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mardi 17 octobre 2006

ManouUne aurore authentique



Envers et contre tous, il l'aima
Elle
Il décida aussi d’aimer son ventre rond
Et de se transformer en père
Puis les enfants l’ancrèrent
Le soir, il les aidait à leurs leçons
Tandis qu'elle
Cuisait les repas

Faire et défaire
L’ennui, se taire

Un jour elle est partie
Une autre vie

Au bout de quelques mois, il y a cru
Il est allé dormir devant sa porte
A elle
La nuit, malgré le froid polaire
Malgré les autres, réfractaires

Malgré les vents contraires
Il est revenu
Avec elle
Les Bruits, les plaintes se sont tus

lundi 16 octobre 2006

Tant-BourrinLa vie de Jean XXXX

Je vous ai déjà parlé de mes recherches généalogiques. De ces aïeux ramenés, dans le souffle de leur nom, un court instant à la lumière du jour, de ces vies recomposées par toutes petites touches, infimes repères sur le tableau blanc d'une existence.

Il advient parfois que l'on parte sur une fausse piste, sur les traces d'un ancêtre que l'on croit enfin tenir, avant de découvrir que l'on a fait fausse route. Il ne reste alors qu'à laisser tomber et reprendre ses recherches à zéro.

J'ai connu ce genre de mésaventure il y a très peu de temps en cherchant à remonter sur ma branche patronymique. J'étais donc sur la trace de Jean XXXX (mon vrai nom - masqué ici - dans la vie), dont je savais seulement qu'il s'était marié en 1791 à Herré, dans les Landes.

Et puis, un soir, j'ai trouvé la trace d'un Jean XXXX sur les registres d'enregistrement des bagnes des Archives de Toulon et de Rochefort. Un ancêtre bagnard ? Pourquoi pas, au fond, voilà qui change singulièrement des cultivateurs qui se comptent à la pelle dans les branches de mon arbre.

Mais voilà, très rapidement, j'ai remarqué que ça ne collait pas : le lieu de naissance, la situation de famille, non, ça ne pouvait pas être le bon Jean XXXX. Compte tenu de la rareté du nom, il devait toutefois s'agir d'un cousin plus ou moins éloigné de mon ancêtre, mais rien de plus qu'un cousin.

Bof. On referme donc la piste et on passe à autre chose. Voilà ce que j'aurais dû me dire.

Mais je n'ai pas pu détacher mes pensées de ce Jean XXXX, de ce que j'avais lu...

Nom de famille : XXXX
Prénom(s) : Jean

Lieu de détention : Rochefort
N° de matricule : 5097
Profession : Tailleur d'habits
Situation familiale : Célibataire
âge ou année de naissance : 42 ans
Lieu de naissance : Parentis en Born (40)
Père : Blaise
Mère : YYYY Marguerite
Chaîne ou amené (trajet) : du Midi
Tribunal : Dax (Cour de justice criminelle)
Cause du jugement : Tentative de vol avec effraction
Date de condamnation : 16/04/1810
Durée de la condamnation : 10 ans
Date d'entrée au bagne : 21/09/1810
Date de sortie du bagne : 08/12/1815
Motif de sortie du bagne : Décès
Signalement : Taille=1m585, cheveux noirs, sourcils et barbe châtain foncé, visage ovale, front large, couvert, yeux roux, nez long, mince, bouche grande, menton rond, 2 verrues sur chaque joue, un signe à la joue droite, marqué légèrement de petite vérole, cicatrice près le creux de l'estomac à gauche
Observations : Exposé le 21/04/1810

Voilà. Une existence plus en pointillés qu'en certitudes... Pourquoi avait-il commis ce vol ? Etait-ce un infâme salaud ou un pauvre bougre poussé par la faim, en des temps où la vie n'était pas tendre pour les gueux ? Et quelle avait été sa vie avant cela ? Avait-il aimé ? Eté aimé ? Sans réponse.

Reste juste ce goût étrange dans la bouche, cet impalpable malaise.
Ce portrait tracé à l'encre précise et glacée de l'administration pénitentiaire.
Cette vie résumée dans la sinistre indifférence d'un "Motif de sortie du bagne : Décès".

dimanche 15 octobre 2006

Saoul-FifreContre-poèterie

La douceur de l'air
La rousseur de l'aide
La douceur de l'aide
La rousseur de l'air

L'erreur là-dessous

Odeur d'aisselles
Lourdeur des seins
Couleur de neiges charnelles
Odeur de flammes éternelles

Douceur de l'aine
Douce heure de laine
Fleur de piloselle
Sans fioriture ni florilège

Touffeur de l'Eve
Éleveuse de sève
Langue à lèvres
Briquet à allumer la fièvre

Assaut de caresses

Sous l'arceau, mais lequel est-ce ?
Annonceur de la moiteur ?

