"L'homme forma Dieu avec l'argile du sol, et il lui insuffla dans les narines un souffle de vie, et Dieu devint un être vivant."

Genèse 2 : 7.

Chez mes parents, dans notre ferme de Dordogne, le sol était de l'argile pure. Enfin, sous la mince couche d'humus organique qui permettait de nourrir l'herbe, et par voie de conséquence, les herbivores bovins que mon père élevait. Quand il a voulu créer une retenue d'eau sur le cours du ruisseau qui traversait la propriété, le bull a gratté le fond du vallon, et avec la terre, a construit la digue, n'oubliant pas de prévoir un "déversoir" pour évacuer les crues. Le bull ayant mis l'épaisse veine d'argile à nu, les problèmes d'étanchéité ne se posaient pas. J'aimerais bien avoir cette facilité à creuser des plans d'eau là où j'habite, mais le sable, le calcaire fissuré, les graviers, ça laisse percoler l'eau à la vitesse grand V : le lendemain d'une pluie, le sol est sec. Les argiles, elles, ont un pouvoir d'absorption de l'eau extraordinaire. Les bentonitiques, par exemple, gonflent jusqu'à 20 fois. Un simple tassement et le sol devient un vrai béton qui ne laissera pas passer une goutte.

L'argile à laquelle j'avais naturellement accès, celle du déversoir, par exemple, était magnifique, très pure, très bleue. C'est elle qui m'a donné le goût de patouiller, de bipatouiller, de tripatouiller... J'aime malaxer, plonger mes doigts dans cette consistance plastique, y trouver des formes, en former mes rêves, rêver devant mes trouvailles. Modeler de la terre avec de l'eau, lui insuffler un souffle de vie, la sécher au feu du soleil. De la terre, uniquement de la terre, l'argile primordiale, pas les excréments que Tant-Bourrin, resté scotché au stade pipi-caca-crottin-popo, adore tripoter, pétrir, touiller et écrire des billets avec...

La pâte à modeler, avec ses couleurs différentes, permettait des effets intéressants, mais ne séchait pas vraiment. Le plastiroc n'existait pas encore, mais m'aurait bien plu : il durcit sans passage au feu, peut se colorer et a une bonne durée dans le temps. La première fois que j'en ai vu, c'est chez une amie qui depuis, est devenue sculptrice presque à temps complet. Elle fait même du prosélytisme (ho que j'aime ce genre de prosélytisme) et nous a donné de la terre, elle dit "du grès", je crois qu'il s'agit d'une argile très fine. Margotte a fait une de ces chèvres étiques dont elle a le secret, et un Babar de cirque, graveleux, couillu, membru, trompu, est sorti de mes doigts... Avec mon nouvel APN, je peux vous le montrer...