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vendredi 24 août 2007

ManouPierre Desproges cite Julio Iglésias

Dernière citation des vacances





Je ne résisterai pas au plaisir de conclure mon exposé littéraire en citant un extrait d’un ouvrage contemporain impérissable et assez révélateur de la verve épique du style des jeunes auteurs modernes. Le livre s’appelle Entre le ciel et l’enfer, et l’auteur, Julio Iglésias, si j’en juge par la qualité littéraire, a pu se faire aider par un étudiant, voire un professeur de lettres françaises. C’est à la page 195, le chapitre intitulé : « Le pan de ma chemise qui dépassait ». Après avoir raconté dans un chapitre précédent la couleur de ses chaussures, l’auteur nous révèle maintenant que chaque matin il s’habille.

« Je passe d’abord ma chemise que je boutonne de haut en bas, puis mon pantalon(…) Je ne porte pas de ceinture, je n’en ai pas besoin. J’ajuste mon pantalon avec ma chemise par–dessus. C’est ainsi que je me peigne. Je sais que je ne dois pas tout de suite rentrer ma chemise dans mon pantalon c’est pour ça que je la laisse dépasser le temps de mettre ma cravate. Je porte des cravates toutes simples, de couleur sombre, unie, en soie. Mon pantalon est une sorte de seconde peau que je dois enfiler. C’est là le point commun avec les toreros … Il faut en effet que je tortille, qu’on tire sur le pantalon jusqu’à ce qu’il colle à moi comme une seconde peau. Je mets également mon gilet en le boutonnant lentement. et j’ai besoin qu’il me fasse un peu mal et qu’il me serre… Lorsque habillé, je me regarde dans la glace, généralement de profil, il m’arrive parfois de pousser un grand cri de satisfaction : - Ahhhhhhhhhh ! »

Pierre Desproges (vivons heureux en attendant la mort)

jeudi 23 août 2007

Tant-BourrinUsé jusqu'à la corde

Ce n'est pas drôle de porter un nom qui prête à sourire comme Malèze. Et ça l'est encore moins quand vos parents ont eu l'idée saugrenue - à moins que ce ne soit du vice - de vous prénommer Léger.

Un nom aussi grotesque influe-t-il inévitablement sur votre destinée ? Assurément, se disait pour la énième fois Léger Malèze, comment pourrait-il en être autrement ?

A cela s'étaient ajoutés une enfance terne, une vie insipide, un travail purement alimentaire, quelques aventures sans lendemain qui avaient laissé place à la solitude de tous les jours et, finalement, une grande lassitude, une terrible lassitude dont il ne parvenait plus à se défaire depuis des années. Mon dieu, comment avait-il pu en arriver là ?

Le regard de Léger se perdait dans la vague amère de ses pensées. Puis se raffermit et se posa sur le noeud coulant qui oscillait doucement devant lui.

"Allez, se dit-il, juste un mauvais moment à passer".

Sa gorge se serra. Ses yeux, de nouveau englués de flou, revoyaient défiler les images de sa vie.

Le visage de son père, jeune, se dessinait avec une netteté telle qu'il aurait pu le croire là, présent, devant lui. Ce père métayer, sec et sévère comme un coup de trique et qu'il avait passé son enfance à haïr de tout son coeur, jusqu'à ce que le Malin exauce ses prières en le faisant mourir des poumons, alors que Léger n'avait que neuf ans.

Le portrait de sa mère s'esquissa également, pâle et effacé comme elle l'avait toujours été elle-même, que la vie n'avait pas épargnée, mettant prématurément fin à un mariage Charybde pour la pousser dans un remariage Scylla avec un homme aussi violent et aussi peu aimant que le premier.

Il revit aussi ses frères, ses soeurs, les travaux harassants de la ferme, les journées sans joie et sans jeux, la froide humidité des murs les nuits d'hiver. Il se remémora les premiers émois amoureux, la Jeanne de Sainte-Fauste, la Marie de la Rigaude, et les autres, les autres dont il rêvait de caresser la peau. Mais la disgrâce de son visage et son nom ridicule suffisaient à les tenir éloignées de lui.

Il revécut ce rude été pluvieux où la moisson avait été mauvaise et où il apparut que la métairie, qu'avait reprise en main son frère aîné, ne suffirait pas à nourrir sa mère et sa fratrie, ce rude été à l'issue duquel il avait dû aller chercher du travail en complément dans la ville voisine. Un travail qu'il avait trouvé si difficile au début mais qu'il accomplissait maintenant depuis des années de façon si machinale.

