Je vous ai déjà parlé de l'agneau que sa mère ne voulait pas nourrir . Pour le moment, il va bien. Il a une envie de vivre impressionnante. Il a parfaitement compris la situation, il sait qu'il ne tête que quand je tiens sa mère, ou quand je lui ai préparé un biberon de lait de vache du commerce, alors il optimise ! C'est un professionnel de la tétine : sa mère retient son lait, se crispe, mais il déjoue ses manœuvres amorales, il donne des coups de tête dans les mamelles pour décoincer les sphincters, change de trayon à une vitesse supersonique pour la prendre par surprise, en défaut de défense, et tire le lait, par petites gorgées, bien conscient de voler la part que la mère aimerait garder pour son frère, le préféré.

Le faux-frère aussi commence à piger ce qu'il se passe. Déjà, après mon intervention, ya plus rien à gratter, et ça, il apprécie pas. Il faut qu'il attende que les mamelles se reremplissent, et c'est long, vu que, psychologiquement, une brebis qui retient son lait n'a pas tendance à battre des records de production. Elle lâche son lait quand c'est le chouchou qui aspire, mais comme les 3/4 du temps, elle est dans un trip de refus de maternité et de parano envers l'autre agneau, ben le lait n'est pas fabriqué... Le résultat, c'est que l'agneau mal aimé est bien gros (il a les biberons et il tête comme un goinfre, en spécialiste) mais on sent que ya quelque chose qui va pas, il regarde par terre, il fait la gueule... et que le "Choisi" est maigrichon, mais il a la tête haute, il est vif, il est certain de l'amour de sa mère, il est dominateur.

Le petit chef, comme un gosse gâté, imite sa mère. Il donne des coups de tête à son frère. Quand il le voit mâchouiller un peu de foin, il le pousse, se met entre lui et la mangeoire. Il lui grimpe dessus, en un simulacre d'acte sexuel, geste éternel qui, des grands singes anthropomorphes aux humains, en passant par les chiens, a toujours symbolisé la même chose : le rapport de forces t'est défavorable, tu vas passer à la casserole ! Faut que tu te fasses à l'idée.

Quand ils seront plus grands, il lui piquera sa copine...