Envelopper ses lettres
Lentement peloter ses lèvres
Humecter le bord du rabat
Humer becqueter les sabords
Le mat de misaine
Les voiles cinglant vers Boura-Bourra

La raideur nous saoule, nous soude
La roue de l'heure décède
Les défenses chancellent et cèdent

La mousse clapote sous les secousses
La motte se pousse
se frotte se presse se trémousse
Jalouse de ce jalon qui s'allonge
Jauge qui ose tous les jeux
Téméraire serré incarcéré
Pour qu'ils ne puissent s'enfuir
Pour qu'ils s'enfouissent
Dans la jouissance
Jouet de leurs sens

Que la liesse se soulève s'achève
Que les blessures susurrent aux morsures
Des secrets frais et farouches
Que les bulles de plaisir
Irisent et se fissurent

Dans un grand consensus d'éclaboussures

samedi 14 octobre 2006

Manou1, 2, 3, Soleil



Aujourd'hui, journée mondiale de l'alimentation, allez faire un tour sur le site d’une association qui aborde les gens sur le parvis de La Défense : http://www.actioncontrelafaim.org/. Comme http://www.medecinsdumonde.org/ d’ailleurs …

Mais aujourd’hui, c'est aussi la Saint-Juste. Vous trépignez, vous suppliez ? Pour vous, au péril de ma santé mentale qui n'a pas grand chose à craindre (On ne hoche pas la tête), j'ai trouvé qui était Saint Juste : Martyr romain. Il appartenait à l'armée impériale et ne cachait pas sa foi chrétienne. Il fut arrêté et subit le martyre du casque rougi au feu qu'on lui mit sur la tête, et étendu sur un gril; au dessus d'une fournaise ardente. Les Eglises d'Orient le célèbrent parce que la tradition veut qu'il soit mort à Constantinople, l'Eglise d'Occident pense que ce fut à Rome même.

Moralité toute personnelle : mieux vaut se taire et fuir que le faire et cuire. Hum.

Pendant que j'y suis, je vous donne aussi l'origine de l'expression bien connue et maintes fois utilisée : "C'est pas Juste". Durant les longues soirées d'hiver, le fils aîné de Saint-Juste eut donc très tôt l'habitude de voir le crâne découvert de son père. Alors que ce dernier était parti pour les croisades bien avant la mode, un intrigant se présenta à son logis en se faisant passer pour lui. La ressemblance n'était pas frappante. Aussi le fils de Juste fit-il se décoiffer l'individu. Il découvrit un crâne indemne et du même coup l'imposture. "C'est pas Juste" assura-t-il à sa mère. Hum.

J'allais oublier de vous préciser le prénom de la mère du fils de Saint-Juste (en fait, le prénom de la femme de Juste, ça marche aussi) : « Pute ». Du coup, l'expression "Fils de Pute" ainsi que l’immense amour qu'elle sous-tend prennent toute leur signification. Limpides comme les blés (expression dont je vous donnerai l'origine la semaine prochaine).

vendredi 13 octobre 2006

Tant-BourrinLe stylo

Odilon Bellefeuille rêvait de postérité mais n'arrivait même pas à conquérir un vague renom de son vivant. C'était pourtant l'époque de la prophétie warholienne, cette triste période de l'histoire de l'humanité où le premier trou du cul venu pouvait devenir une idole rien qu'en se grattant le nez devant une caméra.

Mais voilà, Odilon Bellefeuille rêvait de mieux, de bien mieux : il avait de hautes ambitions culturelles et brûlait du désir inextinguible d'entrer au Panthéon de la littérature française. Hélas, malgré tous ses efforts, malgré toute la flamme qu'il y mettait, ses manuscrits lui étaient invariablement retournés par les éditeurs. "Pas assez ceci", "trop cela", "manque de qualités littéraires", les prétextes à ces refus étaient nombreux. Odilon n'y voyait pourtant qu'un manque de lucidité de la part de vieux barbons qui ne comprenaient décidément rien à son talent et en conçut une certaine amertume.

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jeudi 12 octobre 2006

EpicteteRéflexion du 12 octobre 2006



La simplicité et la sincérité ne peuvent jamais aller de pair. Celui qui s’est identifié à quelque chose, à quelque niveau que ce soit, est peut-être sincère, mais il n’est pas simple. La volonté d’être est l’antithèse même de la simplicité. La simplicité vient lorsque le désir d’acquisition ou de réalisation cesse. La simplicité est la lucidité passive et vigilante dans laquelle le sujet de l’expérience ne cherche pas à garder la trace de son expérience. L’introspection a toujours un motif – être libre, comprendre, obtenir – et ce désir ne fait qu’intensifier la conscience du moi. De même, les conclusions introspectives interdisent la connaissance de soi.

mercredi 11 octobre 2006

Saoul-FifreAaaaaAAaahhhhhhh...

Annabel, Aréthuse, Alcmène, Antinéa, Amparida, Allegria, Annabel, Atsouko, Alda, Antiope, Anne, Alcyone, Aydée, Athelstane, Agar, Azraële, Aedona, Alberte, Apsara, Atalide, Alverde, Axelle, Alice, Aquilina, Adèle, Armide, Armande, Argine, Aïno, Andrée, Aïssé, Algide, Agathe, Adlonne, Ariane, Aude, Armance, Angelica, Arabella, Alzyre, Armène, Albine...

