Vnyz, la vénusienne
Par Saoul-Fifre, mercredi 1 février 2006 à 00:08 :: La vraie vie :: #234 :: rss
Ces nuits en wagon-lits sont toujours trépidantes et agitées, mais cette arrivée en Trans-Italie-Express vaut son pesant de rayons dorés grâce à la longue traversée du pont sur la lagune, à la petite aurore. Les détails se dévoilent, repoussant le drap de la nuit lentement, s'étirent, faisant craquer leur engourdissement et Venise, j'allais dire Vénuse, comme la déesse née des eaux, se redresse sur la brume de son sommeil.
Le terminus de Santa Lucia est un commencement. Après avoir acquis l'indispensable coupon qui permet de sillonner sans limite la Génialissime, ses îles vassales et la barrière littorale du Lido, à bord de ces véloces vaporetti, et s'être débarrassé de nos bagages à l'hôtel, nous avons entamé de dévorer des yeux cette ville intacte, entière, de l'arpenter, la sillonner, la ratisser. En Octobre, pas de Mostra, pas de Carnaval, pas de régates, pas de Biennales. Le nombre des sectateurs et des amoureux transis de la Bellissime a suivi un sévère régime amaigrissant. Tout est moins encombré, on arpente des fondamenti déserts, les queues sont inexistantes, les gens calmes, accueillants...
Venise est une ville sympa, vivante, bruyante, tapageuse, courageuse et bien réelle. Si côté musée il y a, il ne m'a pas gêné : Venise est belle, elle le sait, elle est fière et ça lui fait manifestement plaisir de montrer ses appâts. Mais sans affectation ni sophistication. Son maquillage reste discret, naturel . La beauté, oui, mais pas au prix de la vérité ! Ses tenues révèlent plus qu'elles ne cachent ses formes véritables, au risque (et à l'honneur !) d'en revendiquer les imperfections qui nous la rendent unique et touchante. Une grande fente dans le mur d'abside d'une église ? Elle pourrait la couvrir d'une de ces grandes toiles dont elle a à revendre au Maître ? Et bien non ! Voici ma fente, et prenez la comme vous le voulez...
Venise dont le travail est incontestablement de se vendre aux touristes. Mais il est tout aussi exact qu'elle accepte, si nous voulons bien nous en donner la peine, de nous laisser gracieusement toucher
"les p'tits bouts d'sa peau, bien cachés,
que les autres n'ont pas touché..."
Sa cuisse légère ne s'alanguit vénalement qu'entre San Marco et San Polo, en passant par le Rialto, finalement... Dans le Canareggio, le Dorsoduro, la pointe du Castello, qui représente en surface la grande majorité de Venise, la boutique de Max ou de "vétro c'est trop" se cantonne au rôle d'exception qui confirme la règle de son absence. Les prix y sont aussi beaucoup plus "per résidenti solamente" : j'ai été me faire recommander une bonne bouteille de "grappa vecchia" dans une boutique spécialisée du Rialto (affichée 29 €)... puis suis allé acheter sa jumelle dans une petite épicerie de quartier... à 17 € ! On a crapahuté comme des malades : tout ce qu'on peut voir en 3 jours on l'a vu. C'est un vrai labyrinthe, surtout la nuit où on a pas le soleil comme repère, on s'y paume très facilement mais ça fait partie du "giocho" ! 3/4 jours de plus et je pouvais m'installer comme guide, mais en fauteuil roulant...
Après un dernier petit aller-retour nocturne en vaporetto (dans les 2 places si convoitées du "nez" du bateau) pour rendre moins poignant l'arrachage à Venise, nous sommes enfin rentrés. Le serveur du dernier resto, qui nous avait visiblement à la bonne, nous a lancé "a domani" puis, devant nos airs contrits, "a Natale, allora...".
Le quai de départ de Santa Lucia n'est pas une fin. C'est une certitude de retour. On revient toujours à Venise, c'est "bateau" de le dire. On y revient en pensée, au pire, et cette infidélité sera la dernière à nous fouailler sur notre lit de remords.
Petite bibliographie sans importance :
"Fables de Venise", album de BD de Hugo Pratt (Corto Maltese)
"Voir Venise..." et "...et mourir", 2 tomes de la série BD des Largo Winch. (Franck/Van Hamme)
"La mort à Venise" de Thomas Mann
"La reine Albemarle, ou le dernier touriste" de Jean-Paul Sartre
"Le voyage en Italie", de Jean Giono...
"En observant Venise" de Mary Mc Carthy
"Voyages en Italie" de Chateaubriand
"Mémoires" de Casanova
"Venises" de Paul Morand
Commentaires
1. Le mercredi 1 février 2006 à 06:18, par Tant-Bourrin
2. Le mercredi 1 février 2006 à 06:34, par Saoulfifre
3. Le mercredi 1 février 2006 à 06:48, par matthieu
4. Le mercredi 1 février 2006 à 09:58, par Byalpel
5. Le mercredi 1 février 2006 à 15:08, par Anne
6. Le mercredi 1 février 2006 à 15:53, par manou
7. Le mercredi 1 février 2006 à 17:49, par Pascal
8. Le mercredi 1 février 2006 à 18:20, par mamascha
9. Le mercredi 1 février 2006 à 18:58, par Saoulfifre
10. Le mercredi 1 février 2006 à 20:47, par Bof...etc.
11. Le mercredi 1 février 2006 à 23:18, par Saoulfifre
12. Le jeudi 2 février 2006 à 21:01, par Twig
13. Le jeudi 29 janvier 2009 à 19:35, par Andiamo
14. Le jeudi 29 janvier 2009 à 20:14, par Saoulfifre
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