..., nous dit gentiment Ophise , la cheftaine de gare.

Mais nous aussi, nous aussi, Ophise, on est ravis de t'avoir comme lectrice ! En tout cas moi. Je suis un fan des gares, surtout si les girls de Trafalgar ont des regards à mon égard, mais je m'égare... Et un fasciné des trains. Surtout des arrières-trains. Ce n'est sûrement pas moi qui me plaindrais d'un retard où d'une manifestation encombrant une voie. Mais c'est l'aventure ! Les clients, on ne peut pas les appeler des "patients", n'est-ce pas, se mettent à hurler, à insulter les premiers porteurs d'uniformes SNCF qui passent à leur portée, mais c'est inespéré ? Alors que d'habitude, vous payez pour aller au cinéma, vous avez sous les yeux, gratuitement, des acteurs de premier ordre qui vous simulent une colère allant de la simple acrimonie à la furie la plus totale, avec un talent digne des plus grandes stars. Pour pas un rond. Moi je dis bravo la Seuneusseufeu pour ces animations improvisées destinées à nous faire prendre patience.

Ha moi dans les gares, tout m'est jouissance intense. Tous ces voyageurs plutôt bien pomponnés, on est dans la façade, dans la représentation, ils savent qu'ils vont devoir passer quelques heures en promiscuité avec de parfaits inconnus, bon ben on y va pas en bleu de travail. Ya la fiancée, les parents, les amis pas vus depuis longtemps qui attendent au bout des rails, on se met un peu en frais de toilettes, non ? Le train, c'est le voyage, la rupture tranquille d'avec le train-train quotidien, le changement de référentiel, c'est la magie. Transfert dans l'Espace-Temps, Transformation, vous ne serez pas le même à l'arrivée, vous aurez laissé derrière vous les scories de votre ancien Moi dans les tunnels transgressifs. Le train c'est le hasard de la rencontre, c'est le sourire volé, c'est l'Odyssée à la portée de tous.

Tout y est possible. Mais si ! Allez, un p'tit pouème en illustration (mais yen a d'autres ici et ):

Sur les quais d'une gare
Je marchais au hasard
Tu sortais de l'Enfer
Avec de grands yeux noirs
Dans le froid de l'hiver
On s'est couché par terre.

On regardait passer
Les voyageurs pressés
Qui montaient dans les trains
Et les trains s'en allaient
Et l'on ne faisait rien
Qu'attendre le destin.

On a vécu vingt jours
De poussière et d'Amour
Sous les reflets blafards
Tu me disais : "Le jour,
C'est l'attente du soir
Et le noir, c'est l'espoir."

Tu me disais : "La vie,
C'est quand me vient l'Envie
L'envie de Lui, de Toi
De faire des folies
Et dans ces instants là
Je ne m'appartiens pas."

Alors, sans peur, sans peine
Tu as eu faim de haine
T'as sorti ton couteau
Comme on brise une chaîne
Et tu m'as, sans un mot
Amputé d'un morceau.

Et depuis, je t'attends
Entre morts et vivants
Viens, reviens t'abreuver
Pour nos soifs maintenant
Je les raviverai
Nos plaies ensanglantées...