À cette longue litanie prenante, envoûtante et singulièrement monomaniaque de prénoms féminins, vous ajoutez "Angel", seul héros masculin, et vous obtenez la liste des prénoms du personnage principal de chaque roman de Pierre Benoit. Quelle galerie d'héroïnes ! Et quelles femmes ! Si Benoit enfilait des perles, on peut dire qu'il en a décrit des colliers, des lignes de perles de toutes eaux, de toutes couleurs, piégées dans leur folie, dans leur sagesse, dans leur patience, leur endurance, leur hystérie, leur fidélité à un rêve, une promesse, un fantôme... Épinglées à leur devoir, à leur souffrance, refusant corps et âme de bifurquer vers un autre destin, meilleur, la volonté énergisée par le désir de vengeance, par l'adoption d'une haine ne leur appartenant pas. La vie se charge de recouvrir et recouvrer leur honneur foulé aux pieds, de couches sédimentaires successives, mais leur plaie est une source continue, vivace, comme un stigmate rappelant aux hommes leur légèreté, et les entraînant, les roulant dans leurs flots fascinants et impétueux, dans leur Alpha...

Les amants chez Benoit n'ont rien de commun, de près ou de loin, avec les amoureux de Peynet. D'Amour, il est peu question, enfin, d'Amour désintéressé, généreux, regardant dans la même direction que Saint Ex., ou assis du bout des fesses sur un banc public... Par contre si la Passion vous parle, que les sentiments exacerbés vous titillent, les destins farouches et condamnés dès leur naissance vous mettent en transes, il faut lire Benoit qui, camouflé sous un académisme de forme sécurisant, va vous ballotter, vous faire vous vautrer dans le scabreux. Ses héros sont prisonniers de leurs instincts, de leurs désirs, de leurs besoins. Même les manipulateurs sont des victimes, sous la coupe de leur destin. Personne ne ressort indemne de ces bouillonnements pleins d'humanité. La drogue, le jeu, l'alcool, la dépendance sexuelle, le masochisme, les mensonges croisés, le cynisme, la Grande Avalanche de la déchéance est initiée, elle rebondit ses rochers dévastateurs et amoraux tous azimuts, et les cris d'alerte dérisoires des spectateurs n'y feront rien : l'écroulement ne stoppera qu'au fin fond du plus bas. Trop tard.

Ce qui me sidère chez Benoit, c'est qu'en soignant la présentation du bouquet, on arrive à offrir de telles fleurs vénéneuses... Ce gars a vendu de son vivant des millions de recueils pleins d'horreurs et de stupre. Né en 1886, en un temps où les publications étaient surveillées, les bonnes mœurs pas vraiment une vue de l'esprit, la morale publique, une véritable chape de plomb, Benoit s'est mis à écrire ses romans qui traînaient dans la boue les valeurs en cours et à la hausse à l'époque. Et il a fini à l'Académie Française, malgré une attitude sulfureuse pendant l'occupation. C'est à croire que personne ne comprenait ce qu'il racontait, fascinés par la perfection et l'élégance de sa langue. Il est vrai que pas un seul gros mot ni tournure vulgaire n'a coulé de sa plume. Toutes les turpitudes décrites étaient allusives, enrobées dans du papier cristal brillant des mille feux de tropes rhétoriques les plus pures. Ceux qui s'attendraient, suite à ce billet, à lire des descriptions crues de parties fines, seront déçus. Et pourtant ! Peu d'écrivains auront disséqué les hypocrisies sociales, dénudé les noirceurs de l'âme humaine et montré jusqu'à quels excès elle pouvait s'abaisser, mieux que Benoit.

Si ce qui précède ne vous a pas trop inquiété, que vous ne connaissez pas encore le bonhomme, que vous soyez d'accord pour avoir un entr'aperçu de la féminité ravageuse de ses héroïnes-femmes fatales, vous pouvez partir sur les traces d'Anne, dans "Mademoiselle de La Ferté", qui hisse l'assassinat au niveau du plaisir et du Bel Canto. Dans "Le Lac Salé", c'est Annabel, qui morfle et qui en redemande, chez ses amis les Mormons... L'homme n'est pas toujours la victime, chez Benoit. Dans "Le soleil de minuit", Armide fait sauter très haut le bouchon de l'amour filial, et dans "L'île verte", sombre et joli livre qui se passe au large de Blaye, dans l'estuaire de la Gironde, Andrée patiente, calcule, martingale, semble empocher la mise, mais trébuche enfin...

Un autre mystère, aussi : comment Benoit a t-il pu se retrouver dans la bibliothèque de mon pater, si parano, si prude, si cul serré de grenouille de bénitier ? Lui non plus n'a pas dû tout capter.

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