Puis il ressentit encore une fois la cuisante douleur de ce mariage qui semblait presque conclu et qui avait avorté quand la Marthe du Hourrat, qui lui avait promis les fiançailles, lui avait préféré le Joseph, juste parce qu'il avait plus de biens que lui et qu'il était plus beau garçon.

Ses poings se serrèrent à cette pensée, avant de s'ouvrir de nouveau pour pleurer des doigts ballants, alors qu'il revivait la morne grisaille des longues années qui s'étaient écoulées depuis ce jour, et ses épaules semblèrent se voûter plus encore sous le fardeau de la lassitude.

Tout cela repassait silencieusement devant ses yeux noyés dans le lointain. Et puis ceux-ci, comme brutalement animés d'une solide détermination, accommodèrent pour observer de nouveau la corde épaisse et son noeud coulant qui tanguait devant son visage.

"Il est temps d'en finir", se dit-il simplement.

Un instant plus tard, la corde oscillait encore doucement, mais elle supportait le poids d'un corps sans vie.




Sa tâche accomplie, Léger Malèze reprit le chemin de la métairie. Oui, décidément, sa vie, sa solitude, son travail de bourreau lui pesaient et il songea que le bonhomme dont il venait de s'occuper était déjà au moins son soixantième pendu.

Et puis il se rappela que c'était le jour où l'on devait tuer le cochon à la ferme. Il sourit et pressa le pas. Voilà au moins qui allait un peu lui changer les idées !

mercredi 22 août 2007

Saoul-FifreC'est du propre !

Comme nous le savons (à la lavande), je le répète assez, je n'ai rencontré la famille Tant-Bourrin qu'une seule fois, et encore, sans le petit Tant-Bourriquet, pas encore né. Ça n'a pas altéré nos rapports, puisque, comme dit le dramaturge, non, pas lui, l'autre : "Et le désir s’accroît quand l’effet se recule...", et puis j'ai eu droit à des photos, à des mails adorables, mais la chose me turlupinait.

Alors je me suis creusé la tête et je me suis souvenu de leurs airs gênés, pas à l'aise, lors de leur unique visite. Ils faisaient de grands gestes comme pour chasser les mouches devant leur visage, ils se mouchaient plus fréquemment que la normale, se tripotaient le nez d'un air ennuyé malgré mes brillantes diatribes. Bizarres.

Le texte suivant leur est dédié.

Au début, je me décapais
Tous les premiers jeudis du mois
C'était une fête, un cadeau
Pour bien savourer les sous-bois
Il faut connaître le fumier
Pour apprécier la propreté
Il faut savoir être crado
C'était une fête, un cadeau !

Refrain :

Il faut frotter, frotter, frotter
Pour enlever la saleté
Oui mais, frotter
Ça fait suer
Alors il faut se relaver
Et tout est à recommencer !

Puis je me suis débarbouillé
Le Dimanche, jour du bon dieu
C'était un devoir, un Crédo
Il ne faut pas être morveux
Dans des habits dominicaux
Pour ronger l'os du pot-au-feu
Je me récurais les naseaux
C'était un devoir, un Crédo !

Puis je me suis lavé les pieds
Le soir avant d'aller au pieu
C'était un supplice un fardeau
Où me menait ce petit jeu ?
N'en faisais-je pas un peu trop ?
La dépendance rend nerveux
J'étais un drogué du bain chaud
C'était un supplice, un fardeau !

Alors j'arrêtai brusquement
Je retrouvai ma liberté
Ce fut la joie, l'Eldorado
Je me suis plus brossé les crocs
Je me suis plus rincé le cul
Mes amis ne sont plus venus
Ma femme est partie au grand trot
Avec un laveur de carreaux

Et mes yeux se sont délavés
Sous les flots de larmes coulés

mardi 21 août 2007

ManouAlbert camus (Le premier homme)






Conversation avec le lieutenant para :

- Tu parles trop bien. Nous allons voir à côté si ta langue sera aussi bien pendue. Allons.

- Bon, mais je veux d’abord vous prévenir car vous n’avez sans doute jamais rencontré d’hommes.

Ecoutez bien. Je vous tiens pour responsable de ce qui va se passer à côté, comme vous dites. Si je ne plie pas, ce ne sera rien. Simplement je vous cracherai à la figure en public le jour où ce sera possible. Mais si je plie et que je m’en sorte, que ce soit dans un an ou dans vingt, je vous tuerai, vous personnellement.

- Soignez-le, dit le lieutenant, c’est un fortiche.


