Notre fille, c'est le désordre fait pré-ado. Elle représente une espèce de must dans le genre. Bon, nous, ses parents, nous ne sommes pas en situation de lui faire la morale à ce sujet. Le bordel, on connaît, la poussière est notre amie, l'araignée notre auxiliaire de démouchisation, et quand on passe l'aspirateur, la sécurité se met toutes les 3 minutes. Non aux cadences infernales, le droit de grève des avale-poils de chiens n'est pas négociable !

On n'est pas organisés, pas sérieux, pas obsédés de l'hygiène, mais sa chambre à elle ? Sa chambre !!! Même moi, je suis dégoûté quand j'y rentre. D'ailleurs, c'est pas évident d'y rentrer, on voit pas le sol, recouvert de cédés, de petites culottes, de dessins froissés, de peluches, de chaussettes, de sacs, de livres scolaires, enfin : une liste à la Prévert, mais par terre...

On voit pas les murs non plus, scotchés de filles et de garçons découpés dans les magazines ou les catalogues. On va me dire que c'est de son âge (j'attends de pied ferme le com' défenseur de l'enfance de Freefounette q:^) mais ça fait pitié, quand même ? Le paradoxe étant qu'elle est très attachée aux apparences, qu'elle nous squatte la salle de bain tellement qu'on dirait qu'elle l'a louée du lever au coucher du soleil, mais qu'elle ne fait aucun rapprochement avec le vomi-look de sa carrée.

L'autre jour je lui dis : "Mais quand tu reçois tes copines, t'as pas honte de les faire rentrer dans ce cloaque ?" (Oui, si elle n'a pas d'ordre, elle aura au moins du vocabulaire) et elle me répond : "Fais ièch, lâche-moi la grappe, tu m'casses les couilles, papa..." avec cette élégance si féminine que je lui envie si fort... Je me sens donc obligé de lui préciser que je ne lui ai pas demandé de philosopher en langage SMS sur le mal de vivre de la jeunesse rabrouée, et lui enjoins derechef d'aller ranger sa tanière, sous astreinte de nombreuses heures d'interdiction de se connecter à MSN.

Elle s'enferme dans son trou à ordure où chante une cafetière en claquant la porte de toutes ses forces sur le pauvre chambranle qui ne lui a rien fait. Potentiomètre à fond. Une heure plus tard, je jette courageusement un œil, il y a un léger mieux dans l'ordonnance générale, mais en me penchant, je découvre les anciennes strates d'objets simplement plissées sous les meubles. Je lui annonce qu'elle a échoué à son examen de bonne ménagère mais qu'elle est admise au repêchage.

C'est la fin de la matinée, ses amies débarquent comme d'hab pour un séjour à la durée aléatoire, et je range moi aussi mes velléités d'éducation. L'après-midi, je vois avec plaisir qu'un chantier fébrile a envahi la maison et que son foyer d'activité est concentré autour de la chambre de Zoé. L'aspirateur joue du hard, les sacs poubelles valsent et les balayettes ont la danse de Saint-Guy. Zoé me met d'autorité 4 gros sacs-poubelles dans le fourgon, à descendre au container : la pièce ressemble presque à un intérieur japonais, la zen-attitude a envahi l'espace.

Ce que je n'aurais jamais réussi à obtenir, les copines y sont arrivées. Et elles ont laissé en partant, punaisés au mur, à hauteur de regard :

les 11 commandements d'une chambre

Mais quelle est la durée de vie des bonnes résolutions ? En tout cas, les 2 lutins, là, elles sont invitées privilégiées à temps complet, si elles veulent !

L'adorable chanson qui a inspiré le titre est