J'aurais pu commencer par :

Comme une femme de petite vertu
Elle arpentait le mur du...
Cimetière !

Mais bon c'eût été un horrible plagiat, et laissons à Georges ce qui appartient à Brassens.

Je l'ai vue ce matin-là, j'allais dire un petit coucou à quelqu'un que j'ai beaucoup aimé... Pourquoi l'imparfait ? Je l'aime toujours, en plus nous portons le même nom, ça se fait beaucoup dans les familles.

Elle était assise sur ce qu'il est convenu d'appeler une pierre tombale, sa faux posée à terre, grande lame d'acier un peu rouillée, son linceul un peu mité, ses longs cheveux "filasses" gras et emmêlés, le teint cireux, pas bandante du tout la Camarde !

Alors je me suis approché et nous avons un peu bavardé. Je la sentais déprimée, pas bien dans sa... j'allais écrire PEAU ! Ben non, c'est "pas bien dans ses os" qui me paraît mieux convenir.

- Alors ma grande, un coup d'mou ? (un peu familier ? Ouais, mais sept ans de Blogborygmes, en même temps, ça marque !)

Elle a levé vers moi ses grands yeux d'opale et là, TOC ! Illico le coup de foudre, putain ses yeux ! Moi, les yeux, c'est mon péché mignon... Je ne résiste pas, ou très mal !

- J'en ai marre de faucher, tailler à coups de serpe, massacre à la tronçonneuse, personne ne m'aime !!

Et là, je vous assure, j'ai vu une larme couler sur sa pauvre joue toute pâle ! Alors je me suis assis près d'elle, elle a obligeamment étalé son suaire, afin que mon cul ne reposât pas sur le marbre un peu froid de la pierre d'Eglantine Beaupré (le nom un peu effacé gravé sur la tombe). Familièrement, je lui ai passé le bras autour du cou et, naturellement, elle a posé sa tête sur mon épaule, j'en ai été tout émoustillé !

- Tu n'as pas peur de moi ? m'a t-elle dit entre deux sanglots.

- Euh non... Enfin pas trop, ai-je fanfaronné.

- Étonnant ! Habituellement tes contemporains flippent un peu en me voyant !

- Oui, je sais, mais tu sais belle gosse, j'ai déjà bien vécu ! J'ai bon nombre de proches et de copains qui sont déjà passés par la case oubliettes sans avoir touché 20 000 balles ! Tu fais fort tout de même, tu fauches comme une malade ! Exemple : dans la famille Dugland, je voudrais le grand-père, et PFIUUU, tu fauches, d'un grand coup de lame. Et tu t'en pètes des dommages collatéraux, même si c'est un môme qui est à côté ! A croire que tu le fais exprès !

- Oui, bien sûr, tu as raison, et c'est bien ce qui me désole, mais enfin ça ne me dit toujours pas pourquoi tu ne me crains pas ?

- Voilà, depuis un bon moment, j'ai accepté ma fin, je sais et c'est bien la seule chose dont je sois certain, c'est qu'un jour tout ça finira, et puis je me dis mais il ne faudra pas le répéter, hein ? Je me dis que s'il existe d'autres vies, et bien je rencontrerai peut-être des jolies personnes que j'ai croisé un peu trop tard dans cette vie-là, et là j'aurai toutes mes chances !

- Mais ça n'existe peut-être pas ce que tu me racontes ?

- Ouais, je sais bien que tu ne diras rien, mais tu vois belle gosse, même si ça n'existe pas, et bien ça n'est pas grave, car au cours de cette vie que j'ai vécue, j'ai été très heureux, j'y ai fait de fabuleuses rencontres. Des belles personnes vraiment, je t'assure, des êtres que je n'aurais jamais dû rencontrer et ce grâce ... à INTERNET ! Tu sais, belle môme, la toile c'est un peu comme la téloche, tout le monde critique, crache dessus, mais au fond le soir beaucoup, vraiment beaucoup de gens, sont scotchés devant leur bel écran plat à laides. Pardon : à leds ! Et en plus, à longueur de temps, ils tapent sur leurs claviers à s'en péter les phalanges, phalangines, phalangettes.

En disant cela, je lui comptais les siennes !

- Le net, c'est kif-kif, je me plais souvent à le dire, internet c'est comme l'auberge espagnole : tu trouves ce que tu y apportes ! Apporte de la merde, internet te rendra de la merde, apporte de belles choses et tu trouveras de jolies choses, des belles personnes.

- Et moi, tu me trouves comment, m'a-t-elle demandée à brûle-pourpoint ?

- Euh... Pas mal, pas mal du tout, tu vois un petit coup de peigne, un peu de rose sur tes lèvres, et je pourrais...

Elle ne m'a pas laissé finir ma phrase, elle m'a roulé une pelle ! Pas une pelle de fossoyeur, je vous vois venir, un patin, une galoche, une gamelle, pareille que dans "Tant qu'il y aura des hommes" avec Brut l'Encastré, tu te souviens ? Quand il roule dans les vagues avec Deborah Kerr ! Non ? Tu es trop jeune...

Quand nous nous sommes séparés, elle m'a demandé :

- Et toi, tu veux finir comment ?

- J'y ai songé, vois-tu, je veux être incinéré et que l'on prévienne tous ceux que j'aime en leur écrivant, ou plutôt en "textotant".. Tu sais ce que ça veut dire ?

- Dis donc, je suis vioc, m'a t-elle répondu, mais je ne suis pas un baltringue ni un goyo !

- Oh la, calmos ! Voilà ce que j'aimerais que l'on dise : "Andiamo ne fume plus depuis "X" années (on verra au moment opportun). Si vous voulez le voir refumer, rendez-vous au crématorium des Joncherolles le : tel jour, à telle heure" !

Sur ce, elle est partie dans un grand éclat de rire.



La Camarde telle que je l'ai vue (parole de scout)

(ch'tiot crobard Andiamo)