Le samedi matin a, depuis toujours, été le matin où j'ai voulu dormir. Adolescente, ma mère entrait dans ma chambre avec la balayeuse en marche, me signifiant à 9.30 que ma grasse matinée était terminée.

Quelques années plus tard, samedi matin est mon matin de clavardage, de niaisage, de rien pantoute de travail en âge. J'ai enfin le contrôle de mon horaire, crois-je à tort.

Donc, je m'assied, mon café au lait et mon ordi et ma copine en ligne. Bon, elle est au téléphone et Jean-François (9 ans) vient squatter mes genoux, mais, un matin de St-Valentin, n'est-ce pas, on ne fafine pas sur l'âge ni sur le genre d'amour. Ma tranquillité reviendra ben assez vite quand il sera ado. Je veux dire, après qu'il sera ado. Je veux dire quand je serai au centre d'accueil et que ses enfants seront grands.

Horreur, les chiennes jappent. Non pas que le bruit me dérange, mais ici, elles font office de sonnette. Quelqu'un vient. À cette heure, ce sont de mauvaises nouvelles. Eh oui, c'est ma mère qui toute en forme et guillerette, vient emprunter l'escabeau.

Tant qu'à faire, elle note aussi que le store qu'elle m'a acheté pour ma fenêtre de salon est trop petit pour la fenêtre

J'ai une fenêtre énorme, du temps que la conservation d'énergie n'était pas ni dans le vocabulaire ni dans l'esprit de personne. Or, l'été, en plein soleil, ma fenêtre combat le climatiseur et gagne. Comme j'ai pas un sou pour acheter un store convenable à cette grandeur, je mets une couverte. Ça tombe bien, l'été, j'ai des couvertures qui ne servent pas.

Ma mère, par contre, trouve qu'à mon âge raisonnable, le look fenestration étudiante, style drapeau du Québec comme rideau, est dépassé. Elle a acheté, sans m'en parler, un store de porte-patio, l'a amené chez nous et a dit : tu demanderas à Olivier (mon aîné, 20 ans) de te l'installer dans le temps des fêtes. Elle avait pensé à tout, la chère femme. Sauf au fait qu'Olivier n'installe jamais rien, qu'il ne demeure pas ici, et que j'haguis les stores verticaux. Elle rajoute, tu lui demanderas qu'il ouvre comme ça en me désignant de gauche à droite ou vice-versa, j'ai pas remarqué, j'étais occupée à cramper un sourire et à régurgiter un "Merci, comme c'est gentil".

Ça tombe bien, il y a un 15% de rabais chez Rona, aujourd'hui seulement ! Je pourrais mettre mon escabeau dans mon gros truck, arrêter chez Rona prendre un autre store. Mon café est fait, je n'ai qu'à le mettre dans un thermos. Mais je peux prendre le temps d'aller mettre un pantalon. Merci ma maman chérie.

Ma mère va m'enterrer, j'en suis certaine. Oubliez mon précédent courriel.

Ma maman chérie arrive avant moi chez Rona, se stationne dans un stationnement pour handicapés (mon père a une vignette) et trottine allègrement vers le magasin pendant que je tourne en rond avec mon estifie de gros truck pour trouver un stationnement dans lequel je vais pouvoir entrer ET sortir. Finalement, je la rejoins et nous entrons, ma mère qui trottine et moi qui traîne mon spleen.

Bon, j'ai toujours pensé que les quincailleries étaient des lieux privilégiés pour rencontrer un homme charmant. Et bien, voici une autre légende urbaine. Premièrement, à cette heure, j'avais le choix entre des personnes âgées du style de ma mère, ou à des jeunes pères avec leur fillette qui les avait aussi levés de bonne heure. De toute façon, allez donc chercher l'âme sœur, à 9.30 le matin de la St-Valentin, pas peignée PIS avec votre mère.

Soupir.

Par contre, j'ai eu le temps de raconter à ma mère, que la veille, mon fils en retirant son instrument de musique du siège arrière du truck avait fait tombé ma sacoche hors de l'auto. Il l'a remis sur le siège, sans le porte-monnaie. Quoi, il peut pas tout faire à son âge (16 ans), non?

Alors, je n'ai plus de porte-monnaie en état de fonctionner, parce que lorsqu'un gentil monsieur (style bedaine et jogging) m'a rendue la chose trouvée sur le trottoir, les coutures de la dite chose étaient rompues (il ne manquait pas d'argent parce qu'il n'y en avait pas).

Donc, ma mère dans un autre de ses élans de générosité m'offre le porte-cartes de mon frère décédé. Mon frère a toujours été notre idole. Il était têtu et généreux comme pas un, on l'a toujours adoré, Elle va me chercher l'objet en me le tendant. Il y avait encore un petit mot écrit de la main de mon frérot dedans. Elle me dit : c'est ton cadeau de St-Valentin.

On avait un peu les larmes aux yeux toutes les deux.

Pis, en embarquant dans le truck, le CD qui jouait, c'est les grands succès de Simon Garfunkel. et la toune part : When youuuuuuuuu really feeling down, when tears are in your eyes, I will confort youuuuuuuuuuuuuu

I'm on your side, ohhhhhh when darknest coommmmmmmmmmmee

C'est comme si mon frérot me chantait qu'il était là avec moi, dans les temps que je trouve difficiles.

Fait que oui, j'ai ben braillé.

C'est une fête ben émotive, han, la St-Valentin ?

M'a dire comme ma mère : une chance qu'on s'a.