Marc Bellanger
Par Saoul-Fifre, jeudi 15 mars 2007 à 23:43 :: La vraie vie :: #639 :: rss
C'est une honte !
Il n'y a pas une photo des œuvres de Marc Bellanger sur Internet ! À part celle que j'ai publiée sur Blogborygmes, et qui n'est pas sa meilleure. Et à ce sujet, précisons que "la main verte" n'est pas de lui mais de votre serviteur.
Si on tape "Marc Bellanger" dans "Que d'la gueule", on trouve des hommages de ses élèves, on trouve l'adresse de son atelier (5 rue Romiguières,31000 Toulouse Tel. +33/6121.7329) mais est-elle encore valable ? Mais pas d'images ! Incroyable que ce gars qui vit de son art, de la vente de ses œuvres et de ses cours de sculptures, qui a eu des articles dithyrambiques dans des journaux spécialisés, qui est une référence reconnue dans le métier, ne soit pas présent sur la toile ?
Alors, sans lui faire un site, ce dont je serais incapable, je vais lui consacrer un billet avec son nom en titre, sans faire mon malin habituel, et avec des images avec sonnom.JPEG, et tout et tout. Je veux, et Calune sera chargée de vérifier, que ce billet sorte en premier si on tape "Marc Bellanger" dans Google ! Car le bougre a des homonymes un peu partout, ce qui ne facilite pas les choses...
Je vivais en Ariège quand j'ai fait la connaissance de Marc, par la filière classique "ami d'amis". Nous avions acheté avec mon frère une ferme où nous produisions, avec l'aide bénévole de gentilles vaches, divers produits laitiers, beurre, fromages blancs et des yaourts au goût surnaturel qui me rend encore nostalgique à y repenser 25 ans plus tard. Estampillés "Bio de chez Nature et Progrès", pour ne rien gâcher.
Je m'étais attribué le boulot d'aller livrer notre clientèle de supermarchés. Il fallait se lever à 2 heures du matin, charger les plaques de yaourts dans le vieux J7 en fonction des commandes reçues la veille, et rejoindre Toulouse, la capitale chère à Epictete. En hiver, je garais le fourgon dans la descente pour être sûr qu'il démarre. Je livrais toutes les enseignes super et hypermarchandes de la banlieue, sans préférences ni racisme. Nous étions dans le crénal des yaourts "pots de verre", au même prix que ceux de "La laitière", mais 30 fois plus délicieux, et en bio par dessus le marché. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, le billet n'abordant pas aujourd'hui "la connerie abyssale du consommateur en milieu péri-urbain", mais "Vu à la télé" fait plus vendre que "Plébiscité par mes papilles".
Et je terminais mon périple par 2 ou trois petites épiceries diététiques dans le centre. Je me débrouillais pour terminer par celle qui était au coin de la rue où habitait Marc. Nous avions toujours des yaourts qui n'étaient pas assez fermes pour le commerce (c'étaient nos préférés) ou dont la date de péremption se rapprochait. Marc en raffolait et je sonnais chez lui avec mon plateau sur lequel il se jetait en guise de petit déjeuner. Nous discutions de ses œuvres, je voyais leur évolution et j'étais fasciné par leur perfection technique et par l'ouverture d'esprit, la créativité des thèmes abordés. Marc vivait pour sa terre, de sa terre, il avait le génie terrestre, et quand il avait 2 ou trois jours de libre, il partait se spéléologer dans le gouffre de la Pierre Saint Martin pour recharger ses intuitions-force.
La ferme ne rapportait rien, je n'avais pas un rond devant moi, mais je ne voulais pas que ces merveilles sorties de ses doigts inspirés partent dessécher leur âme dans des vitrines bourgeoises. Nous étions jeunes, pas matérialistes pour un sou, il fut peut-être sensible à mon admiration palpable, ou eut pitié, je ne sais, mais je réussis à lui faire partager ma détresse et je partis comme un voleur avec quelques unes de ses Terres, en lui laissant en paiement des sommes ridicules.
Le Porte-manteau fut mon premier cadeau à Margotte.
Ha oui, j'ai frappé fort, je le reconnais. La pureté de forme de ce truc est hallucinante. C'est creux à l'intérieur, c'est tout fait en "colombin", une technique de gosse (il faut rouler entre ses paumes des "boudins") hyper dure à maîtriser pour un tel résultat. Quand je pense que le Porte-manteau de Marc est chez nous, et aux clopinettes qu'il m'a couté, je me dis que j'ai réalisé l'arnaque du siècle ? L'attaque du train Glasgow-Londres, à côté, c'est comme essayer d'acheter un Carambar avec des billets de Monopoly ?
Toujours prévoyant, je lui ai ensuite acheté ma peut-être future urne funéraire.
Je dis "peut-être", car fondamentalement, je préférerais finir en nourriture aux vers pour la pêche qu'en engrais PK même pas épandu sur les plantes. L'espèce de Fou du Roi hilare, avec sa collerette, j'adore. Bonne affaire là aussi, même si je culpabilise un peu moins, car il me racontait le dégoût ou le recul de ses visiteurs face à ce rappel de notre origine poussiéreuse et de notre redevenir poussiéreux. On ne peut se tromper sur la destination de cette boite : son dessus légèrement incliné vers son trou central et rectangulaire, et la teinte grisâtre évoquent impérativement un tas de cendres à y faire rentrer tout doux tout doux, à l'aide d'une balayette, sans en perdre une miette... Un peu de respect pour les morts, merde ?
