C’était un îlot de verdure, situé en banlieue parisienne, à Montfermeil. Bien après Cosette et les Ténardier, et bien avant les cités HLM qui ont défiguré nos banlieues.

Gamins, on s’y rendait à vélo, il fallait une heure environ pour y parvenir et, juste avant, la belle récompense : la côte de Montfermeil, un raidillon escarpé tout droit, mais vachement pentu… DEDIEU !

J’avais les muscles en long ! Un peu comme les araignées... Souvent, j’ai terminé l’ascension en poussant le vélo. Après tant d’efforts, on arrivait aux sept îles : un étang avec, disséminés sur toute sa surface, sept îlots plantés d’arbres et envahis par les herbes folles.

On pouvait louer une barque pour pas bien cher. En se cotisant, on arrivait à trouver assez de monnaie pour s’offrir une heure de location. Une heure au cours de laquelle nous étions tour à tour le pirate des sept mers ou Robinson Crusoë, selon l’humeur et l’idée du moment.

Parfois et par chance, on arrivait à attraper une grenouille. Au bout d’un certain temps, on la remettait à l’eau : imaginez la tronche du bestiau qui était passé de main en main pendant plusieurs minutes ! Même sa mère ne l’aurait pas reconnue !

La notre de mère devait sans doute avoir beaucoup de mal à nous identifier également quand, en fin d’après-midi, on rentrait au bercail, crottés, mouillés, en sueur, avec un appétit d’ogre.

Près de cet endroit, il y avait trois guinguettes (et oui, autre temps...) : le Tivoli, le Coq hardi et surtout le "BALAJAN". Un peu plus vieux, nous n'y allions plus à vélo bien sûr, mais à Vespa ou à moto.

Généralement, on s’y rendait le dimanche après-midi. On ne payait pas pour entrer, seulement aux inter-danses : entre une série de tangos, de rumbas, ou autres slows, il fallait s’asseoir autour des tables (vissées au sol ainsi que les bancs, car certains jours ils avaient une fâcheuse propension à voler !) Alors le loufiat passait entre les tables, prenait la commande et faisait casquer, un peu cher pour mes pauvres finances, mais ça payait le ticket d’entrée.

Afin de ne pas raquer, dès la dernière mesure achevée, on s’éclipsait, traversait la rue, et l’on se retrouvait au Tivoli ou au Coq hardi. Rares les fois ou les inter-danses correspondaient, ainsi on gambillait à l’œil tout l’après midi.

Bien, mais toutefois ça n’est pas évident d’emballer dans de telles conditions !

Quand, par chance, on arrivait à "lever" une jolie fiancée, nous l’emmenions faire un tour de barque aux sept îles, toutes proches… A nous les mimis humides à l’ombre des grands saules ! On rentrait le soir avec la vague promesse d’un rencard pour le samedi suivant, et la tête pleine de joyeux souvenirs pour la semaine en usine.

C’était un peu- et ça ne vous a pas échappé - "les enfants du marais", l’excellent film de Bertrand Tavernier. Autrefois, dans nos banlieues, il subsistait des îlots de verdure, des endroits où il faisait bon passer les dimanches.

Quand j'étais encore "consommable", il subsistait encore pas mal de ces "guinguettes". A Nanteuil-lez-Meaux, Gournay, Nogent-sur-Marne, et sans oublier la butte Pinson à Pierrefitte.

C'était le dimanche après-midi que j'y allais : le samedi soir, je préférais les "dancings" de la capitale, à l'ambiance plus feutrée, aux slows à la guimauve, propices à la "roucoule" !

Des petits guinches, ces guinguettes, dans lesquels le billet d’entrée était à un prix raisonnable, les filles seules ne payaient pas. Malins les tauliers, elles servaient "d’appât", en tout bien tout honneur, aux requins qui, eux, casquaient !

J’y suis repassé récemment… En lieu et place : des grandes enseignes, avec leur cortège de parkings, et de sacs roulant sous la brise légère, qui autrefois ridait la surface de l’étang aux sept merveilles.



Je serai absent au moment de la parution de ce ch'tiot billet. Si vous me faîtes le plaisir de laisser des commentaires, j'y répondrai dès mon retour. A moins que je trouve un ordi. à ma disposition...