Quand j’ai commencé à travailler, j’avais du temps libre et aucune passion avérée mises à part les sorties entre copains. P, petit homme rond de 50 ans, célibataire endurci, syndicaliste repenti et collègue de bureau, m’a peu à peu impliquée dans les actions du Secours Populaire Français. J’y passais parfois des week-ends entiers.

Nos activités allaient de la tenue de stands pour vendre de petits objets à la distribution de paniers-repas à domicile. Je me souviens plus particulièrement d’une vieille dame habitant une chambre de bonne sous les toits d’un immeuble parisien. J’étais venue lui remettre un colis, elle m’a demandé d’entrer pour parler et prendre le café. Je suis restée avec elle 2 bonnes heures dans son 10 m2 et j’ai retenu son immense joie de vivre malgré un dénuement évident.

En semaine, quand j’arrivais au travail les yeux vitreux après une nuit un peu trop blanche, P me touchait le nez avec le dos de sa main pour conclure :"tu as le bout du nez froid, tu n’es donc pas malade ". Il riait de mes frasques et m’aidait à emménager puis à déménager dans mes logements successifs. Presque un second père.

La vie m’a laissé moins de temps et j’ai perdu P de vue. Il avait de sérieux problèmes de santé. A la mort de sa mère, son moral en avait pris un coup.

Récemment je suis tombée sur cet article où j’ai découvert qu’un puit au Cameroun porte son nom.