Je le dis en préambule, Siné n'est pas ma tasse de thé. Le côté grande gueule qui préfère la formule en forme de coup de poing à l'argumentation, une légère touche de stalinisme, une tendance à avoir choisi son camp au berceau et ne plus s'être posé de questions depuis, tout un melting-pot de mauvaise foi me faisait me saisir de son œuvre avec des pincettes, bien que son coup de crayon reconnaissable à trente mètres sans lunettes soit excessivement jouissif à l'œil.

Son anticléricalisme systématique fleure bon le siècle dernier, je l'imagine très bien faire croaaa croaaa au passage des bonnes sœurs, comme un ado atardé qu'il est resté (80 ans, quand même !). Il se dit anarchiste. Je pense surtout qu'il s'est engueulé avec toutes les tendances de gauche et, aux dernières nouvelles, même avec le Fédération Anarchiste, qui par définition, ne peut réclamer le monopole des idées anars, par respect de la liberté d'expression.

Toujours est-il qu'une boule énorme, obèse, d'articles, de témoignages divers, d'alliances, de rancunes, de vengeances, de solidarités, de podcasts s'est cristallisée autour de la sanglante affaire Val/Siné, depuis Juillet.

Non, ce n'est pas possible que vous n'en ayez pas entendu parler. L'affaire démarre avec une rumeur (une info ?) que lance le président de la Licra Patrick Gaubert :

"le fils de Nicolas Sarkozy, Jean, vient de se fiancer avec une juive, héritière des fondateurs de Darty, et envisagerait de se convertir au judaïsme pour l’épouser. «Dans cette famille, on se souvient finalement d’où l’on vient"

Philippe Val se fend d'un édito où il descend en flèche Denis Robert, le courageux journaliste free-lance qui a osé s'attaquer, tel un Don Quichotte couillu, à Clearstream, la puissante nébuleuse capitaliste. Quelle mouche a piqué Val ? On apprendra plus tard que l'avocat de Charlie-Hebdo est aussi celui de Clearstream. Fâcheux (fachos ?) mélange de genres.

La semaine suivante, Siné, furax que Val tire sur l'ambulance Denis Robert déjà exsangue financièrement, ruiné par les contre-poursuites judiciaires, envoie au journal un "Siné sème sa zone" un peu particulier : un bandeau "auto-censuré" barre une partie de sa prose (celle concernant Denis Robert) et dessous il reprend l'info Gaubert en y ajoutant son célèbre coup de griffe félin :

"Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il (JS) vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! "

Le grand scandale commence : c'est Claude Askolovitch qui tire la première salve et prononce le mot magique "antisémitisme", sans doute sur ordre de Val qui, avec sa lâcheté coutumière dira "je n'ai pas lu la chronique de Siné avant publication". Je veux pas médire, mais ce gars-là vole son salaire de rédacteur en chef ? Au sujet de sa capacité à affronter les problèmes avec courage et droit dans les yeux, on se souviendra de son "on se connaissait très peu, nous n'avons jamais mangé ensemble" lors de la condamnation de son ami Patrick Font qui a été son compagnon de scène pendant 17 ans, à sillonner la France en tous sens !

Et chaque camp de compter ses supporters, de tirer à boulets rouges sur le camp adverse. Val regroupe autour de son nombril une vingtaine de belles âmes attachées à la pérennité du système, de beaux contempteurs du souffle libertaire. Les autres portent Siné en triomphe, comme un dyonisos priapique qui serait le dernier rempart contre une épidémie galopante de politicus correctus.

Même les "traîtres" qui sont restés à Charlie-Hebdo à ménager la chèvre et le chou (ils se reconnaîtront), les cavanna, les charb, les wolinski l'on dit et répété : Siné n'est pas antisémite. Anti-sioniste oui, pro-palestinien à donf depuis toujours, oui, mais opposé à tous les racismes. Alors on ressort une vieille condamnation en 1985, pour des propos de mecs bourrés sur une radio libre. Siné s'était excusé, la Licra avait retiré sa plainte, mais l'avocat d'une tendance plus dure avait maintenu la sienne.

Mais on ne parle pas de la signature du même Siné en 1992, pour demander que la France reconnaisse sa responsabilité dans la Shoah ? On oublie que la maison de Siné a toujours été ouverte à tous, sans condition de confession, que dans les 10 000 signatures de soutien recueillies, il y a celles de nombreux amis juifs, que son ex-épouse était juive etc...

Hurler contre "l'antisémitisme" de Siné, c'est prendre le risque de voir se répéter l'histoire de Guillou et le loup. Quand les vrais loups montreront le bout de leurs crocs , personne ne réagira plus, lassés de ces polémiques entre apparatchiks sans réel fondement.

Il restera quand même un point commun entre Siné et Val : ils ont tous deux une passion pour les chats.

Mais ne vous trompez pas de chat : achetez Siné-Hebdo ! (et méfiez-vous des imitations)