Gainsbourg. Quel parolier n'a jamais rêvé d'avoir, ne serait-ce qu'une journée, son incroyable talent d'écriture ? Certains se focalisent sur le sens des mots qu'ils écrivent en oubliant totalement les sonorités, la mélodie des phrases. D'autres au contraire travaillent les sons, les allitèrent, les télescopent, mais oublient complètement que les paroles doivent avoir un minimum de sens.

Gainsbourg, lui, alliait ces deux versants de l'écriture avec une grâce qui m'a toujours troué le cul (pour reprendre une de ses expressions favorites).

Bien sûr, on cite souvent son chef d'oeuvre, "Melody Nelson", disque exceptionnel qui, entre parenthèses, doit aussi énormément au talent d'arrangeur de Jean-Claude Vannier.

Mais, pour un obsédé textuel comme moi, "l'homme à la tête de chou" reste un sommet inégalable. Certes moins riche musicalement que "Melody Nelson", mais putain, quelle claque au niveau des paroles ! Gainsbourg n'a jamais eu autant d'ambitions artistiques et autant de talent d'écriture que sur ce concept-album génial (qualificatif souvent galvaudé, mais utilisé ici à bon escient).

Gainsbourg a d'ailleurs mal vécu le relatif échec commercial de cet album. Trois ans plus tard, après le départ de Jane, Gainsbourg laissait hélas la place à Gainsbarre...

L'autre volet de Gainsbourg que j'adore, c'est son volet féminin, quand il se camouflait derrière des interprètes féminines pour laisser enfin vraiment parler son coeur. Les albums écrits pour Jane Birkin, notamment "baby alone in Babylone", sont beaux à pleurer. Sublimes. Dommage que Gainsbourg ait cru bon durant dix ans de cacher son mal-être sous le masque de Gainsbarre. Et la foule d'applaudir le poivrot autodestructeur titubant sur scène...

Toute cette longue introduction pour vous dire que je n'échappe pas à la règle : moi aussi j'aurais voulu avoir le talent d'écriture de Monsieur Gainsbourg, et je me suis risqué quelquefois à essayer d'imiter un tant soit peu son style.

J'ai ainsi essayé un jour de réécrire des paroles sur "amour des feintes", la magnifique chanson écrite pour Jane en 1990, un des derniers cadeaux de Serge.

Ce que j'ai écrit n'a rien à voir avec les paroles originales, ce n'est ni une parodie, ni une grosse pochade.

Non. Juste une tentative un peu maladroite de céder à l'attraction des astres.





Incommuni
cabilité
De tes non-dits
Inondée
Tu es l'uni
que habilité
A pouvoir di
re qui tu es

Incommuni
cabilité
Dans ton muti
sme enfermé
Ton coeur muni
D'habileté
Me fait du ci
néma muet

Tu reconduis la vie commune
Par accord taciturne
On se regarde, silencieux
Taiseux au fond des yeux

Incommuni
cabilité
Mon âme hési
te à t'aimer
T'es comme une i
cône habitée
Par l'amnésie
Du parler

Incommuni
cabilité
Tandis que gli
ssent les années
C'est comme une i
mmobilité
Où s'allangui
ssent mes pensées

Je cherche en vain une ouverture
Une infime brisure
Pour franchir le miroir des yeux
Aux reflets silencieux

Incommuni
cabilité
J'ai des envies
De crier
Toi, sur ton î
le inhabitée
Serein, tu vis
Tes secrets

Incommuni
cabilité
De tes non-dits
Inondée
Tu es l'uni
que habilité
A pouvoir di
re qui tu es

Ton esprit plane en altitude
Comme à son habitude
Il est déjà sous d'autres cieux
Loin du coeur, loin des yeux