagée par les moucherons et les limaçons, on sait faire ça ? L'hélicoptère, il a son hélice sur la tête, c'est facile, mais à force d'ailes, et sans consommer de kérozène ? Ça, c'est une technique que la maman leur apprend très jeune : 1,2, vous vous dressez bien droit, comme les humains, 3,4, vous battez des ailes, très vite et très fort, 5,6, vous appuyez sur le sol avec vos pattes et vous tendez le bec vers le ciel pour avoir une forme aérodynamique. Le jeune, il fait ça sans trop comprendre à quoi ça va lui servir, mais je peux vous dire qu'il s'entraîne sec, souvent, et tout seul dans son coin, sans qu'on l'oblige.
Et puis un jour, on est au bord d'un marais, le paysage est magnifique, le soleil rouge plonge derrière l'horizon et un colvert FAIT EXACTEMENT LE MÊME GESTE que mes cons de canetons. Là où il faut plusieurs centaines de mètres à un hydravion pour décoller, le colvert s'élève de l'eau comme par magie, avec aisance, comme la vapeur au dessus de la casserole, comme un feu de saint-Elme de la vase en décomposition, comme une fumerolle islandaise, il dit à l'air "Envole-moi", il bat des ailes pour applaudir le miracle et il repousse l'eau d'un même mouvement de ses 2 palmes, ces merveilles, pour peaufiner son essor, pour confirmer son désir d'évasion, son souci de liberté...
Naturellement...
Commentaires
1. Le jeudi 20 juillet 2006 à 01:34, par Epictete
2. Le jeudi 20 juillet 2006 à 05:31, par mamascha
3. Le jeudi 20 juillet 2006 à 10:08, par mathilde
4. Le jeudi 20 juillet 2006 à 10:27, par Anne
5. Le jeudi 20 juillet 2006 à 11:03, par Anne
6. Le jeudi 20 juillet 2006 à 12:23, par Byalpel
7. Le jeudi 20 juillet 2006 à 12:35, par Saoul-fifre
8. Le jeudi 20 juillet 2006 à 12:52, par Saoul-fifre
9. Le jeudi 20 juillet 2006 à 13:57, par Anne
10. Le jeudi 20 juillet 2006 à 15:33, par Byalpel
11. Le jeudi 20 juillet 2006 à 19:05, par Badibuh
12. Le jeudi 20 juillet 2006 à 20:59, par Saoul-fifre
13. Le jeudi 20 juillet 2006 à 21:40, par Bof...etc.
14. Le jeudi 20 juillet 2006 à 21:56, par mathilde
15. Le jeudi 20 juillet 2006 à 22:52, par Pascal
16. Le jeudi 20 juillet 2006 à 23:36, par Saoul-fifre
17. Le dimanche 23 juillet 2006 à 13:25, par Yael
18. Le lundi 30 juin 2008 à 15:21, par Andiamo
19. Le lundi 30 juin 2008 à 19:33, par Saoulfifre
20. Le samedi 2 août 2014 à 17:25, par Oncle Dan
21. Le samedi 2 août 2014 à 18:27, par Saoul-Fifre
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