Quelques mots de ma soeur sur le répondeur : "L'hôpital nous a appelés. Papa est décédé ce matin..."

Un an déjà aujourd'hui...

Un an déjà que la longue descente de mon père dans les sous-sols de la vie a pris fin.

Je me souviens de ce goût si particulier, mélange aigre-doux de tristesse et de soulagement.

Je me souviens aussi de cette longue, si longue descente qui avait commencé à peu près à l'époque où la vie a pris force en Tant-Bourrine. Notre fils commençait à croître dans son ventre et mon père à décroître dans la vie, d'éclatement de vaisseaux sanguins dans le cerveau en perte de capacités physiques, comme si, par un macabre jeu de vases communicants, la vie de l'un s'était déversée dans l'autre.

Je me souviens de ce mois de septembre 2003, deux mois avant la naissance de Tant-Bourriquet, où tout a failli s'arrêter, de ce nouvel accident cérébral, de ce corps sans réaction, de l'hémiplégie, de cette grise maison de retraite. Septembre noir.

Je me souviens de la première fois où j'ai revu mon père après la naissance de Tant-Bourriquet. L'envie de hurler qui vrille le cerveau en découvrant la mort en marche sur le visage creusé, jauni, où se subsiste aucune expression. Presque méconnaissable. Absent. Je me rappelle que mon père n'était pas vraiment là ce jour-là, les yeux mi-clos, la lèvre pendante. Rendez-vous manqué.

Mais je me souviens aussi de ce jour de mars 2004. Mon père avait un tout petit peu récupéré de ses facultés. Il ne parlait plus, mais je lus la joie, la joie simple, la joie débordante dans ses yeux brillants de larmes, dans son ébauche de sourire quand il vit enfin son petit-fils. Comme un instant d'éternité. Un passage de relais. Court. Si court.

Je me souviens de ce gris mois de novembre 2004. Tant-Bourriquet fêtait son premier anniversaire, et l'on savait que c'était la fin pour mon père. Les reins morts. Plus d'espoir.

Jusqu'à ces mots sur le répondeur.

Novembre sera toujours ce mois si particulier, ce mois qui, dans ses premiers jours, m'aura donné un fils et repris un père dans ses dernier jours...

La vie comme un novembre.