Albert camus (Le premier homme – annexes-)

lundi 20 août 2007

Tant-BourrinMon prochain album (5)

Mon enthousiasme est vite retombé face à l'accueil mitigé que vous avez réservé à la dernière maquette que j'ai réalisée pour mon prochain album. Un accueil à peu près à la hauteur de celui que vous aviez déjà réservé à la première, à la deuxième et à la troisième mouture.

Et vu que le lectorat de Blogborygmes est à peu près représentatif du niveau des gros boeufs des acheteurs potentiels de mon CD, j'ai préféré assurer le coup en passant toutes les prises à la broyeuse et en reprenant tout à zéro.

Le souci, c'est que je me trouvais à nouveau sans producteur. Mais étrangement, cette fois-ci, il n'était pas parti furieux en claquant la porte comme la quinzaine de producteurs que j'avais usés précédemment. Non, celui-là m'avait quitté solidement encadré par deux types en blouse blanche qui étaient venus le chercher pour d'obscures raisons que j'ignore.

Alors, pour le coup, j'ai décidé de me recentrer sur l'essentiel, c'est-à-dire moi, et de m'autoproduire, considérant que, dans le fond, ça me ferait autant de royalties à ne pas partager on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même.

Et puisque j'étais donc parti à me recentrer sur moi-même, je me suis dit qu'il fallait aller puiser au plus profond de mon âme les matériaux de mes prochains hits, ne pas hésiter à se balader du côté sauvage de la nature humaine pour capter l'attention des sauvages des fins amateurs de musique que vous êtes.

Et comme je suis décidément un bon cheval, je vous offre en exclusivité mondiale la maquette du morceau-phare de mon prochain album. Attention, c'est sombre, c'est déchiré, mais ça déchire grave, non ?




Cliquez sur l'image pour voir la pochette en grand


Tant-Bourrin - Bienvenue chez les bouseux


Saoul-Fifre est un sacré cul-terreux
Quand j'l'ai rencontré, ça puait un peu
Il a eu un rire niaiseux
M'a tendu une main dégueu
Et dit :
Hé mec, bienvenue chez les bouseux !
Ouais cré vingt dieux, bienvenue chez les bouseux !

Le Souf' m'a présenté ses poulettes
D'la volaille qui crie, qui chie, qui pète
Et, de fait, ces sales bêtes
M'ont chié sur les baskets
L'Souf' dit :
Hé mec, bienvenue chez les bouseux !
Ouais cré vingt dieux, bienvenue chez les bouseux !
La basse-cour faisait : gout gout gout gout gout...

Puis j'ai vu Julie, sa grosse cochonne
Souf' m'a dit "fais gaffe, elle fait la trogne"
Elle m'a poursuivi, en rogne
Et m'a mordu les roustones
L'Souf' dit :
Hé mec, bienvenue chez les bouseux !
Ouais cré vingt dieux, bienvenue chez les bouseux !

Irrité par mes cris de douleur
L'bouc de Souf' a eu ses vapeurs
Il a calmé sa fureur
Sur mon pauvre postérieur
L'Souf' dit :
Hé mec, bienvenue chez les bouseux !
Ouais cré vingt dieux, bienvenue chez les bouseux !

Puis Saoul-Fifre m'a invité à boire
Une petite liqueur de son terroir
Ça m'a brûlé les mâchoires
Et après c'est le trou noir
L'Souf' dit :
Hé mec, bienvenue chez les bouseux !
Ouais cré vingt dieux, bienvenue chez les bouseux !
Et le Souf' buvait : glou glou glou glou glou...

(Téléchargeable directement ici)


Mais... hem... j'ai encore un léger doute existentiel, là.

De méchantes langues (pour ne pas dire des langues de travailleuses du sexe) m'ont sournoisement susurré que mon nouveau projet d'album ressemblait très légèrement à ceci...

Mais bon, je ne vais pas me laisser abattre par ces mesquineries fielleuses qui puent la jalousie à des kilomètres à la ronde... S'il fallait s'inquiéter de très très vagues ressemblances avec des petites productions obscures d'artistes amateurs, on n'aurait pas fini d'être traumatisé !

dimanche 19 août 2007

Saoul-FifreComptines pour adultes (12)

Ce n'est pas la première ni la dernière, et les autres comptines pour adultes sont here , par ici , par là , ici là-bas là aussi ici itou tout là-bas même là et clique aussi là-dessus

Pour se rafraîchir la mémoire avec les paroles et l'air originaux, c'est là que ça se passe

Il était un petit saty-re
Il était un petit saty-re
Qui n'était ja-ja-jamais fatigué
Qui n'était ja-ja-jamais fatigué
Allez, allez...

Refrain :
Allez, allez, au boulot
Montre-nous qu't'es pas un rigolo
Allez, allez, p'tit saoulaud
N'aies pas peur de nous en faire en trop !