Ses Vénus préhistoriques, ses "Donas", ses déesses de la fécondité m'emballaient aussi.
Il avait remarqué qu'elles avaient un certain succès et avait un peu mécanisé sa technique : ces nanas bien en chair sont "faites au moule" !
Au milieu de sa chambre, je tombai un jour en arrêt devant "Renaissance". Un grand silence s'installa.
Je tournai autour, reniflai, soufflai, complètement abasourdi par cet objet qui m'envoyait des tas de messages subliminaux. C'était une pièce maîtresse, c'était un aboutissement, elle rayonnait d'optimisme, le gars qui avait modelé ça avait définitivement niqué la mort, son cou d'airain émousserait à coup sûr l'engin avec lequel la Faucheuse viendrait faire sa sale besogne. Il pouvait désormais ricaner, dégagé des contingences mesquines auxquelles nous restions soumis.
Je le regardai différemment. La honte au front, je lui demandai s'il avait une idée du prix auquel il voulait vendre ce truc et il me répondit en rigolant que ce n'était pas pour moi. J'avais sans doute un peu trop tiré sur la corde de sa générosité.
Je quittai la région, allai à Bordeaux, puis m'inscrivis à cette formation agricole où je rencontrai Margotte. Plein d'années plus tard, mariés, encombrés de moutards, nous débarquâmes impromptument dans son atelier de la rue Romiguières, à 2 pas du Capitole. Au milieu de la pièce, trônait "Renaissance". Il nous montra les essais qu'il faisait à l'époque, des grands palmiers en polystyrène peints de couleurs flashy, qu'il vendait aux bobos branchés et qui nous firent bien rigoler, mais il faut bien manger, n'est-ce pas ? Et puis ce fut moi qui craquai et posai la question de confiance :
- "Alors, toujours pas vendu, Renaissance ?"
- "Ben non, tu vois, il t'attend."
- "C'est dingue, non, les gens n'ont pas de jugeotte, leurs parents leur ont pas pris l'option "bon goût", à la maternité ?"
- "C'est à dire qu'il fait peur. Tu sais : les os, la mort..."
- "Ouais, c'est ce que je dis : ils ont rien capté au côté positif, plein d'espoir de ce truc de ouf."
- "Toi, t'as pigé. En fait il est pour toi, j'avais tort..."
- "Combien tu m'as dit que t'en voulais ?"
- ".... francs, parce que c'est toi."
Je jetai un regard à Margotte, mais je savais que nos finances ne nous permettaient pas cette dépense, et nous repartîmes les mains vides.
Cinq ou six ans passèrent et nous eûmes une rentrée d'argent non prévue. J'ai dû négocier l'affaire avec Margotte en échange d'un Noël et d'un anniversaire, mais je pus appeler Marc pour lui dire que l'affaire était conclue et que nous allions passer prendre la bête.
Elle dégage, hein ??
J'ai parlé des sculptures de Marc dans divers billet, quelquefois sans le nommer. ici ici là
Commentaires
1. Le vendredi 16 mars 2007 à 01:36, par Frenchmat
2. Le vendredi 16 mars 2007 à 06:16, par Tant-Bourrin
3. Le vendredi 16 mars 2007 à 06:49, par Yves
4. Le vendredi 16 mars 2007 à 07:06, par Yves
5. Le vendredi 16 mars 2007 à 07:41, par antenor
6. Le vendredi 16 mars 2007 à 07:56, par nathalie
7. Le vendredi 16 mars 2007 à 08:37, par Cassandre
8. Le vendredi 16 mars 2007 à 09:01, par bakemono
9. Le vendredi 16 mars 2007 à 09:29, par ophise
10. Le vendredi 16 mars 2007 à 09:34, par calune
11. Le vendredi 16 mars 2007 à 09:38, par Manou
12. Le vendredi 16 mars 2007 à 11:24, par Didine
13. Le vendredi 16 mars 2007 à 12:57, par Martine
14. Le vendredi 16 mars 2007 à 13:04, par Freefounette
15. Le vendredi 16 mars 2007 à 13:21, par Saoulfifre
16. Le vendredi 16 mars 2007 à 18:15, par Epictete
17. Le vendredi 16 mars 2007 à 22:02, par Bof.
18. Le vendredi 16 mars 2007 à 22:36, par Saoulfifre
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20. Le lundi 2 juillet 2007 à 00:59, par Saoulfifre
21. Le mercredi 15 avril 2009 à 19:55, par Andiamo
22. Le dimanche 13 février 2011 à 13:48, par rémy
23. Le dimanche 13 février 2011 à 17:43, par Andiamo
24. Le dimanche 13 février 2011 à 21:05, par Saoulfifre
25. Le lundi 14 février 2011 à 09:47, par Andiamo
26. Le lundi 6 octobre 2014 à 18:14, par Larget Gerard
27. Le lundi 6 octobre 2014 à 18:43, par Saoul-Fifre
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