Où ?

Sur le divan de la salle de bain
Dans le bidet de la cuisine
Sur le pédalier du train
Dans le solarium de l'usine.

Sous l'évier du salon
Dans l'urinoir des astres
La salle de conférence du cabanon
Devant le miroir de Sartre.

Dans le confessionnal du ciné
Dans l'ascenseur de la ferme
L'armoire à parfum des cabinets
La botte de paille à la crème.

Sur les icebergs du Sahara
Dans le chaud-moite de la cafetière
Sur l'éléphant dans le piège à rats
Dans la boîte de nuit du cimetière...

COMMENT ?

Avec la fougue de la tortue
D'Hitler, la délicatesse
Platoniquement, comme le singe en rut
Avec, de Bruce Lee, la faiblesse.

Avec la flamme d'un glaçon
En se chatouillant à coups de pioche
Avec la douceur du hérisson
Et la contraception qui fait les mioches.

Avec la fragilité d'un obus
À la vitesse de la lumière éteinte
Avec la légalité des abus
Et le courage que donne la crainte.

Avec l'intuition d'un blockaus
La nudité requise sur la banquise
Avec la mollesse d'un os
Et la simplicité d'une marquise...

AVEC QUI ?

Avec un intellectuel de Néhenderthal
Avec une salope moraliste
Un marchand de canons au quintal
Avec une fidèle qui tient bien sa liste.

En compagnie d'un innocent soldat
D'une comique suicidaire
Avec un mendiant bien gras
Une nonne jambes en l'air.

Sous une délégation d'hommes seuls
Entre les cuisses d'une cul-de-jatte
Avec un tourneur qui te meule
Une chinoise comme une tomate.

Avec un poitrinaire en jean
Avec une nudiste timide
Un sobre et sa bouteille de gin
Une femme enceinte à l'œil vide...

POURQUOI ?

Parce que le chagrin, c'est bien fini
Parce qu'un cœur est fait pour se fendre
Un trou, pour être rempli
Une bouche, pour mâcher la cendre.

Parce que la beauté ne me botte plus
La perceuse a remplacé la patience
Notre âme est morte, qui l'eût cru ?
La veine bleutée n'a pas eu de chance.

Car les seins ne remuent que deux par deux
Car les cheveux flottent dans la soupe
Car les iris au fond des yeux
Ne brillent qu'à travers la loupe.

Parce que les bras sont de fer ou de bois
Parce que la douceur est dure à éclore
Que, pour murmurer, on aboie
Que le philtre d'Amour sent le chlore.

Parce que le drap est couleur lie-de-vin
Parce que les langues fourchent à la pelle
Que la course en avant donne sur le ravin
Que la chair de poule est sur la peau des belles.

Car le lit-portefeuille s'est rempli
Car les hommes ont oublié qu'ils sont femmes
Qu'à la belote, le bon n'a pas fait un pli
Car Mozart est poli avec sa gamme.

Car, après son premier ours tué,
Le premier homme prit la première épouse
il ne l'a pas tuée, mais s'est habitué
À la traiter comme la dernière des bouses.