Je soussigné Tant-Bourrin, né le gnnn/gnnn/gnnngnngnn (bin quoi, on peut être mort et avoir encore des coquetteries !), à Bourrinville (département de Selle-et-Harnais), demeurant 1 rue des Equidés à Bourrinville :

  • lègue à Saoul-Fifre, mon mot de passe administrateur de Blogborygmes, à savoir "mortauxbouseux" (hem... oui, je sais... mais bon...)
  • lègue à Manou, le droit de pondre un billet un jour sur deux au lieu de un jour sur trois, ce qui lui permettra de produire plus rapidement les 15569 billets qu'elle s'est par contrat engagée à fournir et d'obtenir par là-même plus rapidement sa libération
  • aux lecteurs habituels de ce blog, lègue le droit de me pleurer et de signer le registre de condoléances dans les commentaires de ce billet
  • à Tant-Bourrine, ma douce moitié, lègue l'essentiel : tout mon amour, imputrescible malgré la mort de mes cellules. Et puis aussi tous les biens matériels, parce que l'on est mariés sous le régime de la communauté de biens et parce que l'amour, ça ne se mange pas en salade
  • à Tant-Bourriquet, mon pauvre orphelin chéri, lègue tous mes rêves et la force d'aller plus loin, même sans la main d'un papa pour tenir la sienne, et lègue surtout le droit de reprendre ma place au sein de Blogborygmes S.A. dès qu'il saura écrire (si le Souf' lui fait des misères, je viendrai le tirer la nuit par ses doigts de pied)

Fait et écrit et signé de ma main en toute lucidité et en possession de toutes mes facultés, à Bourrinville, le 28 janvier 2007.



Voilà, une bonne chose de faite. Je me sens en paix et désormais prêt à mourir demain (c'est à dire ce matin, à l'heure où ce billet sera mis en ligne).

Pardon ? Comment puis-je être si sûr de mourir à si brève échéance ?

Ah, malheureux ! Les choses sont pourtant simples : tous les lundis matins, au boulot, je subis quelque chose d'inhumain, d'épouvantable, de mortel.
Une souffrance.
Une purge.
Une torture.

Une réunion de service.

Je crois que je vous en ai déjà parlé quelque part, de mes réunions de service, mais je n'ai pas envie de rechercher dans quel billet : le temps m'est trop compté, et il vaut bien mieux que je le réserve pour mes ultimes prières.

Sachez simplement que je suis doté d'un chef souffrant de diarrhée verbale, d'un prurit de détails accompagnés d'incontinence temporelle. En d'autres termes, avec lui, les réunions, au lieu de se limiter à un rapide échange sur les points essentiels permettant aux différentes équipes de travailler en bonne intelligence, se transforment en un magma gluant de phonèmes non signifiants, en échanges bilatéraux sur le fond des dossiers (échanges mortellement longs et, bien entendu, jamais conclusifs), en répétition ad libitum de ce qui a déjà été dit la semaine précédente et la semaine précédant la précédente, en dégoisements interminables et sans aucun fil logique (mon chef de service est la seule personne que je connaisse capable de changer d'idée entre le début et la fin d'une de ses phrases).

Bref, ce lundi matin, comme tous les lundis matins, je vais souffrir quatre heures durant. Quatre heures sans fin à rester le cul sur la chaise, à résister au sommeil (le poids des mots, le choc des paupières), à opiner du chef de temps en temps pour faire semblant de suivre le flux gélatineux de la bouillie orale et à ressasser tout ce que je pourrais faire de passionnant pendant ce temps au lieu d'être là à me morfondre.

Et inutile d'espérer mettre en oeuvre les préceptes que je vous ai délivrés naguère : en petit comité autour d'une minuscule table ronde, c'est sans espoir.

Bref, je vais crever ce matin.

Oui, je vais mourir comme tous les lundis matins. Mais avec la triste perspective de ressuciter pour crever de nouveau le lundi matin suivant.

Vous comprenez mieux le pourquoi de mon testament maintenant ?

Et pour finir ce billet passablement décousu, un petit dessin de l'excellent Gabs qui illustre parfaitement ce à quoi ressemblent les lundis matins à la maison...