Je venais de travailler des heures durant, devant mon clavier, à polir mes mots et à ciseler la moindre de mes phrases pour vous offrir un de ces billets délicieux dont vous êtes si friands, fidèles lecteurs de Blogborygmes que vous êtes.

Or donc, m'étant longuement escrimé à cette tâche, ce ne fut pas sans un doux plaisir que, relisant ma prose, je jugeai que celle-ci avait atteint un niveau de perfection devant lequel il n'y avait plus qu'à tirer l'échelle. Voilà qui ferait une excellente note lorsque viendrait mon tour de billet sur le blog !

La paix dans l'âme et les brumes de la fatigue aux yeux, je décidai de tout fermer et d'aller au dodo.

Mais, cliquant sur la petite croix en haut à droite de mon traitement de texte, le message suivant apparut au beau milieu de l'écran...



Quel ballot je faisais ! Je venais de travailler des heures et des heures sans avoir une seule fois pensé à sauvegarder le fruit de mon labeur ! Et summum de mon effroyable étourderie : j'avais failli replier mes gaules en faisant de même !

Heureusement, ces logiciels modernes étaient bien conçus et avaient le souci d'épargner aux têtes de linottes de bien cruels désagréments. Je cliquai donc sur le bouton "Oui" en poussant un gros "ouf" in petto.

Mais un autre message s'afficha alors...



Un très léger doute s'instilla dans mes neurones englués de fatigue. Avais-je déjà eu ce type de message ?

Peu importe. Je cliquai derechef sur "Oui".

Pour obtenir ceci...



A ce stade, je compris que quelque chose ne tournait plus vraiment tout à fait rond sur mon ordinateur.

Il faut dire que j'ai, pour sentir ces choses-là, comme un sixième sens.

Et, accessoirement, l'usage du tutoiement et d'un vocabulaire passablement relâché est relativement peu fréquent dans les messages d'erreur de logiciels sérieux.

Commençant à craindre le pire, à savoir la perte de mon texte, je cliquai sur le bouton "Si, si, j'insiste !" dans l'espoir de voir démarrer une bonne vieille sauvegarde classique de mon fichier...

Espoir déçu.

L'ordinateur me renvoya un autre message...



Il devenait évident que je devais avoir affaire à une sorte de virus. Et, pour le coup, je ne rigolais plus du tout. Pas question de perdre mon oeuvre qui m'avait demandé tant d'effort intellectuel, il fallait absolument que je sauvegarde mon billet avant de me coucher.

Mon excellent billet.

En sus de la légère panique qui tourneboulait ma tripaille, un infime sentiment de vexation s'était fait jour en moi : qu'un bête logiciel de traitement de texte, même vérolé, ose porter un jugement de valeur négatif sur mes talents littéraires me titillait désagréablement l'amour-propre.

Je cliquai donc sur "Mais si !", bien décidé à ne pas m'en laisser compter.

La réaction de l'ordinateur ne fut pas celle escomptée...



Se faire traiter de "con" par un amas de ferraille, croyez-moi, n'a rien de bien plaisant.Mais à cet instant, je commençai surtout à suer à grosses gouttes face à la menace grandissante de voir mon travail rejoindre les limbes de l'oubli.

Mon clic de souris sur le bouton "Arrête !" résonna donc comme une prière aux dieux de l'informatique.

Mais même les prières semblaient inefficaces...



Cette fois, c'était la guerre avec mon traitement de texte ! "Mauvais" ? Non mais !...

Un détail m'inquiéta toutefois : il ne me proposait plus, sous différentes formes, que l'option de détruire mon texte. Heureusement, il me restait le choix d'annuler, ce que je fis.

Je réfléchis. Si mon traitement de texte était défectueux, il me serait peut-être encore possible d'enregistrer mon texte sous un autre logiciel.

Je copiai donc les belles phrases de mon billet dans le presse-papier, ouvrai le bloque-note et les y copiai. Tout se passa bien. Je repris des couleurs. Force restait à l'humain !

Mais quand je voulus enregistrer le fichier, je repassai au stade du blanc très très pâle. Car voilà ce que j'obtins en guise de réponse...



Je fermai rageusement le bloque-note. Ce n'étaient pas les logiciels qui manquaient : je décidai de tenter ma chance sous Pauvrepoint.

Copier...

Coller...

Raté !...



Ça sentait méchamment la conspiration informatique envers moi. Je me dis qu'un tableur pourrait toutefois peut-être me sauver la mise : après tout, un logiciel traitant de chiffres serait sûrement moins tâtillon sur les qualités littéraires du texte que je lui ferais goinfrer.

Copier...

Coller...

Et merde !...



Le désespoir me gagnait peu à peu. Mais une idée géniale me vint à l'esprit : il fallait sortir de la chose écrite ! J'allais m'enregistrer en train de lire mon billet ! J'allais feinter ces putains de logiciels !

J'ouvrais donc l'enregistreur multimédia et...

Mauvaise surprise !



Je ne savais plus que faire. Il était pourtant hors de question de renoncer à ce magnifique billet, fruit de mon génie fécond et de tant d'heures de travail.

Tant pis, je retournai sur mon traitement de texte et tentai une énième fois de sauvegarder.

La réponse ne se fit pas attendre...



Ce message eut le don de me mettre hors de moi. D'abord parce qu'il ne m'était plus laissé le choix d'annuler. Ensuite (et surtout) parce que je déteste la critique, fût-elle formulée par une machine. Ah, elle allait l'avoir sa putain de guerre, cette foutue quincaillerie !

Je branchai la webcam afin d'être certain que mon ordinateur voit bien ce que j'allais faire. Je brandis mon majeur tendu vers celle-ci et hurlai dans le microphone : "tu le vois, ce gros doigt ? Eh bien, regarde ce que je vais en faire : je vais appuyer sur le gros bouton bleu, là, sur ton capot avant, et tu vas faire un gros dodo ! Oui, je sais, je vais perdre mon texte, mais je connais un ordi qui va finir sur le trottoir demain en attendant le ramassage des encombrants !"

Clic.

Mais l'écran resta allumé. Ainsi que l'unité centrale.

Juste un nouveau message à l'écran...



Ç'en était trop ! Puisque c'était comme ça, j'allais employer les grands moyens ! Cette putain de machine pleine de morgue allait le regretter ! Sans jus, elle ferait moins la mariole !

Je commençais à esquisser un geste pour me lever et aller débrancher la prise électrique, quand ceci s'afficha sur l'écran...



Depuis, j'ai beaucoup réfléchi dans ma tête.

Finalement, je me rends compte que mon projet de billet n'était pas si bon que ça. Oui, en y repensant, il était même mauvais, carrément mauvais, et mon ordinateur a très bien fait de le détruire en m'évitant ainsi de me fourvoyer.

Mon ordinateur. Mon bel ordinateur qui reste branché désormais 24 heures sur 24 et qui contrôle ma production. Oui, mon précieux ordinateur que j