Il introduit son long zob lar-ge
Il introduit son long zob lar-ge
Dans sa mèr' qui-qui-qui l'faisait téter
Dans sa mèr' qui-qui-qui l'faisait téter
Du lait, du lait...

Refrain

Au bout de 5 à 6 semai-nes
Au bout de 5 à 6 semai-nes
L'envie lui vint-vint-vint d's'émanciper
L'envie lui vint-vint-vint d's'émanciper
Ah mais, ah mais ?

Refrain

On tira z-à la courte bi-te
On tira z-à la courte bi-te
Pour savoir qui-qui le f'rait décharger
Pour savoir qui-qui le f'rait décharger
Allez, allez...

Refrain

Le sort tomba sur la plus chau-de
Le sort tomba sur la plus chau-de
Et son vit fut-fut-fut vite vidé
Et son vit fut-fut-fut vite vidé
Allez, allez...

Refrain

Elle demanda du rab' de sau-ce
Elle demanda du rab' de sau-ce
Et s'jeta sur-sur le garde-manger
Et s'jeta sur-sur le garde-manger
Allez, allez...

Refrain

Ses lèvres le ragaillardi-rent
Ses lèvres le ragaillardi-rent
Et ses gross's couill's-couill's-couill's se remplissaient
Et ses gross's couill's-couill's-couill's se remplissaient
Olé, olé...

Refrain

Il fit ainsi le tour du mon-de
Il fit ainsi le tour du mon-de
Sans débander-der-der ni s'reposer
Sans débander-der-der ni s'reposer
Holalala...

Refrain

Quand on le mit dedans son cer-cueil
Quand on le mit dedans son cer-cueil
Le couvercl'on-cl'on cl'on ne put fermer
Le couvercl'on-cl'on cl'on ne put fermer
Comment qu'on fait ?

Refrain : T'as fait, t'as fait ton boulot
T'arrête de faire ton rigolo
Faut bien qu'on fass' notre boulot
Et que l'on te le coupe au couteau !

samedi 18 août 2007

ManouSlavomir RAWICZ (A marche forcée)






Le poisson séché, déjà sérieusement rationné, ne dura que jusqu'au cinquième jour et devant nous s'étendait toujours un horizon sans nulle trace de vie. Au milieu de cet univers aride il n'y avait de vivant que huit petits atomes humains et quelques rares serpents. Rien n'eût été plus facile que de cesser de bouger, de nous étendre là et de mourir. La tentation de faire durer la pause de midi, de continuer à sommeiller tout au long de l'après-midi brûlant jusqu'à ce que le soleil disparût, taraudait nos carcasses douloureuses et déshydratées. Nous avions les pieds dans un état pitoyable car un sable brûlant traversait l'intérieur des minces semelles de nos mocassins éculés. Alors, d'une voix rauque, je me prenais à dire à mes compagnons de se lever et de repartir. Ici, il n'y a rien, leur répétais-je. Derrière nous, il n'y a rien. Devant, il y a forcément quelque chose. Il faut qu'il y ait quelque chose. Mors, Kristina se levait et venait se ranger à côté de moi, de même que Kolemenos. Puis les autres suivaient, sans ordre. Et chacun se remettait en route tel un automate, tête basse, silencieux, enfermé dans ses pensées, mettant des heures durant un pied devant l'autre.
Le sixième jour, Kristina trébucha et, tombée à genoux, leva les yeux vers moi :
– C'est idiot, Slav : je me suis fait un croche-pied toute seule.
Sans attendre que je l'aide, elle se releva lentement et reprit sa marche à mes côtés. Dans l'après-midi, je fus surpris et vaguement irrité de me retrouver moi aussi à genoux. Je n'avais pas eu conscience de tomber. Je marchais et l'instant d'après j'étais arrêté. A genoux, me dis-je... comme un homme en prière. Je me redressai. Nul n'avait ralenti l'allure. Sans doute avaient-ils à peine remarqué ma chute. Il me sembla mettre très longtemps pour reprendre ma place en tête. D'autres s'effondraient également, comme je le notais de temps en temps. Les jambes se dérobaient, ils se figeaient et quelques secondes de perplexité s'écoulaient avant qu'ils comprissent qu'ils avaient cessé d'avancer. Et ils repartaient. Il n'était pas question de renoncer. C'étaient là les signes d'une faiblesse croissante qui sapait nos forces, mais les reconnaître pour tels eût été fatal. La mort venait en reconnaissance, mais nous n'étions pas encore prêts à mourir.


Slavomir RAWICZ (A marche forcée)


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