Le grand-père de Margotte était chiffonnier, ferrailleur, enfin, récupérateur de peaux , de laine, de métaux divers, de tout ce dont on se débarrasse mais qui, regroupé, trié, nettoyé, finit par avoir de la valeur. Dans le cas du susdit pépé, son affaire de retraitement durable marcha si bien qu'il put assez rapidement en faire travailler d'autres à sa place puis prendre sa retraite à un âge qui aurait mis un Fillon ou une Parisot dans une fureur noire.

Cet exemple familial proche a marqué Margotte du noble sceau de la poubelle utile. Et moi également, par jeu d'alliance, par osmose, par contamination, belle-filiation, que sais-je, mais le mal m'a frappé moins profondément qu'elle, soyons honnêtes et reconnaissons-le. Nous partons par exemple la famille au complet dans le fourgon plein comme un œuf. Ben, elle poussera à intervalles réguliers de petits cris aigus intempestifs car elle aura vu un "encombrant" au bord de la route. Hiiiiii un clic-clac, freine !! Aaaaahhh là, un buffet en formica, arrête-toi !

Bien sûr, je me garde d'obtempérer. Un instant déboussolé par l'expression souffrante de son manque, je reprends la maitrise de mon véhicule et poursuis notre route.

Toujours est-il que notre réputation est faite dans le canton et que plein d'amis, mais aussi beaucoup d'ennemis, viennent déposer des cartons chez nous plutôt que de les porter directement aux bordilles ou dans les conteneurs de récupe. Le dernier en date, un ami de mon fils, m'a déposé d'autorité 5 cagettes de "livres" pourraves au milieu du salon en me disant : "Tu jetteras ce qui ne te plait pas". Tri effectué, la moitié de gardable seulement !

Mais au milieu de ce fatras poussiéreux, je ne ratai pas un prospectus des années cinquante, qui, sous couvert d'informations sur la consommation électrique de divers engins, listait exhaustivement tous les gadgets qu'il était possible de brancher chez soi. La Fée Electricité venait de toucher de sa baguette magique la moindre masure dans les campagnes, et il convenait de faire consommer du jus à tout ce brave monde.

Quand mon œil abasourdi, si vous me permettez cette audace sémantique, se posa en bas de ce feuillet :

Oui vous avez bien lu : ils essayent d'appâter la ménagère de moins de cinquante ans, ma mère, quoi, à l'époque, en lui garantissant qu'un vibro-masseur ne con-somme pas plus de 60 watts !

Là, elle peut con-templer le modèle de luxe, tout inox. Le fil de branchement permet de récupérer l'engin in extrémis, au cas où...

Et là, elle dispose d'un dessin explicatif, d'une espèce de mise en situation, d'un mode d'emploi sommaire d'où il appert clairement que cet intéressant appareil a un effet décontractant et procure la banane à ses usagères.

Tout ce qu'on peut trouver et apprendre, dans une poubelle ? ! ? !